Tibère, qui a succédé à Auguste en 14, s’attache à pérenniser le pouvoir monarchique instauré par son illustre prédécesseur. Le nouvel empereur a pour neveu et fils adoptif Germanicus, un jeune général, défenseur des principes républicains.
Celui-ci jouit d’une grande popularité grâce aux succès des campagnes qu’il a menées en Gaule et sur le Rhin. En 17, Tibère, inquiet et jaloux de sa gloire, le rappelle à Rome, qui lui fait un triomphe. Il reçoit le commandement suprême des provinces orientales et, l’année suivante, devient consul.

La visite « illégale » de Germanicus en Egypte
Au début de l’année 19, à l’occasion d’une mission extraordinaire en Orient, Germanicus décide de passer par l’Egypte, bravant le règlement établi par Auguste, qui interdit à tout sénateur ou chevalier romain de haut rang de s’y rendre sans l’autorisation de l’empereur. « C’était là parmi d’autres un des secrets de son pouvoir, écrit Tacite à propos d’Auguste, il avait complètement séparé l’Egypte du reste de l’Empire, il craignait qu’on puisse réduire l’Italie à la famine en s’emparant de cette province, fermée du côté de la terre et par la mer, et qu’une faible garnison pouvait défendre contre de grandes armées. » Tibère est furieux, d’autant que Germanicus s’attire la sympathie des Égyptiens par ses édits bienveillants. Il fait ouvrir les greniers dans lesquels s’entassent les produits agricoles destinés à Rome afin de faire baisser les prix. Il marche dans les rues « sans escorte, les pieds découverts et vêtu à la grecque », ce qui plaît beaucoup au peuple, et refuse les hommages excessifs : « J’accepte les témoignages de votre affection que vous m’offrez à chaque fois que vous me voyez, mais je refuse absolument ces acclamations odieuses qui s’adressent à un dieu. »
II s’oppose aux injustices commises sous prétexte de sa présence : « Ayant appris qu’en vue de mon arrivée il a été procédé à des réquisitions de bateaux et d’animaux, et que des habitations ont été occupées par la force pour notre logement, et que des particuliers ont été molestés, j’ai jugé nécessaire de déclarer que je ne veux que l’on n’exige de personne ni bateau ni bête de somme sans un ordre de Baebius mon ami et secrétaire, ni que l’on occupe de logement. » A son retour, Tibère lui fait de violents reproches. Les manières du jeune consul suscitent l’hostilité des puissants, et quand il meurt subitement en cette même année 19, Pison, gouverneur de l’Egypte, de la Judée et de la Syrie sera accusé de l’avoir empoisonné.
En 37, c’est un de ses fils, Caligula, qui succédera à Tibère. Accueilli avec enthousiasme en raison du souvenir qu’a laissé son père, Caligula fera régner la terreur dans Rome par sa démence et sera rapidement remplacé par Claude, le frère de Germanicus.
Une plaie de l’Egypte : les exactions des fonctionnaires romains
Sous le règne de Claude, les conflits s’aggravent à Alexandrie entre Juifs et Grecs, et l’empereur reçoit à Rome des ambassades des deux communautés. Il écrit une Lettre aux Alexandrins, dans laquelle il exprime son mécontentement : « En ce qui concerne les troubles et les désordres, ou à vrai dire la guerre que vous menez contre les Juifs, je n’ai pas voulu en rechercher minutieusement les responsables (...), tout en conservant en moi-même une intangible colère contre ceux qui ont fait renaître ces troubles (...). Une fois de plus, je conjure les Alexandrins de se montrer bien disposés et bienveillants envers les Juifs qui habitent leur ville depuis très longtemps (...). Et aux Juifs j’ordonne formellement de ne pas intriguer pour obtenir plus que ce qu’ils n’avaient auparavant (...) et de ne pas attirer ni d’introduire de Juifs venant de Syrie ou d’Egypte en descendant le fleuve, pratique qui m’obligera à concevoir les plus graves soupçons. » Pendant un certain temps, Alexandrie retrouve la paix. Le reste du pays, malgré les mesures de Germanicus, est
vite retombé dans son malheur quotidien, fait d’une constante surexploitation du peuple indigène par des fonctionnaires sans scrupules. Ce malgré les édits préfectoraux qui tentent de rétablir un semblant de justice, comme celui de Cnaeus Vergilius Capito en 49 : « J’ordonne que ceux qui circulent dans les nomes, soldats, cavaliers, gardes, centurions, chiliarques et tous les autres, n’opèrent ni exaction ni réquisition sans avoir un ordre écrit de ma part. » On lit encore au début de l’édit de 68 du préfet Tiberius Julius Alexander : « Assailli, à peine entré dans la ville, des cris des solliciteurs, par petits groupes ou en foule, appartenant aux meilleurs milieux comme à la paysannerie, et qui protestaient contre les excès récemment commis, je n’ai pas cessé, dans la mesure de mes moyens, de réformer le plus urgent. »

L’Egypte dans la révolution
En 68 et 69, l’Empire est secouée par la guerre civile. Partie de Gaule lugdunaise, où le gouverneur Julius Vindex se révolte contre les impôts, l’insurrection gagne les provinces de la Gaule centrale et méridionale. Les armées provinciales sont battues à Besançon par les troupes de la Germanie supérieure restées fidèles à l’empereur, mais Néron, déclaré ennemi public par le Sénat, se donne la mort en juin 68. Galba, gouverneur de l’Espagne, une province révoltée, puis Vitellius, gouverneur de la Germanie inférieure, qui s’est emparé de Rome avec ses 60 000 hommes, lui succèdent. C’est alors qu’une légion d’Alexandrie, poussée par Tiberius Julius Alexander, proclame empereur Vespasien, commandant de l’armée d’Orient en Judée. Celui-ci se rend à Rome, où, après de sanglants événements (le Capitole brûle, Vitellius est massacré par la foule...), le Sénat le fera empereur en décembre 69. Son règne met fin à la révolution qui a menacé la pax romana ; les frontières de l’empire sont renforcées, et les provinces occidentales connaissent un nouvel essor.