Les Mathématiques dans la Préhistoire, en Egypte et en Mésopotamie
Par M. Saliou TOURE Abidjan
Article mis en ligne le 25 mai 2023

Les tablettes mathématiques les plus anciennes qui soient parvenues jusqu’à nous datent de 3300 ans avant Jésus-Christ (apparition des premiers chiffres à Sumer et en Elam et de la première numération écrite). Mais, nous savons que les grandes civilisations du passé : sumérienne, babylonienne, égyptienne, hébraïque, maya, chinoise, arabe, indienne, ont dû, dans l’exercice de leurs activités quotidiennes, pour assurer la gestion des biens indispensables à leur croissance et à leur défense, créer et utiliser de nombreux procédés de calcul arithmétique et de mesure des grandeurs.

Les Egyptiens et les Mésopotamiens ont inventé les premiers systèmes de numération structurés. En Mésopotamie, on a choisi 60 comme base ( le nombre qui sert à former les autres) probablement parce que le nombre 60 possède plusieurs diviseurs. C’est la plus grande des bases numériques de l’histoire. Quant aux Egyptiens, ils ont opté pour le système décimal ; ils n’exprimaient pas le zéro, alors que les Mésopotamiens l’indiquaient par un espace vide.

Ces deux peuples avaient dépassé les limites de l’arithmétique élémentaire et savaient effectuer des opérations faisant intervenir les fractions, les équations à plusieurs inconnues, les progressions arithmétiques, les progressions géométriques, les puissances et les racines.

Ils connaissaient les triangles équilatéraux, les hexagones et les polygones réguliers. Ils se servaient avant l’heure des théorèmes de Thalès et de Pythagore.

Les Mésopotamiens savaient calculer la surface du cercle avec une bonne approximation ; pour eux, la circonférence du cercle était égale à six fois le rayon, ce qui donnait p = 3. Les Egyptiens pensaient, eux, que la surface du cercle était égale aux huit neuvièmes du diamètre, ce qui donnait p = 3,1605.

Les mathématiques égyptiennes et mésopotamiennes ont permis de résoudre des problèmes concrets de partage, de calculs d’intérêts, de poids, de surfaces, de volumes, de mesures du temps et d’établissement de calendriers lunaires, etc.

Mais nous ne savons toujours pas si les scribes égyptiens et mésopotamiens avaient atteint un niveau d’abstraction leur permettant d’établir des lois mathématiques. L’étude des notions théoriques ne faisait pas encore partie des préoccupations mathématiques de cette époque ; on n’a trouvé aucune trace de démonstration dans les documents des Egyptiens et des Mésopotamiens dont les travaux scientifiques étaient marqués par les traditions et les croyances magiques. On sait par exemple qu’à chaque dieu, les mages de Babylone associaient un nombre, suivant un ordre décroissant traduisant la hiérarchie des personnages (60 associé à Anu, dieu du ciel ; 50 à Enlil, dieu de la terre ; 40 à Ea, dieu des eaux, etc.).

Les Mathématiques de ces deux civilisations présentent quelques caractéristiques communes : les procédés utilisés ne sont jamais justifiés, il n’y a pas d’énoncés théoriques, pas de théorèmes, pas de démonstrations. Les Egyptiens et les Babyloniens effectuaient chaque calcul selon des recettes qu’ils se transmettaient de génération en génération sans en analyser la logique .

II Les Mathématiques dans la Grèce antique

Ces procédés resteront figés jusqu’à l’avènement du développement des sciences en Grèce au VIe siècle avant Jésus-Christ.

C’est, en effet, au VIe siècle avant Jésus-Christ, à Milet, en Asie Mineure, que Thalès (624-565 av. J.-C.) et ses disciples entreprennent l’étude systématique des phénomènes naturels (l’orage, les tremblements de terre, les éclipses, le mouvement des corps célestes, etc.). Aux questions posées par ces phénomènes, ils cherchent une réponse rationnelle tirée de la nature elle-même et s’interdisent de recourir aux explications surnaturelles. Anaximandre (610-550 av. J.-C.) élabore le premier modèle mécaniste des corps célestes, Thalès explique les phénomènes célestes par la géométrie, Pythagore interprète le mouvement apparent du soleil devant la sphère céleste.

Les premières écoles de pensée philosophique et scientifique sont apparues en Grèce entre le VIe et le IIIe siècles avant notre ère. Dans ces écoles, les Grecs ont inventé une nouvelle démarche intellectuelle : la recherche systématique de la preuve. Leur goût pour la logique, pour la critique et pour l’abstraction les a conduits à théoriser les savoirs hérités des Babyloniens et des Egyptiens

Les mathématiciens Grecs se sont posés de nombreux problèmes de géométrie qu’il fallait résoudre avec uniquement la règle et le compas : construction d’un triangle équilatéral à partir d’un côté ; inscription d’un hexagone régulier dans un cercle ; quadrature du cercle, c’est-à-dire construction d’un carré d’aire égale à celle d’un cercle donné ; duplication du cube, c’est-à-dire construction d’un cube dont le volume est le double de celui d’un cube donné ; trisection de l’angle, c’est-à-dire construction d’un angle tiers d’un angle donné. Notons que l’impossibilité des trois dernières constructions à la règle et au compas n’a été démontrée qu’au XIXe siècle.

