
La situation semble bien différente en Egypte. Les habitants de la vallée du Nil distinguaient la sexualité en tant moyen de génération et en tant que source de plaisir. S’il n’existe qu’un signe hiéroglyphique, tenant plus de la cryptographie que de l’écriture courante, décrivant l’accouplement d’un homme et d’une femme, le déterminatif des termes se rapportant à l’acte sexuel se contente de reproduire le croisement des genitalis. De la même façon, l’existence d’un vocabulaire diversifié témoigne de l’importance revêtue par tout ce qui y a droit.

Comme la plupart des sociétés, l’égyptienne, tout en ayant une approche simple de ce problème, voyait dans la pulsion sexuelle une source de désordre et s’était rapidement donnée quelques règles à ce sujet. Si l’homosexualité apparaît comme faisant partie des relations contre nature, l’adultère est en revanche admis chez les hommes tant qu’il ne met pas en cause une autre femme mariée que la sienne.
De ce fait, la société égyptienne admettait la polygamie ; il est alors possible d’envisager ce type d’adultère comme une relation naturelle placée hors du cadre des règles sociales. La question de l’inceste est moins claire. Les dieux, et Pharaon à leur image, semblent pouvoir épouser leurs propres filles. La forme d’Amon attachée à la fertilité est Kamoutef (le taureau de sa mère), celui qui copule avec sa mère, en un cycle continu de régénération. En revanche, il est à peu près certain que ce type de relation n’a pas été bien perçue dans la société humaine.

Les Egyptiens montraient, dans leurs fantasmes, autant d’imagination que nos ancêtres européens les plus débridés. Le Papyrus érotique de Turin décrivant les aventures galantes d’un prêtre chauve, témoigne de nombreuses ressources, à défaut de rappeler les débordements des moeurs de certains membres de la classe sacerdotale. L’approche de la sexualité dans l’imaginaire égyptien est également intéressante. La sexualité n’est jamais détachée de l’idée de génération et de fertilité. De ce fait, même les Egyptiens avaient pu mettre au point des moyens artificiels de prévenir la fécondation, sans pour autant s’en tenir à l’abstinence. Les recettes médicales fournissent la description de bon nombre de remèdes de pessaires contraceptifs.
Les Egyptiens ne semblent pas avoir connu de dieu particulièrement lié à la sexualité. Min, ithyphallique, exprime le concept global de fertilité créatrice, que celle-ci soit humaine, animale ou végétale. En revanche, le monde des dieux n’est ni triste ni prude. Rê retrouve le sourire lorsque sa fille Hathor relève ses jupes. Les défauts et les habitudes sexuelles déviantes de la société sont prêtés aux dieux. Seth profite du sommeil d’Horus pour tenter d’abuser de lui ou bien devient fou de désir pour une déesse étrangère. Bébon est pour sa part, un dieu paillard dont la sexualité débridée est synonyme de désordre ; son sexe deviendra le verrou de la porte du ciel. Bès, que l’on retrouve dans la décoration de chambres d’incubation à Saqqarah pourrait pour sa part combattre l’impuissance masculine.

Du côté des déesses, on constate l’existence d’une frontière marquée entre les attributions des déesses telles qu’Isis et les différentes formes d’Hathor. Là où la première est la mère et l’épouse, Hathor incarne l’érotisme qui met en mouvement les forces créatives.
Mais la sexualité n’est pas seulement utile et agréable aux vivants. Elle est aussi omniprésente dans le monde des morts. La régénération passant en effet par une renaissance, celle-ci découle de la fertilité et de l’activité sexuelle du défunt. Les concubines du mort, si elles ne sont pas, en soi, faites pour le seul plaisir du mort, constituent de puissants symboles de cette fertilité visant la renaissance. Certaines d’entre elles ne sont-elles pas modelées en faïence bleue, couleur de la régénérescence ?

Les représentations de l’acte sexuel dans le monde religieux sont relativement rares. Dans les temples et les tombes elles se font allusives ; le monde de l’érotisme égyptien divin, codifié, est particulièrement difficile à approcher.