Thoutmosis III à la bataille de Megiddo
Article mis en ligne le 20 mai 2022
dernière modification le 18 mai 2022

Horus « le taureau puissant, qui apparaît dans Thèbes », Les Deux Maîtresses « Celui dont la royauté est durable comme celle de dans le ciel », Horus d’or « Celui dont la force est puissante et les levers splendides », Roi de Haute et Basse Egypte, seigneur du Double Pays, « Que soit stable le devenir de  » (Menkhe-perrê), Fils de , qui appartient à son corps « Thoutmosis, au devenir parfait ».

Sa Majesté ordonne que les victoires que son père Amon lui a données soient éternisées grâce à une stèle (placée) dans le temple, qu’il a lui-même construit pour son père Amon, afin que soit ainsi rendue durable (la mémoire de) chaque campagne, selon son nom, avec (la liste du) butin que Sa Majesté en a rapporté et les tributs que son père lui a donnés.

Le départ vers l’Asie.

En la vingt-deuxième année de règne, le quatrième mois de la saison peret, le vingt-cinquième jour, Sa Majesté passe la forteresse de Tjarou, lors de sa première campagne victorieuse, (entreprise) afin de repousser les rebelles et d’agrandir les frontières de l’Egypte - en force, en vaillance, en puissance, en triomphe.

Pendant une longue durée de temps, ils gouvernèrent le Pays, livré au pillage, chacun travaillant pour leurs chefs qui résidaient dans la ville d ? Avaris. Puis advint le temps d autres (hommes) ; la garnison qui était dans cette ville (fut repoussée) dans la ville de Sharouhen. Maintenant, depuis Yeraza jusqu’aux limites de la terre, on est tombé en rébellion contre Sa Majesté.

À Gaza.

En la vingt-troisième année de règne, le premier mois de la saison shemou, le quatrième jour, jour de la fête du couronnement royal, on arrive à la ville de Meh-en-pa-heqa, dont le nom, pour les Syriens, est Gaza. Le lendemain, on part de cette place - en force, en vaillance, en puissance, en triomphe pour abattre ce vil ennemi et agrandir les frontières de l’Egypte, conformément à ce qu’a ordonné le père du Roi, Amon-... afin de conquérir.

Le conseil de guerre.

En la vingt-troisième année de règne, le premier mois de la saison shemou, le seizième jour, on arrive à la ville de Yehem. Là, Sa Majesté ordonne qu’un conseil soit tenu avec son armée victorieuse, disant : « Ce vil ennemi de Kadesh est entré dans Megiddo, il est là en ce moment, et il a réuni autour de lui les chefs de tous les pays étrangers qui étaient sur l’eau de l’Egypte - depuis le Naharina... Les Syriens, les gens de Kode, leurs chevaux, leurs armées et leurs gens - de telle sorte qu’il dit, dit-on, (ce vil ennemi) : « Je me suis levé pour
combattre Sa Majesté, ici, dans Megiddo. " Dites-moi ce que vous en pensez. » Alors ils (= les officiers) dirent en présence de Sa Majesté : « Comment marcher sur ce chemin qui devient étroit ? On rapporte que les ennemis sont là, se tenant à l’extérieur (de la forteresse de Megiddo), et leur nombre grossit en une multitude. N’est-il pas (vrai) que (si l’on emprunte ce défilé) un cheval devra marcher derrière un (autre) cheval, l’armée et les gens de même ? Est-ce que notre avant-garde continuera à combattre, alors que notre arrière-garde stationnera encore ici à Arouna et qu’elle ne pourra Participer à la bataille ? D’autant qu’il existe deux chemins : l’un, celui qui semble avantageux à notre seigneur, débouche Sur Ta-aâ-na-ka ; l’autre débouche Sur la route qui est au nord de Djefti, et nous sortirons au nord de Megiddo. Mais que notre vaillant seigneur s’avance sur celui d’entre eux qui paraît à son c ?ur le plus avantageux ; puisse-t-il toutefois faire en sorte que nous n’ayons pas à marcher sur ce chemin difficile. »

A ce moment, des messagers apportent (des informations) sur ce vil ennemi.

Puis, on continue à délibérer sur ce fameux plan de marche, dont on parlait auparavant, et voilà ce qui fut dit dans la Majesté de la tente royale, Vie-Santé-Force : « Je jure, (de même que) m’aime, (de même que) mon père Amon me loue et que ma narine est rajeunie en vie et force, (je jure) que Ma Majesté s’avancera sur ce chemin d’Arouna. Que celui d’entre vous qui souhaite marcher sur ces chemins dont vous avez parlé y aille ; mais que celui d’entre vous qui désire être dans la suite de Ma Majesté vienne (avec moi). Toutefois, ils penseront, ces ennemis qui sont l’abomination de  : " Pourquoi Sa Majesté s’avance-t-il sur un autre chemin ? Serait-il enclin à nous craindre ? " ».