Les Grecs se sont également illustrés dans la théorie des nombres où ils ont obtenu des résultats remarquables. Au VIe siècle avant Jésus-Christ, les mathématiciens grecs, influencés par Pythagore, pensent qu’à toute grandeur physique ou géométrique, il est possible d’associer un nombre entier ou rationnel. La découverte par l’école pythagoricienne de l’irrationalité de racine Ö2 débouche sur la première crise de l’histoire des Mathématiques. Théodore de Cyrène prouve que Ö3, Ö5, Ö7, Ö11, Ö13, Ö15 et Ö17 sont irrationnels, puis Théétète d’Athènes, proposa une généralisation de la notion de nombres irrationnels.

Pythagore (580-500 av. J.-C.) a acquis ses connaissances mathématiques au cours de ses voyages en Egypte et à Babylone. Il fonda une célèbre école, la Fraternité pythagoricienne qui dura près de 150 ans. Avec les pythagoriciens, l’univers des mathématiques s’est agrandi avec l’introduction de la musique et de la mécanique. Leur vision mystique des nombres ne les a pas empêchés de fonder l’arithmétique comme science des nombres. C’est à eux que l’on doit les premières véritables démonstrations mathématiques de l’histoire. Pour Pythagore, " tout est nombre " et " sans les nombres nous ne comprenons ni ne connaissons rien ". Donner à la connaissance de la nature un fondement numérique, tel était le projet des pythagoriciens.

Platon (427 - 347 av. J.-C.) souligne l’essence divine des mathématiques et déclare que " Dieu se comporte toujours en géomètre ". Pour Platon, les formes parfaites que sont le cercle, la sphère et les polyèdres réguliers constituent des modèles concrets de toutes les réalités possibles ; elles ne peuvent être créées que par un Dieu lui-même parfait. Etudier ces formes, c’est donc se purifier pour se rapprocher de Dieu.

Parmi les savants qui ont fait la renommée d’Alexandrie, mentionnons Euclide (IVe-IIIe siècle av. J.-C.), le fondateur de l’Ecole Mathématiques du " Musée d’Alexandrie ". Euclide a donné des concepts intuitifs de " ligne droite " et de " point " un traitement axiomatique. Dans son ouvrage, en 13 volumes, les Eléments, il réalisa la synthèse de toutes les connaissances mathématiques de son époque et tenta une construction unifiée des divers domaines mathématiques à partir de leurs éléments de base. Les Eléments ont dominé l’ensemble de la géométrie jusqu’à nos jours et ont exercé une énorme influence sur la pensée scientifique pendant plusieurs siècles.

Archimède (287-212 av. J.-C) fut probablement le savant grec le plus illustre de son époque. Ses travaux embrassent à la fois la Géométrie plane, la Géométrie de l’espace, l’Arithmétique, la Mécanique, l’Hydrostatique et l’Astronomie. Il utilisa, dit-on, les lois de la réfraction pour incendier les navires romains qui faisaient le siège devant Syracuse, sa ville natale.

Apollonius (262-vers 200 av. J.-C.) a obtenu de nombreux résultats sur les coniques , par une méthode plus proche de la Géométrie analytique classique que des méthodes purement géométriques. Son Traité des sections coniques est un des sommets de la mathématique grecque.

Aristarque de Samos (vers 310-230 av. J.-C) fut le premier à énoncer, 17 siècles avant Copernic, que la terre et les planètes tournaient autour du soleil.

Claude Ptolémée (vers 85-vers 168) est un savant grec de l’école d’Alexandrie. Dans son célèbre traité d’astronomie, l’Almageste, Ptolémée expose toute la trigonométrie de l’Antiquité. Il y explique comment calculer les longueurs des cordes d’un cercle en fonction des valeurs des arcs correspondants et publie une table des cordes très complète. Ces tables de cordes sont les premiers exemples de fonctions dans l’histoire des mathématiques. C’est à cette époque que les Grecs ont pris l’habitude de diviser le cercle en 360 degrés.

Enfin, Diophante d’Alexandrie (vers 325-410) dernier grand mathématicien du monde hellénique, fut le premier à rechercher systématiquement les solutions, en nombres entiers ou rationnels, d’une équation ou d’un système d’équations polynomiales à coefficients entiers. Il traita plusieurs problèmes d’arithmétique dont celui des triplets de Pythagore, c’est-à-dire des ensembles de 3 nombres entiers qui représentent les longueurs des côtés d’un triangle rectangle (on savait depuis longtemps qu’un triangle dont les côtés mesurent 3, 4 et 5 unités a nécessairement un angle droit).

De nos jours, on appelle équation diophantienne, une équation dont les solutions sont des nombres entiers.