La fratricide bataille d’Actium
Article mis en ligne le 25 février 2008
dernière modification le 21 octobre 2013

La bataille navale d’Actium décide de l’issue de la lutte sans merci que se livrent depuis plusieurs années Octave et Antoine. L’enjeu est de taille : la domination du monde méditerranéen. Au côté d’Antoine Cléopâtre est loin d’être une simple figurante. Excellent capitaine et fin stratège, elle tente de sauver les restes de son empire et de survivre... à défaut de vaincre.

Au mois d’octobre de l’an 40 avant Jésus-Christ, Caius Octavius Augustus, petit-neveu et fils adoptif de Jules César, reçoit la gestion de l’Occident, Lépide celle de l’Afrique, Marc Antoine celle de l’Orient. Au cours de l’été 37, le triumvirat est renouvelé pour cinq ans. Mais, l’année suivante, Octave s’empare de la Sicile et de l’Afrique, Antoine est désormais son seul rival sur la route du pouvoir absolu.

Un mariage qui mène à la guerre

En octobre 37, Antoine épouse Cléopâtre selon le rituel égyptien. Mais, à Rome, il a laissé Octavie, la soeur d’Octave, avec laquelle il s’est marié en secondes noces après la mort de Fulvie, sa première femme. Cléopâtre n’a pas trente-cinq ans, elle n’a jamais été aussi puissante. Octave ne peut tolérer l’expansion de l’Égypte et considère son union avec Antoine comme une offense personnelle et un défi. A la fin de l’année 33, Antoine, qui veut éviter le conflit armé, envoie les acta de sa gestion de l’Orient au Sénat romain. Octave fulmine et réplique avec une telle violence que la rupture est consommée.

Au printemps suivant, Antoine et Cléopâtre concentrent une puissante armée navale et terrestre à Éphèse, sur la côte ouest de l’Asie Mineure, Au début de l’été, deux des compagnons d’armes d’Antoine, Plancus et Titius, passent à l’ennemi. Ils révèlent à Octave l’existence d’un testament que son rival a confié à la garde des vestales. Antoine y reconnaît Césarion comme le fils de César, comble de biens les enfants de Cléopâtre et demande à être enseveli à Alexandrie, près de sa bien-aimée. Habilement exploitée par Octave, cette derfière clause soulève la colère des Romains. Le triumvir d’Orient est démis de ses pouvoirs. Octave, furieux, s’exclame : « Qu’on se garde bien de considérer Antoine comme un Romain, c’est un Égyptien » ! En octobre 32, le Romain, champion de l’Occident civilisé contre l’Orient barbare, mobilise toutes les forces de Rome et déclare la guerre à Cléopâtre.

Octave en 27 avant J.-C.

Les généraux établissent leurs camps respectifs sur le promontoire d’Actium, dans le golfe d’Ambrachie (l’actuel golfe d’Arta), sur la mer Ionienne, au sud de l’Épire (en Grèce). Au printemps, les premières escarmouches opposent les adversaires. Agrippa, qui commande la flotte romaine, s’empare de toutes les îles situées dans les parages et se poste au large de Corcyre, l’actuelle Corfou. Les navires d’Antoine sont bloqués, et son armée, encerclée, connaît de graves difficultés d’approvisionnement. Les rois de Thrace et de Paphlagonie se rallient à Octave. Plus grave, un des fidèles d’Antoine, Dellius, passe à l’ennemi en emportant le plan de bataille.

La ruse d’Agrippa précipite les événements

Pour Antoine et Cléopâtre, la seule solution est de forcer le blocus romain avec une flotte réduite. On brûle les lourds cargos égyptiens et les petits navires, trop lents pour échapper à l’ennemi. Le trésor de guerre est embarqué sur l’Antonia, le navire amiral de Cléopâtre. Seules quatre escadres — soit deux cent quarante navires — font désormais face aux quatre cents vaisseaux d’Octave.

Le 2 septembre 31 vers midi, après quatre jours de tempête, une légère brise se lève. Enrangs serrés, les navires d’Antoine et Cléopâtre quittent leur mouillage. Les lourds vaisseaux égyptiens repoussent les attaques des légères trirèmes romaines. Mais, après six heures d’une lutte acharnée, une manœuvre d’Agrippa retourne la situation. Le rusé général feint de se replier. Publicola, qui commande l’aile droite d’Antoine, tombe dans le piège et se lance à la poursuite du Romain. Le front d’Antoine est rompu. Agrippa profite de la confusion, fait volte-face et attaque la flotte dispersée. Pendant ce temps, Cléopâtre, qui se tient en arrière, saisit sa chance. Elle se faufile dans la brèche et gagne le large. Antoine saute dans une rapide quinquirème et la suit. Seuls cent navires parviennent à s’échapper. Tandis qu’ils fuient, la bataille fait rage. Elle ne se terminera que tard dans la nuit. Antoine « abandonna et trahit ceux qui se faisaient tuer pour lui (...) pour suivre celle qui avait déjà commencé à le miner, raconte Plutarque. Les épaves de l’immense flotte (...) voguaient sur la mer et les dépouilles recouvertes de pourpre et d’or des Arabes, des Sabéens et de mille peuples d’Asie, poussées par le vent, étaient sans cesse rejetées par la mer. »

Le général Agrippa

Cléopâtre le sait : Octave est désormais le maître incontesté

La version d’Octave et la tradition antique donnent la victoire romaine comme écrasante. Mais Antoine et Cléopâtre sont saufs et libres. Bien qu’à demi-vaincus ils ont réussi à déjouer les plans du Romain et à conserver leur trésor Cependant, ils ont perdu une partie importante de leurs forces et ont été abandonnés ou tra his par nombre de leurs alliés. Sur le promontoire d’Actium, leur armée de terre s’est rendue à Octave pour le prix de sa clémence, La fière et ardente Cléopâtre refuse de s’avouer vaincue, Sa flotte rentre au port d’Alexandrie toutes voiles dehors et ornée de guirlandes. Le peuple égyptien salue le retour de sa glorieuse reine au son d’hymnes triomphaux. Pourtant, la dernière souveraine de la lignée des Ptolémées est pleinement consciente du fait qu’Octave, désormais maitre unique et incontesté du monde romain, ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Pour célébrer sa victoire, il fait édifier la ville de Nicopolis — de nike, victoire, et polis, ville — près de l’actuelle Preveza (Grèce), puis continue son offensive jusqu’en Égypte. Un an plus tard, la chute d’Alexandrie signe l’arrêt de mort d’Antoine et de Cléopâtre, et la chute de l’Égypte hellénistique. Quant à Octave, il met fin à la République et, après le court intermède du principat, devient, en 27 avant Jésus-Christ, le tout-puissant empereur de Rome.