Alors ils dirent en présence de Sa Majesté : « Que ton père Amon, seigneur des trônes du Double Pays, qui préside à Karnak, agisse selon ton désir. Vois, nous demeurerons dans la suite de Ta Majesté, en quelque lieu où tu ailles, (ainsi) le serviteur est derrière son maître. »

Sa Majesté ordonne alors à l’armée entière : « Votre seigneur vaillant protégera vos pas dans ce défilé. Voyez, Ma Majesté a fait un serment, disant : "Je ne permettrai pas que mon armée sorte de cette place avant moi" » ; en effet, Sa Majesté avait décidé, en son coeur, de partir à la tête de son armée. On fit en sorte, alors, que chaque homme connût son ordre de marche, cheval après cheval, Sa Majesté étant à la tête de son armée.

La marche vers Megiddo.

En la vingt-troisième année de règne, le premier mois de la saison shemou, le dix-neuvième jour, veillée dans la tente de Vie-Santé-Force, puis arrivée à la ville d’Arouna : « Ma Majesté va prendre le départ, en direction du nord, sous (la protection de) Amon-, seigneur des trônes du Double Pays, qui ouvrira les chemins devant moi, cependant que - Horakhty affermira le coeur de mon armée victorieuse et que mon père Amon fortifiera mon bras. »

Sa Majesté part, alors, à la tête de son armée, bien pourvue de compagnies nombreuses ; elle ne rencontre pas un seul ennemi. A ce moment, l’aile méridionale de l’armée est à Ta-aâ-na-ka, cependant que son aile septentrionale se trouve sur le côté sud de la vallée de Kyna ; Sa Majesté rallie l’armée sur le chemin... « ...donnez-lui des louanges et des acclamations, honorez la gloire de Sa Majesté, car son bras est plus puissant que celui d’aucun dieu ».

Cependant, alors que l’arrière-garde de l’armée de Sa Majesté est encore à Arouna, l’avant-garde arrive à la vallée de Kyna, et déjà les soldats ont empli le creux de la vallée. Alors, ils dirent en présence de Sa Majesté : « Voyez, Sa Majesté est sortie (du défilé) avec son armée victorieuse, et déjà celle-ci emplit la vallée. Puisse notre seigneur vaillant nous écouter cette fois, et puisse notre seigneur protéger, pour nous, notre arrière-garde avec ses gens, afin qu’elle puisse nous rejoindre, venant de l’arrière, tandis que nous combattrons contre ces étrangers ; ainsi, nous n’aurons pas à nous préoccuper des arrières de notre armée. »

Sa Majesté, alors, fait halte à l’extérieur... pour assurer la protection de l’arrière-garde de son armée victorieuse. Lorsque ceux du front atteignirent la sortie du défilé, l’ombre tournait ; et lorsque Sa Majesté parvint au sud de Megiddo, sur la rive du ruisseau de Kyna, la septième heure tournait dans le jour.

La veillée d’armes.

Là, alors, on établit le camp de Sa Majesté, et l’on donna des ordres à l’armée tout entière, disant : « Préparez-vous !
Aiguisez vos armes ! Car nous allons nous avancer pour combattre ce vil ennemi, dès l’aube... » Dans la tente de Vie-Santé-Force, (le Roi) se repose ; on pourvoit aux besoins des chefs, on offre des rations alimentaires à ceux qui suivent, on déploie les veilleurs ; ils disent : « Que (votre) coeur soit ferme ! Que (votre) coeur soit ferme ! Soyez vigilants ! Soyez vigilants ! » Cependant, l’on veillait, dans la tente de Vie-Santé-Force, et l’on vint dire à Sa Majesté : « Le désert est tranquille, et l’infanterie du Sud et du Nord également. »

La bataille pour Megiddo.

En la vingt-troisième année de règne, le premier mois de la saison shemou, le vingt et unième jour, le jour précis de la Fête de la Nouvelle Lune, le Roi se lève à la pointe de l’aube.

Ordre est donné à l’armée entière de se déployer... Sa Majesté s’avance, sur son char d’électrum, paré de ses ornements de combat, tel Horus au bras puissant, Seigneur du pouvoir, tel Montou, le Thébain, tandis que son père Amon fortifie ses bras. L’aile méridionale de son armée atteint la colline au sud... [du ruisseau] de Kyna, cependant que l’aile septentrionale est au nord-ouest de Megiddo ; Sa Majesté est au centre, Amon
assurant la protection magique de son corps. (Dans) le combat, la force de Seth parcourt ses membres.

