Avec la XVIIIe dynastie, fondée par Ahmosis, s’ouvre une ère de changements fondamentaux dans les mentalités égyptiennes, ère marquée par l’apparition du cheval et du char de combat, la création d’une armée forte et conquérante, dont les principaux éléments sont des mercenaires.
s’y ajoutent une administration de plus en plus centralisée sous l’égide de fonctionnaires royaux aux pouvoirs accrus, un commerce de plus en plus tourné vers l’extérieur et un clergé qui doit sa puissance aux dons de rois qui souhaitent de nouveau proclamer leur nature divine. Depuis longtemps déjà, les Egyptiens, guère réputés pour leur tempérament belliqueux, ont souvent laissé à d’autres le soin de guerroyer. Mais jamais l’armée égyptienne n’a compté autant de mercenaires que sous le Nouvel Empire, les pharaons de l’Ancien et du Moyen Empire se contentant de s’appuyer sur les milices armées des no-mes pour partir à la conquête des territoires nubiens. Les nombreuses guerres dans le nord comme dans le sud, la crainte de nouvelles invasions conduisent les souverains de la XVIIIe dynastie à créer une véritable armée de métier, organisée, fortement hiérarchisée, soutenue par une intendance structurée et opérationnelle. Bref, une armée capable de tenir en respect les velléités belliqueuses de voisins trop menaçants ou de mener le pays vers de nouvelles conquêtes.

Il est vrai que le cadre géopolitique a changé. Les puissances asiatiques sont de plus en plus dangereuses. Le bassin méditerranéen est en pleine ébullition, et l’Égypte, en tant que grande puissance, ne peut rester à l’écart de tels bouleversements. Une armée nationale est donc nécessaire. Les chefs mercenaires occupent des postes stratégiques, comme chef des soldats, chef de la charrerie royale, « grand des gendarmes ». Ils outrepassent facilement leurs fonctions militaires pour s’immiscer dans les affaires de І’État. C’est ainsi que, sur ordre de Pharaon, certains d’entre eux font creuser des canaux, s’occupent de l’acheminement des matériaux de construction, gèrent le trésor royal ou interviennent dans certains litiges administratifs. Tant que le roi est fort, cette aristocratie militaire se contente de s’enrichir et de servir loyalement son souverain, mais lorsque la royauté bat de l’aile ils sont les premiers à tenter d’accaparer le trône par la force.
Un clergé omniprésent
La deuxième force du pays est constituée par le clergé. Depuis le début de la XVIIIe dynastie, les prêtres se voient courtisés par les pharaons qui, pour retrouver leur légitimité divine traditionnelle, bafouée par deux siècles d’hégémonie Hyksos, n’hésitent pas à dépenser sans compter l’argent royal pour embellir les temples et assurer leur bon fonctionnement. L’Égypte étant depuis toujours un pays où le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel ne font qu’un, où les croyances religieuses régissent la vie des habitants, il est important de renouer avec les certitudes en « reconstruisant » un clergé censé célébrer la gloire du pharaon-dieu.

C’est ainsi que, outre la réhabilitation des temples, le Nouvel Empire voit le nombre des prêtres et des préposés à l’administration des temples augmenter de façon très sensible. Chaque temple devient une véritable cité dotée d’une hiérarchie sans faille, du plus petit jardinier au redoutable grand prêtre, dont les pouvoirs ne tarderont pas à ébranler le trône de Pharaon. Car tous ces souverains du Nouvel Empire passent une partie de leur temps à faire construire de magnifiques édifices à la gloire d’Amon pour le remercier de leur avoir donné telle ou telle victoire, à octroyer
aux temples de larges parts de leurs butins de guerre. C’est presque à celui qui érigera le monument le plus beau, le plus grand, le plus
fastueux. Dans de telles conditions, les temples amassent d’immenses fortunes qui, à certains moments, rivaliseront avec celle de leur mécène. Les prêtres profitent de leur puissance pour exercer leur domination sur un peuple absorbé par la religion et s’immiscent de plus en plus dans la vie politique. L’hérésie amarnienne est un exemple éclatant de réaction contre l’omniprésence étouffante d’un clergé devenu une menace pour la royauté.
Mercenaires et clergé remplacent peu à peu l’ancienne noblesse du Moyen Empire, dont les princes des nomes et les hauts dignitaires de la cour étaient les plus illustres représentants. Ces deux forces nouvelles finiront par prendre le pouvoir lorsque l’Égypte connaîtra le début de son irrémédiable décadence, à partir de Ramsès III.
