Archéologie de l’Ancien Empire
Article mis en ligne le 29 juillet 2019
dernière modification le 24 juin 2019

À Saqqara, au sud immédiat du Caire, dans le vaste secteur des Pyramides, J.-P. Lauera poursuivit de 1926 à sa mort, sur ce site majeur de l’archéologie égyptienne, la restauration et l’anastylose du complexe funéraire qui entoure la pyramide à degrés de Djoser, le fondateur de la IIIe dynastie (vers 2600 av. J.-C.).

C’est le premier monument colossal de l’architecture égyptienne, Imhotep, le génial architecte de Djoser, ayant eu l’idée de transposer dans la pierre les constructions antérieures de bois ou de briques crues, qui figurent elles-mêmes des édicules prédynastiques en roseaux, clayonnage et pisé. Après les maisons dites du sud et du nord, l’allée de l’entrée du complexe, le parapet et le chemin de ronde, les chapelles de la cour du Heb-Sed, où se déroulait la fête du jubilé du roi, toutes ces constructions resurgissent peu à peu des sables du désert. Au centre, la haute pyramide à degrés se dresse encore jusqu’à 66 mètres ; à partir du mastaba, édifice en forme de banquette qui constituait la superstructure des sépultures antérieures, se développe ainsi cette sorte d’escalier monumental qu’est la pyramide, lieu privilégié entre le monde des hommes et celui des dieux.

Un peu au nord, à Abousir, l’Institut tchécoslovaque, dirigé par M. Verner, vient d’apporter des éclaircissements sur la fin de la IVe et le début de la Ve dynastie (vers 2500-2400 av. J.-C.). L’importance d’Abousir s’était déjà maintes fois affirmée : fouilles allemandes du début du siècle aux pyramides de Sahourê et de Neouserrê, dégagement du temple solaire de Neouserrê par les Suisses et du mastaba de Ptahshepses par la mission tchèque de Z. Zaba. En 1976, les recherches furent reprises dans la zone sud du site ; on découvrit un complexe pyramidal appartenant à la reine Khentkaous ; vraisemblablement fille de Mykérinos, cette reine serait la fondatrice de la Ve dynastie, car elle semble avoir été la mère des deux premiers rois de cette lignée, Ouserkaf et Sahourê.

La « pyramide inachevée » est celle du roi Rênéféref, successeur de Sahourê et de Neferirkarê ; des éléments de son temple funéraire ont été mis au jour. En outre, au sud-est a été commencée la fouille d’un complexe de mastabas ; dans celui de Khekéretnebty, fille du roi Djedkarê-Isesi, on a recueilli une partie du mobilier funéraire. Enfin, une très importante trouvaille de papyrus vient compléter le lot déjà si considérable des archives de Neferirkarê-Kakaï, qui a permis à Mme Posener-Krieger de faire revivre le fonctionnement d’un temple dans ces hautes époques. Pour ses investigations, la mission tchèque a utilisé avec succès les méthodes géophysiques : mesures géomagnétiques, études de la résistance électrique ; elle a employé un kapamètre pour mesurer la sensibilité magnétique de l’architecture de briques crues du temple de Khentkaous, afin de déterminer les différents stades de construction et les modifications architecturales.

Dans le secteur de Saqqara-Sud, la mission archéologique française, dirigée par J. Leclant depuis 1964, poursuit des recherches dans les pyramides à textes de la fin de l’Ancien Empire (vers 2300 av. J.-C.).

