Napata
Article mis en ligne le 25 septembre 2019
dernière modification le 20 août 2019

Sous le Nouvel Empire, la domination égyptienne est à son apogée : le pays de Koush (la Nubie et la partie nord de l’actuel Soudan) est annexé. Thoutmosis III ( 1490 env.-env. 1436) recule la frontière loin vers le sud, jusqu’aux abords de Napata (près de la ville moderne de Karima), sur la rive gauche du fleuve. Point d’arrêt militaire, c’était aussi le comptoir commercial le plus en amont sur le Nil ; par caravanes et par navigation y parvenaient les produits de l’Afrique noire, acheminés ensuite vers l’Égypte.
En face de Napata, sur la rive droite, l’immense plaine est dominée par la masse tabulaire du Gebel Barkal ; sa solitude impressionnante en avait fait depuis longtemps l’objet d’une vénération particulière. Les pharaons du Nouvel Empire, qui avaient édifié des temples tout au long des rives du Nil, ne manquèrent pas de construire des sanctuaires au pied de la montagne sainte ; ils en firent le haut lieu du culte d’Amon en terre soudanaise, une sorte de contrepartie de Thèbes égyptienne dans le pays de Koush. Entre la montagne et le fleuve, le grand temple d’Amon, dont les dimensions importantes s’inspiraient de celles du domaine d’Amon à Karnak, fut restauré et agrandi par Séthi Ier et Ramsès II, puis par les souverains napatéens et méroïtiques.

À la fin du Nouvel Empire, la faiblesse des derniers Ramessides ( 1180 env.-env. 1070) ne leur permet pas de conserver l’hégémonie égyptienne sur le Sud. Profitant du morcellement du pouvoir en Égypte, Koush se constitue en royaume indépendant ; alors qu’autrefois ( 2300 env.-env. 1560) la capitale avait été Kerma, dans le nord du bassin du Dongola, le centre de la nouvelle dynastie est la région de Napata, avec la métropole religieuse du Gebel Barkal.

Puis les rôles se renversent totalement. Vers 730, le souverain nubien Peye (Piankhy) envahit l’Égypte. Avec Shabaka ( 712 env.-env. 698) s’installe en Égypte une dynastie nouvelle, la XXVe dynastie dite éthiopienne, qui s’oppose avec succès d’abord aux prétentions des Assyriens sur la vallée du Nil. Mais la victoire d’Assurbanipal ( 663) entraîne le repli des Koushites vers le sud. Cependant, dans leur capitale nubienne de Napata, Peye et Taharqa avaient remanié le grand temple d’Amon. Taharqa édifia un autre sanctuaire, partiellement rupestre, qui s’enfonce au flanc sud-est de la montagne sainte. Des statues et des stèles érigées par les rois de la XXVe dynastie au Gebel Barkal apportent de précieux renseignements sur l’histoire de l’époque.

Les pharaons de la dynastie koushite se sont fait inhumer d’abord dans la nécropole de Kurru, à 25 kilomètres de Napata, sur la rive droite, où reposaient déjà leurs ancêtres. Les plus anciennes tombes, qui paraissent remonter au milieu du IXe siècle, sont recouvertes d’un tumulus, puis d’une sorte de mastaba ; Peye, le premier, eut une superstructure en forme de pyramide, surmontant la chambre sépulcrale voûtée. De Taharqa ( 690- 664) subsistent les vestiges d’une petite pyramide à Sedeinga, bien étonnante d’ailleurs en pareil lieu. À Nuri, sur la rive gauche du Nil, près du Gebel Barkal, c’est apparemment un cénotaphe de Taharqa, surmonté d’une pyramide, qui se trouve inaugurer cette nécropole, où furent établies ensuite une soixantaine de tombes. Une vingtaine de rois et leurs familles y reposent ; les tombes se signalent par des pyramides à l’égyptienne, aux pentes bien plus accusées que les célèbres pyramides royales de la IVe dynastie d’Égypte, mais évidemment de dimensions bien plus modestes ; la pyramide est précédée à l’est d’une chapelle cultuelle. Le décor des chambres sépulcrales et des sarcophages de granite massif est conforme à la tradition pharaonique, avec les textes funéraires en hiéroglyphique égyptien. Les objets qui ont échappé au pillage des tombes, vases à libation, ouchebtis (statuettes à l’effigie du mort), figurines, ne diffèrent pas non plus de ceux d’Égypte.

Après la fin de la XXVe dynastie ( 656) et le retrait d’Égypte des Koushites, nous connaissons peu de chose sur les souverains napatéens, hormis leurs sépultures et quelques stèles. Aspelta ( 593 env.-env. 568) édifia au Gebel Barkal un temple et plusieurs stèles, en hiéroglyphique égyptien. L’une d’elles, connue sous le nom de stèle de l’élection, nous donne des indications sur la royauté koushite et son mode de succession. Celle-ci, qui favorisait l’aîné de la famille aux dépens du successeur direct, semble avoir fait l’objet d’un contrôle des notables ; l’accord du dieu Amon-Rê de Napata était demandé grâce à un oracle, ce qui souligne l’influence des prêtres ; il faut également tenir compte du rôle dominant des reines mères (les Candaces) dans la royauté méroïtique. La réalité cessa de plus en plus de correspondre au vernis égyptien, quelque peu superficiel sans doute, qu’avait imposé la XXVe dynastie ; les particularités koushites, qui avaient dû subsister à l’état latent, s’amplifièrent après la cassure avec l’Égypte pharaonique.
Elles iront s’accentuant après l’expédition du pharaon Psammétique II en 591. À la tête d’une armée d’Égyptiens et de mercenaires grecs et cariens, les généraux Amasis et Potasimto envahissent le royaume de Koush et se livrent au sac de la capitale. Les Koushites souhaitèrent alors mettre une distance plus grande entre eux et leurs puissants voisins du nord ; c’est une des raisons majeures du transfert de la capitale koushite de Napata à Méroé, beaucoup plus loin vers le sud. Le site de Napata, où étaient répétées les cérémonies du sacre des souverains méroïtiques, ne fut pas pour autant délaissé. Des temples y furent encore construits jusqu’à une époque tardive, tel le temple du roi Natakamani (au début du Ier siècle de notre ère) mis au jour en 1973 par une équipe de l’université de Rome, que jouxtaient les ruines d’un palais, retrouvé complet.