Les
Mesures
dans l’Egypte Antique
Article mis en ligne le 6 septembre 2023
dernière modification le 26 août 2023

Le fonctionnement de la société égyptienne repose sur un contrôle rigoureux de la production étayé par une organisation étatisée. Les scènes de la vie quotidienne soulignent ainsi le rôle du scribe, maillon de la chaîne administrative. Calame en main, accroupi, sa tâche est fréquemment d’ordre comptable ; il enregistre des mesures cadastrales de façon à prévoir la répartition de l’impôt, la quantité des produits due par chacun à l’administration centrale afin de prévoir la répartition des céréales, de l’huile et de tout ce qui relève de la consommation journalière. Une telle organisation réclamait l’usage d’un système de poids et mesures cohérent dont l’Egypte se dota en se fondant, pour ce qui relève des mensurations, sur l’harmonie du corps humain. D’assez nombreux spécimens utilisés dans la vie quotidienne ou des simulacres d’instruments de mesure placés dans les tombes de ceux habitués à les employer permettent d’avoir une idée du système général égyptien.

La mesure de longueur la plus courante est la coudée. Elle atteint approximativement la longueur de l’avant-bras. La coudée royale, fixée par l’Etat, mesure environ 52,4cm. Elle se subdivise en 7 palmes, chacune d’elles équivalant à quatre doigts. La coudée comprend donc 28 doigts. C’était là l’unité de mesure la plus courante des architectes.

Orfèvre utilisant une balance pour peser des lingots d’or

En revanche, les artistes qui recouraient au carroyage pour inscrire des figures dans des proportions traditionnelles employaient une coudée plus courante : sa longueur était de 45cm, longueur moyenne du bras, du coude à l’extrémité du pouce. Cette différence subsista jusqu’à la Troisième Période intermédiaire : l’époque saïte traduisant, en ce domaine comme dans d’autres, un effort de réforme et de réorganisation systématique. Au cours de cette période, les artistes utilisèrent à leur tour la coudée royale. A l’époque perse on tenta même d’imposer à l’Egypte soumise la coudée royale perse, de 64cm.

Les arpenteurs utilisaient le double remen, mesure équivalant à celle de la diagonale d’un carré d’une coudée de côté, soit 74cm. Ce double remen se subdivisait en 40 unités de 1,85cm. Il était utilisé pour arpenter les champs en parallèle avec le ta de 100 coudées royales (52,4m). Les mesures de superficie se notaient en setjat ou aroures, de 100 coudées carrées. Les arpenteurs utilisaient une chaîne à noeuds. L’opération elle-même de l’arpentage se plaçait sous l’égide de Khnoum. Les limites des parcelles étaient marquées par des bornes dont des officiers assermentés étaient chargés de vérifier l’emplacement après les crues.

Coudée rituelle en pierre

Un certain nombre de coudée a survécu. Celles-ci appartiennent à deux types : des coudées utilitaires aux dimensions malheureusement variables ; des coudées votives permettant d’accéder à une approche enrichie du système de mesure de longueur, et de son aspect pratique et symbolique. En effet, outre les différentes mesures usuelles, ces dernières mentionnent de nombreuses informations géographiques : référence aux nomes, ou provinces, à la hauteur de l’inondation aux différents points du pays.
Les poids sont attestés dès l’époque prédynastique, mais il faut cependant attendre l’époque historique pour que les inscriptions portées par certains d’entre eux indiquent clairement qu’ils se réfèrent à un système unitaire fixe. Néanmoins, la forme de certains poids affichant l’image d’une vache, d’une tête de taureau ou d’autres animaux, semble indiquer que, dans cette société ne faisant pas usage de numéraire, ces mesures correspondaient à un poids de métal précieux correspondant à la valeur unitaire d’animaux ou d’objets pouvant être troqués.

L’unité de poids la plus couramment utilisée est le dében, correspondant à peu près à é3 de nos grammes. Après la XIIe dynastie, cette mesure se vit adjoindre un sous-multiple, la kite, pesant entre 9 et 10g (le deben comptant alors 10 kites). Le deben était utilisé pour peser des masses de cuivre, d’argent ou d’or, alors que la kite, unité plus petite, n’était employée que pour l’argent et l’or. Ces mesures servaient à évaluer aussi toute une variété d’autres produits. Ils ont servi à mettre en place un système pondéral rudimentaire d’appréciation et de parangonnage relativement commode dans un pays où le système des échanges se fondait sur le troc.

Les Egyptiens s’étaient dotés d’unités de capacités, utilisées le plus souvent pour mesurer le grain. On doit ainsi citer le hin, de 0,47 litre (dix hinou équivalant à un héqat de 4,77 litres, alors que 160 de ces hinou formaient un khar, de 75,2 litres). Ce hin de base pouvait être divisé en tiers de hin appelés khay, mais ces subdivisions pouvaient être assez précises pour descendre jusqu’au 32ème de hin, que l’on retrouve dans les divisions de l’oeil-oudjat.

Coudée rituelle en bois

Ces mesures n’ont cessé de fluctuer tout au long de l’histoire, et même à une époque donnée, d’un point à l’autre du territoire égyptien, elles pouvaient ne pas recouvrir la même valeur réelle de bien en bien. Le village de Deir el-Médîna, tout en nous livrant des exemples de mesures réels, a aussi permis d’entrevoir sous l’éclairage de certains documents juridiques, que les Egyptiens étaient passés maîtres dans l’art de la fraude.