Dans ces monuments, explorés par G. Maspero il y a juste un siècle en 1881, les murs des appartements funéraires sont gravés de longues colonnes de hiéroglyphes ; ces inscriptions religieuses et magiques, connues sous le nom de Textes des pyramides , constituent la première grande composition de la littérature universelle. De nombreux fragments inscrits arrachés des parois étaient accumulés dans les couloirs et les chambres, encore non dégagés, de Téti, Pépi Ier et Merenrê, souverains de la VIe dynastie. La mission française dut déblayer d’immenses monceaux de gravats, consolider et réparer les énormes dalles des plafonds risquant de s’écrouler, redresser à leur place d’origine les éléments des murs. Un gigantesque puzzle a été entrepris ; il s’agit de reconstituer les textes, à partir des vestiges des parois et des milliers de fragments tombés à terre et recueillis dans les déblais. Parallèlement furent menées des recherches sur les textes eux-mêmes : particularités graphiques ou grammaticales, étude de la tradition textuelle, comparaison avec les versions déjà connues, mise en évidence de textes nouveaux, enquêtes sur les éléments neufs, examen de la répartition des textes sur les parois.
La mission a également procédé à la fouille des temples hauts de Téti et surtout de Pépi Ier, très vastes ensembles de décombres chaotiques. Dans ce dernier complexe, la mission a dégagé le sanctuaire aux offrandes, le sanctuaire aux niches à statues, une cour à portiques, puis le hall d’entrée. Des centaines de fragments de reliefs d’une grande beauté ont pu être récupérés. Plusieurs magasins à deux étages ont été mis en évidence près de la face est de la pyramide de Pépi Ier. On y a trouvé des statues de prisonniers aux bras liés, qui étaient destinées à être utilisées par des chaufourniers installés dans les magasins déjà ruinés. Dans les niveaux postérieurs du temple de Pépi Ier furent découverts de nombreux éléments architecturaux ainsi que des statues fragmentaires, des tables d’offrandes, des stèles de personnages du Moyen Empire, qui témoignent de l’existence, pour cette période, d’un culte funéraire de Pépi Ier.
Pendant longtemps, les grandes oasis situées à l’ouest du Nil ont été négligées par les égyptologues : elles étaient isolées, d’accès difficile - et il y avait déjà tant à faire dans la vallée du Nil. Les recherches effectuées de 1968 à 1972 par l’archéologue égyptien Ahmed Fakhry, en particulier dans l’oasis de Dakhla, avaient attiré l’attention générale, avant son décès brutal et prématuré. Aussi, une mission de l’Institut français d’archéologie orientale, sous la direction de S. Sauneron, reprit-elle le travail, à Kharga et à Dakhla. Les fouilles menées par J. Vercoutter à Balat, localité située à l’entrée orientale de l’oasis de Dakhla, ont montré que la présence égyptienne y était plus ancienne et plus importante qu’on ne l’avait pressenti. La nécropole de Qila el-Dabba groupe cinq mastabas ; ces tombeaux de gouverneurs de l’Oasis sont entourés de tombes de courtisans et de fonctionnaires. Le mastaba V, inviolé, comportait un corridor décoré de peintures murales, très endommagées, montrant des scènes agrestes et des représentations de la vie quotidienne. Les salles funéraires renfermaient une grande quantité de poteries et des récipients en pierre dure. Dans la chambre sud reposait Medou-Nefer, gouverneur de l’Oasis, inconnu jusqu’ici, entouré d’un riche mobilier : bijoux en or, perles en pierres semi-précieuses, modèles de palettes de scribes en albâtre, nécessaires de toilette, coffres en bois stuqué, vases, lames de cuivre. Une autre salle a livré un abondant matériel avec un gobelet portant mention du premier jubilé royal de Pépi II, un vase d’albâtre ainsi qu’une statuette de babouin assis portant la titulature de ce même souverain. Le mastaba V pourrait ainsi être daté de la fin de l’Ancien Empire (2160 av. J.-C.) ou peu après. Le mastaba II, malheureusement pillé, serait un peu plus récent et remonterait à la Première Période intermédiaire ; il a été réutilisé comme sépulture collective à diverses époques. Une ville, sur le site d’Aïn Aseel, était associée à cette nécropole ; très étendue, elle s’est révélée complexe, avec six niveaux différents, dont les plus anciens remontent à l’Ancien Empire. Ces découvertes éclairent d’un jour nouveau l’histoire de l’Ancien Empire et celle des oasis. Ajoutons qu’une mission canadienne, sous la direction du professeur A. J. Mills, a commencé une prospection archéologique de Dakhla destinée à mieux connaître l’histoire de l’oasis depuis l’époque néolithique jusqu’à la période préislamique.