Alors Sa Majesté s’empare des ennemis, à la tête de son armée ; et lorsque ceux-ci voient Sa Majesté assurer son emprise sur eux, ils s’enfuient vers Megiddo, trébuchant et tombant la tête la première, avec des visages terrorisés ; ils ont abandonné leurs chevaux, leurs chars d’or et d’argent. On les tire en les hissant par leurs vêtements sur (les murailles) de cette ville, car la population sur eux avait refermé (les portes) ; ils ont même parfois laissé tomber leurs vêtements pour être hissés (plus vite) en haut (des murs) de la ville. Ah ! si l’armée de Sa Majesté n’avait pas donné son coeur au pillage, elle aurait pris Megiddo dans l’instant ! Ainsi furent hissés, en hâte, afin de les faire rentrer dans la ville, le vil ennemi de Kadesh et le vil ennemi de cette ville, car la crainte que Sa Majesté
inspire avait pénétré leurs corps et leurs bras étaient sans force. L’uræus s’était emparé d’eux.

Puis (les soldats de Sa Majesté) pillèrent les chars d’or et d’argent devenus leur butin, ils tuèrent ceux qui jonchaient le sol, comme des poissons (pris) dans un endroit clos. L’armée victorieuse de Sa Majesté compta les biens des ennemis ; et l’on pilla aussi la tente, travaillée en argent, de ce vil ennemi... L’armée tout entière poussait des cris de joie, prodiguant à Amon des louanges et des acclamations, à cause de la victoire qu’il avait donnée à son fils, en ce jour. Les soldats rendaient hommage à Sa Majesté, exaltant sa puissance ; ils lui offrirent le butin qu’ils avaient ramené : des mains, des prisonniers vivants, des chevaux, des chars d’or et d’argent, des (objets)
de bonne qualité.

Le siège de la forteresse et sa reddition.

Sa Majesté donna des ordres à son armée, disant : « Emparez-vous (de la ville) habilement ! Emparez-vous (de la ville) habilement ! ô mes soldats victorieux. Voyez, tous les pays étrangers sont rassemblés dans cette ville, conformément à l’ordre de , en ce jour ; de sorte que tous les chefs des pays du Nord sont maintenant enfermés à l’intérieur de la place -et c’est donc s’emparer d’un millier de cités que s’emparer de Megiddo. Emparez-vous (de la ville) vaillamment ! Emparez-vous (de la ville) vaillamment !... » Les chefs des troupes... pour donner des ordres à leurs hommes et pour permettre que chacun connaisse sa position.

Ils mesurèrent la ville, qui fut cernée d’un fossé et enclose de jeunes arbres appartenant à toutes sortes d’essences agréables. Sa Majesté elle-même se tenait sur une place fortifiée à l’est de la ville, veillant sur elle nuit et jour... (une place) entourée d’un mur de sa construction... et dont... le nom est « Menkheperrê est celui qui a cerné les Asiatiques ». Des hommes furent placés pour veiller sur la tente de Sa Majesté ; il leur fut dit : « Que (votre) coeur soit ferme ! Que votre coeur soit ferme ! Soyez vigilants ! Soyez vigilants ! » On ne permit à aucun d’entre eux de sortir vers l ?extérieur, derrière ce mur - excepté pour aller moissonner à la porte de leur place forte.

Tout ce qu’a fait Sa Majesté contre cette ville, contre ce vil ennemi avec sa vile armée, est éternisé, suivant le jour, suivant le nom (de l’action), suivant le nom de l’expédition, le nom des chefs de troupes... De nombreuses choses méritent d’être rendues durables, au moyen de l’écriture, sur cette stèle ; elles sont aussi fixées sur un rouleau de cuir (placé) dans le temple d’Amon, en ce jour.

Alors, les grands du pays de Retenou vinrent sur leurs ventres, pour se prosterner, à cause de la gloire de Sa Majesté, implorant le souffle pour leurs narines, à cause de la grandeur de sa force, et parce que le prestige d’Amon était grand sur tous les pays étrangers.

Et tous les chefs qu’avait attirés la gloire de Sa Majesté étaient chargés de leurs tributs d’argent, d’or, de lapis-lazuli et de turquoise, portant aussi des céréales, du vin, des taureaux et le bétail du désert pour l’armée de Sa Majesté. Un seul groupe, parmi eux, était porteur de tributs amenés du Sud. Alors Sa Majesté installa à nouveau les chefs, pour chaque ville.

