
En 1834, l’archéologue français Charles Texier est chargé de se rendre en Asie Mineure pour en explorer les sites antiques. Averti de la présence de ruines près de la petite bourgade de Bogazkale, sur le plateau anatolien, il découvre les vestiges d’un haut mur s’étirant sur plusieurs kilomètres et se refermant sur lui-même. A l’intérieur de l’enceinte, il constate la présence de nombreux vestiges architecturaux, dont il pense qu’il s’agit de ruines romaines. Mais il trouve sur plusieurs bas-reliefs des inscriptions et des représentations totalement inconnues : signes indéchiffrables et hommes vêtus de tuniques courtes et arborant des bonnets pointus. Il revient persuadé qu’il s’agit d’une nouvelle civilisation non répertoriée. Après lui, plusieurs archéologues se rendent à leur tour sur le site et dégagent progressivement les contours d’une véritable cité. Soixante ans après Texier, un autre Français, Ernest Chantre, découvre des tablettes écrites dans cette langue inconnue mais utilisant des caractères cunéiformes mésopotamiens déjà répertoriés. En 1906, l’Allemand Hugo Winckler entreprend des fouilles sur le site et met au jour plusieurs milliers de ces tablettes, dont une en akkadien, langue qu’il connaît pour l’avoir étudiée. Le document parle d’un traité entre Ramsès II et le roi des Hittites Hattousil. Persuadé que les ruines de Bogazkale sont celles de l’ancienne capitale du Hatti, Hattousa, Winckler retourne de nombreuses fois sur le site. Il en aura la confirmation par certaines des tablettes, qui sont en fait une partie des archives royales hittites. Il faut attendre 1915 pour que le Tchèque Friedrich Hrozny traduise les cunéiformes hittites et 1950 pour que soit publié le premier dictionnaire de la langue hittite.
Juchée sur un haut promontoire qui surplombe une allée entourée de collines, la citadelle d’Hattousa est protégée par six kilomètres de remparts. Dans cette muraille cyclopéenne, formée d’énormes blocs de pierre et jalonnée de tours de défense
rectangulaires, s’ouvrent des portes ornées de têtes de lion à l’aspect menaçant.
A l’intérieur des fortifications s’étend une ville aérée par de nombreux parcs et jardins
privatifs. Les maisons sont en brique ou en terre enduites de chaux blanche. La pierre
n’est utilisée que pour les sanctuaires et les monuments officiels.
La maison hittite, de forme carrée, se présente comme une suite de pièces éclairées par de hautes fenêtres. Un escalier en bois mène à la terrasse. Chez les plus nantis, le mobilier se compose de sièges en bois sculpté recouverts de coussins aux couleurs vives, de coffres où sont rangés les vêtements et la vaisselle, de tables et de lits ouvragés. Au sol sont jetés de chauds tapis en laine tissés par les femmes, qui, dans
la société hittite, tiennent une place importante. A proximité de la maison, le cellier protège les aliments. Des grandes jarres, à demi-enterrées dans le sol, servent à stocker le grain et l’huile ou à conserver la bière, boisson favorite de ce rude peuple de montagnards.
Des marchés animés et cosmopolites

Près des portes de la ville se tiennent les marchés, animés et noirs de monde. Les hommes, petits et trapus, portent une courte tunique quand il fait chaud et un long manteau de laine en hiver. Ils sont chaussés de souliers pointus en cuir souple. Les femmes, vêtues de longues robes aux couleurs vives, ont la tête protégée par un châle. Comme les Égyptiens, les Hittites utilisent le troc en se servant d’une monnaie étalon : le sicle d’argent. Ainsi un cheval, qui vaut 10 sicles, est échangé contre un vêtement en laine de même valeur. Sur le marché, on trouve aussi bien des produits manufacturés tels que chaussures, vêtements, bijoux en or ou objets en bronze, que les produits des jardins environnants : lentilles, oignons, poireaux ou grenades.
Hattousa attire les étrangers, Syriens, Achéens, Assyriens, qui viennent s’y ravitailler en cuivre, en plomb, en argent, ainsi qu’en objets en fer. Car, depuis des siècles, les Hittites sont passés maîtres dans l’art de la métallurgie, auquel les ont initiés leurs ancêtres anatoliens. Le fer, notamment, dont ils sont les premiers utilisateurs, est extrait des mines du Taurus et d’Arménie. Ce précieux minerai leur permet de fabriquer des armes plus redoutables que les armes en cuivre.
Des guerriers chasseurs
Les Hittites sont de farouches combattants au sang chaud, rompus à l’art de la guerre. Quotidiennement, ils entretiennent leur corps en multipliant les exercices physiques. Outre ces entraînements militaires répétés, ils s’adonnent volontiers à la chasse au cerf, au lapin ou au sanglier sur les hauts plateaux anatoliens ou à la chasse au lion dans les plaines de Syrie, toutes proches. La course de chars semble également avoir été une distraction recherchée. Les lourds chars tirés par deux chevaux sont montés par un
conducteur et deux soldats armés de lances et d’arcs. La charrerie hittite représente le fer de lance de l’armée, celui qui permit au Hatti (nom donné au pays hittite) de conserver longtemps son hégémonie. Les Hittites sont les premiers à avoir utilisé le
char de combat, imités par les Égyptiens à partir de la XVIIIe dynastie.
Le roi et ses sujets

Le roi hittite, bien que monarque absolu, gouverne par l’intermédiaire d’un conseil des anciens, le pankus, qui dispose de pouvoirs assez importants. Il est également considéré comme le représentant de dieu sur terre et se doit de participer à toutes
les cérémonies spirituelles afin de prouver sa pureté pour le bien-être du pays. Les prêtres, qui officient dans les cinq sanctuaires de la ville, ne sont que les remplaçants
du roi. La société hittite se compose d’une classe dirigeante formée par la noblesse et le clergé. L’autre classe, celle du peuple, se divise en hommes libres qui, en général dépendent du palais, des temples ou des grandes propriétés nobiliaires, et en esclaves, ramenés des expéditions militaires.
La ville d’Hattousa compte cinq sanctuaires, bâtis sur un plan identique : une vaste cour centrale entourée de petites salles dont l’une abrite la statue du dieu. Le plus important des temples abrite les archives de la ville : traités diplomatiques, textes religieux, lois. Les dieux principaux du Hatti sont le dieu de l’Orage, celui du Temps, symbolisé par un taureau, et la déesse solaire d’Arina, patronne du roi et de l’empire. Mais d’autres divinités attestent des influences étrangères, comme le culte d’Ishtar, déesse mésopotamienne.