Les premiers médecins du monde
Article mis en ligne le 20 février 2019
dernière modification le 23 janvier 2019

Les anciens egyptiens étaient des précurseurs en médecine. Il semble qu’il existait des écoles rattachées aux temples, où la médecine était enseignée. La médecine pharaonique jouissait déjà d’une très grande renommée, tant en Egypte que dans les nations voisines. L’exercice de la médecine égyptienne s’étend donc sur plus de 5 000 ans.

Les Egyptiens de l’Antiquité excellaient dans le traitement des affections du système digestif, des yeux et des voies respiratoires. Leur plus grande spécialité étant la chirurgie des os.

Les peintures murales des temples et des tombeaux pharaoniques ainsi que les papyrus antiques représentent les sources de nos connaissances en tout ce qui concerne la médecine chez les Egyptiens de l’Antiquité. « L’Egypte pharaonique a transmis des manuscrits sur cuir ou sur papyrus, des peintures ainsi que des objets. Ces documents sont pour l’essentiel des livres de pratique médicale auxquels les médecins se référaient et ne sont pas des traités théoriques », indique le Dr Mohamad Rafiq Khalil, doyen de la section de la chirurgie à la faculté de médecine de l’Université d’Alexandrie, qui a animé la conférence du CFCA. Dans la littérature médicale égyptienne retrouvée, les auteurs ne sont jamais cités.

Il existe à ce jour une quinzaine d’écrits médicaux, la majorité écrits en hiératique. Parmi les plus connus figure le papyrus d’Ebers, conservé à Leipzig, daté de 1550 av. J.-C. Il comporte en réalité des passages recopiés remontant au début du troisième millénaire av. J.-C. (2670-2160). Après les trois formules magiques de protection du médecin, commence le livre relatif à la préparation des médicaments pour toutes les parties du corps. Ce texte vient probablement de la bibliothèque d’une école de médecine. C’est le plus ancien des traités scientifiques connus. Livre médical modèle, il contient des notions d’anatomie, un exposé de cas pathologiques et les traitements correspondants, ainsi que 700 recettes de médicaments. « En étudiant le papyrus médical d’Ebers, nous savons l’évolution des conceptions médicales. Il existait trois espèces de praticiens : le sinou (ou saounou) qui est le médecin, les prêtres (ouabou) qui emploient une médecine de caractère religieux et les magiciens (saou) qui utilisent des procédés magiques pour guérir les malades », explique le Dr Mohamad Rafiq.

Le père de l’Histoire, Hérodote, consacra d’ailleurs un long commentaire à la pratique médicale en Egypte dans sa description des caractéristiques et des spécialités du pays. Hérodote nous apprend que chaque médecin soigne une seule espèce de maladie. Ces médecins se trouvent en nombre en tout lieu, s’occupant les uns des yeux, d’autres du ventre, de la tête, des dents, des maux internes. Cette spécialisation remonte à une haute époque et s’explique dans un pays où l’on souffre plus particulièrement de l’intestin (dysenterie), des yeux (cataracte, héméralopie, trachome) et de la vessie (bilharziose). Les remèdes étaient préparés par le médecin lui-même et sa tâche n’était alors pas toujours simple.


De vrais traités médicaux

Le médecin égyptien était assisté d’infirmiers. Dans un autre papyrus sont exposés 48 cas concernant les lésions et les plaies, depuis la tête jusqu’à la colonne vertébrale. Il s’agit du papyrus d’Edwin Smith, dont il manque la fin. « Dans certains cas, les médecins de l’Egypte Ancienne utilisaient les bandages serrés et les massages dans les luxations ou les fractures. Les chirurgiens mettaient au point des traités médicaux sur la circulation du sang. En chirurgie dentaire, les dentistes égyptiens exécutaient des plombages, qui s’effectuaient à l’aide d’un ciment minéral. Toutes ces connaissances existaient dès le IIIe millénaire av. J.-C. », explique le Dr Mohamad Rafiq. Néanmoins, les connaissances anatomiques des médecins de l’Antiquité restaient très élémentaires.

L’organisation dans tous les domaines de la société pharaonique n’a pas manqué de réglementer la profession médicale. Les médecins faisaient, semble-t-il, partie de l’élite des fonctionnaires nationaux (ils côtoient les chefs militaires, les prêtres et les hauts responsables de l’Etat), leur réputation s’étendait jusqu’aux pays étrangers où ils étaient parfois appelés en consultation. Dès l’Ancien Empire, on trouve des médecins à la cour royale. Les rois avaient leur médecin-chef qui pouvait prendre, en outre, le titre de « directeur général des médecins de la Haute et de la Basse-Egypte ». Les médecins de la cour occupaient sans doute une fonction enviée qui leur permettait d’approcher le roi et de se voir comblés d’honneurs par leur patient. Pour les autres, on peut penser qu’ils s’installaient à leur compte dans les villes. D’autre part, certains médecins et scientistes pharaoniques ont pourvu de très hauts postes dans l’Etat, citons surtout le roi Imhotep, de la IIIe dynastie, le constructeur de la pyramide. Imhotep était en fait un chirurgien, homme de philosophie mais aussi un artiste.

Longtemps conservés dans le temple de Path, les livres de médecine pharaonique inspirèrent les médecins grecs et romains jusqu’au IIIe siècle. La médecine de l’époque moderne s’est aussi beaucoup inspirée de celle de l’Egypte pharaonique. La plupart des documents et des papyrus médicaux dataient du Nouvel Empire (de la XVIIIe à la XXe dynastie). Un nombre restreint de ceux-ci dataient du Moyen Empire (de la XIe à la XIIe dynastie), citons ceux découverts au Ramesseum. « En fait, les plus importants papyrus médicaux traitant différents thèmes chirurgical, gynécologique, etc. dataient de la XVIIIe dynastie. Ces papyrus dont l’auteur reste toujours inconnu sont écrits en encre noire. Les titres et les commentaires sont en rouge. La majorité sont écrits en hiératique, d’autres en hiéroglyphique tandis que ceux de l’époque ptolémaïque sont écrits en démotique », explique le Dr Mohamad Rafiq.

Sur le temple d’Hatshepsout de Thèbes-Ouest à Louqsor, on trouve les dessins d’un médecin qui manipule les fractures et un autre qui met des gouttes dans l’œil d’un malade. Toujours à Louqsor, le temple de Kom Ombo renferme, quant à lui, des scènes représentant plusieurs instruments chirurgicaux, une scène de physiothérapie se trouve sur le tombeau de Ankh-Mahur avec une autre scène de traitement de dents où sont utilisées des matières en or et en argent.

Jouant un rôle primordial dans les manifestations de la vie quotidienne, la magie était aussi importante dans la médicine de l’Egypte pharaonique. Certes, les Egyptiens de l’Antiquité croyaient que la maladie a toujours un caractère surnaturel. Ils pensaient que c’est un démon (esprit ou âme d’un mort) qui s’est emparé du corps du malade. Et ils croyaient donc que tout bon traitement ne pouvait être efficace sans magie. On comprend donc que ce soit à l’origine par des formules magiques que l’on a tenté de parer au mal. Le côté rationnel de la médecine s’est alors dégagé lentement.

L’étude des connaissances et techniques médicales dans l’Egypte antique est aujourd’hui un sujet de recherche en vogue. En effet, l’existence de véritables manuels de médecine, qui témoignent de réflexions cliniques systématiques et de conceptions physiologiques complexes et cohérentes, ainsi que l’examen anatomique et pathologique de très nombreuses momies sont certainement de nature à mettre plus à l’aise nos contemporains formés au mode de raisonnement scientifique.