Le butin.

Liste du butin que l’armée de Sa Majesté a rapporté de la ville de Megiddo :

340 prisonniers vivants ; 83 mains ; 2401 chevaux ; 191 poulains ; 6 étalons... ; 1 char travaillé en or, dont la coque
est en or, et ayant appartenu à ce vil ennemi ; 1 beau char, travaillé en or, ayant appartenu au prince de Megiddo ; 892 chars ayant appartenu à son armée - au total : 924.

1 belle cotte d’armes en bronze ayant appartenu à ce vil ennemi ; 1 belle cotte d’armes en bronze, du prince de Megiddo ; 20 cottes d’armes [en bronze] ayant appartenu à sa vile armée ; 502 arcs ; 7 pieux et colonnettes, travaillés en argent, ayant appartenu à la tente de ce vil ennemi.

L’armée de Sa Majesté se saisit également des troupeaux de cette ville : ...1 929 bovins, 2 000 chèvres, 20500 moutons.

Liste de ce qui fut apporté ensuite pour le roi, et provenant des biens de la maison de ce vil ennemi de Yenoam, de Nuges, de Herenkerou, en même temps que des biens des cités qui s’étaient placées sur son eau. Furent apportés à Sa Majesté glorieuse :

* les femmes de ce vil ennemi et les princes qui étaient avec lui [ : 474 personnes] ; 38 maryanu leur appartenant ;

* les enfants de ce vil ennemi et les princes qui étaient avec lui : 87 personnes ; 5 maryanu leur appartenant ;
1 796 serviteurs et servantes ainsi que leurs enfants ; 103 non-combattants, qui avaient abandonné ce vil ennemi
à cause de la faim.

Au total : 2 503 personnes.

Il y avait encore : des coupes de pierres précieuses et d’or ; diverses pièces de vaisselle ; une grande jarre travaillée à la mode syrienne ; des vases, des bols, des plats, des pots pour boire, des jarres, des couteaux... Ce qui fait (au total) : 1 784 deben.

De l’or en disques, trouvé alors qu’on le travaillait ; en même temps que de l’argent, en disques nombreux. 966 deben et un qedet.

Une statue d’argent, façonnée..., une statue, dont la tête était en or, du vil ennemi qui était là ; 3 bâtons avec des têtes humaines ;

6 chaises à porteurs ayant appartenu à ce vil ennemi, en ivoire, ébène et bois de santal, avec 6 tabourets ; 6 grandes
tables en ivoire et bois de santal ; 1 lit de bois de santal, travaillé en or et en toutes sortes de pierres précieuses, à la
manière du sceptre ayant appartenu à ce vil ennemi et tout entier travaillé en or ;

1 statue d’ébène du vil ennemi qui était là, travaillée en or, sa tête étant en lapis-lazuli... ; des vaisselles de bronze ;
beaucoup de vêtements ayant appartenu à ce vil ennemi.

Ensuite, les terres cultivables furent réparties en champs, assignés à des inspecteurs du Palais royal Vie-Santé-Force, pour qu’ils enlèvent les moissons.

Liste des moissons apportées à Sa Majesté, et provenant des champs de Megiddo : 207300 sacs de froment et d’orge, sans compter ce qui fut coupé et apporté par l’armée à Sa Majesté. Suit une liste des tributs que les pays de l’Orient apportent alors en hommage à Pharaon, venant, notamment, du Retenou et de l’Assyrie.

Par sa vaillance et son intelligence, Thoutmosis IIIconquit et maintint le grand Empire de l’Egypte. Sa politique courageuse, sa présence fréquente dans les pays soumis (souvent pour de simples visites destinées à renforcer les liens entre eux) en firent un chef incontesté, auquel tous les pays du Proche-Orient, même les plus lointains, et les terres africaines, viennent rendre hommage. De cette grandeur, indiscutée, du roi-dieu, témoigne notamment un texte poétique dont les mots et le rythme attestent d’un lyrisme fervent, passionné, constituant comme un prélude au grand poème épique de Ramsès II, à Kadesh. Ce qui est particulièrement remarquable, dans le texte qui suit, c’est l’assimilation du roi, déjà fils élu d’Amon, avec les différentes divinités des pays conquis ; l’Empire constituant ainsi, non seulement un ensemble politique cohérent, mais aussi une grande unité spirituelle. Le pouvoir temporel de Pharaon était légitimé par sa fusion personnelle - intime - avec les grands dieux de l’Orient et de la Méditerranée. La volonté d’ Amon- prévalait sur le monde.