Commencement de l’enseignement qu’a fait le roi de Haute et Basse Egypte « Sehetepibrê », fils de Rê « Amenemhat », Juste-de-voix. Il dit un message de vérité à son fils, le maître de l’univers. Il dit : « Toi qui es apparu solennellement comme un dieu, écoute ce que je vais te dire, afin que tu sois le roi du Pays, que tu diriges les Rives [1] et que tu accomplisses le Bien, en surabondance. Prends garde aux subalternes, afin que n’arrive pas (un événement) au danger duquel on n’aurait pas prêté attention ; ne t’approche pas d’eux, ne demeure pas seul ; n’aie pas confiance en un frère, ne connais pas d’amis, ne te crée pas d’intimes, cela ne sert à rien. Si tu dors, que ce soit ton propre coeur qui prenne garde à toi, car un homme n’a pas d’amis au jour du malheur. J’ai donné au déshérité, j’ai élevé l’orphelin, j’ai fait en sorte que puisse parvenir celui qui n’avait rien au même titre que celui qui possédait. Mais c’est celui qui mangeait de mes aliments qui (me) faisait des reproches, celui à qui j’avais donné les deux mains qui faisait naître l’effroi à cause de cela ; celui qui était vêtu de mon lin (le plus) fin me regardait de la même façon que ceux qui en étaient dépourvus ; ceux qui étaient oints de ma (propre) myrrhe crachaient (sur) ma sollicitude.
Ô mes images vivantes, éléments de moi-même parmi les hommes, [2] lamentez-vous pour moi comme envers celui qui n’est plus entendu ; la gravité du combat, on ne la distingue plus, car on se bat sur la place, en oubliant hier ; il ne peut y avoir de bonheur parfait pour celui qui ignore ce qu’il devrait savoir [3].
C’était après le repas du soir, la nuit était venue et je prenais une heure de repos [4] ; je m’étais étendu sur mon lit, étant extrêmement las, et mon coeur commençait pour moi à suivre mon sommeil [5]. Alors, des armes furent brandies, qui auraient dû, au contraire, veiller sur moi ; je fus comme le serpent du désert [6]. Je m’éveillai au (bruit du) combat, étant seul, et je découvris qu’il s’agissait d’une rixe de soldats. Si j’avais aussitôt pris mes armes en main, j’aurais pu mettre en déroute, pêle-mêle, ces lâches ; mais il n’y a pas d’homme brave la nuit, ni d’homme qui puisse combattre seul. Le succès ne peut advenir sans une protection. Vois, cette tentative de meurtre est survenue alors que j’étais sans toi, alors que la Cour n’avait pas compris que je te transmettais le pouvoir [7], alors que je ne trônais pas encore en ta compagnie [8]. Puissé-je (avoir le temps de) prendre des dispositions pour toi - car je n’avais pas prévu cela, je n’avais pas pensé cela, mon « coeur » [9] n’aurait pas dû amener l’inimitié de mes serviteurs. Est-ce que des femmes ont jamais été rassemblées en ordre de bataille ? Est-ce que des fauteurs de troubles sont élevés à l’intérieur d’une maison ? Est-ce que l’eau qui creuse le sol n’a jamais été percée, de telle sorte que les petites gens soient détournés de leur travail ? [10] Pourtant le malheur n’était jamais venu autour de moi depuis que j’avais été mis au monde ; une action d’homme vaillant semblable à la mienne ne s’était jamais manifestée.

J’ai marché jusqu’à Éléphantine, et j’ai atteint les marais du Delta [11] ; je me suis dressé sur les limites du pays et j’ai vu ce qui était en lui ; j’ai repoussé les limites de (la) puissance [12], grâce à mon bras et grâce à ma forme. Je suis celui qui produit le grain, l’ami de Nepri [13], et le Nil m"a honoré à chacune de ses sorties. [14] Il n’y eut pas d’affamé durant mes années (de règne) et, grâce à moi on ne fut pas altéré. On s’asseyait [15] à cause de ce que j’avais fait, en le racontant ; et tout ce que j’avais commandé était à sa (juste) place. J’ai dompté les lions et éloigné les crocodiles ; j’ai soumis les hommes du pays de Ouaouat [16], emmené les Medjai [17], et j’ai fait en Sorte que les Asiatiques marchassent comme des chiens. Je construisis un palais orné d’or, son plafond était en lapis-lazuli, son sol était d’argent, ses portes de cuivre, aux verrous de bronze ; il était fait pour l’éternité, préparé pour l’infinie durée. Car je suis reconnu comme « Celui qui appartient au Faucon », je suis le Seigneur de l’univers. Les jeunes et la multitude sont dans les rues ; l’homme qui sait dit : oui, tandis que l’ignorant dit : non, car il ne sait pas cela, privé de ton visage ; l’homme appartient à Sésostris, mon fils [18]. Mes pieds sont en marche pour me rapprocher de mon coeur même [19], cependant que mes yeux te verront. Les jeunes auront une heure de bonheur, au côté du peuple, tandis qu’ils te loueront et t’acclameront. Vois, j’ai accompli le commencement et j’assemble pour toi le dénouement. Je suis le port pour toi, qui es dans mon coeur. Mon image, la semence du Dieu [20], portera longtemps la couronne blanche [21] ; et les forteresses seront à leur place ainsi que je l’ai commandé pour toi [22].La joie est dans la barque de Rê, car ta royauté s’est manifestée dès le début de la mienne, car tu agis avec amour et tu accomplis des actes de vaillance [23]. Érige des monuments afin que tu sois durable et fort. J’ai combattu pour que l’on sache que tu es un homme averti. »