La
Morale
Article mis en ligne le 8 septembre 2023
dernière modification le 26 août 2023
Pharaon faisant l’offrandre à Maât

Le code régissant les relations sociales en Egypte dépend étroitement de la vision religieuse de celle-ci. Le concept de Maât est central. Traduit par les termes vérité, justice, il est plus que cela. La morale égyptienne n’est pas manichéenne ; elle ne distingue pas, clairement, le bien du mal. Comme dans le cas de la théorie du Ying et du Yang chinois, tout être, toute situation, est ambivalent. Tout s’inscrit dans un rapport d’équilibre entre les forces de l’incréé et celles du monde existant. Ce conflit, qui débute au Premier Jour de la création (cosmogonie), est inhérent à chacun ; chacun se doit de veiller à ce que l’équilibre précaire de la création ne puisse être rompu.

Aucun précepte procédant d’une loi divine n’est attesté. Après la Création, les dieux ont laissé le monde en l’état, à charge pour les humains de maintenir l’équilibre. A l’homme de prendre sa destinée en main, de se plier au respect de Maât, d’oeuvrer, de parler, de vivre en fonction de Maât. Chaque être humain devient maître de son destin, tout en percevant sa place au sein de la société. Celui qui n’agit pas selon Maât, continue à spolier autrui ; cependant, par suite d’interactions difficiles à cerner, il risque de mettre en cause l’édifice social et, du même coup, l’équilibre cosmique.

La cohésion de la société égyptienne repose ainsi avant tout sur la maîtrise des passions, l’homme étant conscient qu’au bout du compte, il devra se présenter devant le tribunal divin sans pouvoir lui cacher ses fautes et ses défauts. La confession négative du chapitre 127 du Livre des Morts donne cependant un aperçu significatif des actes pouvant déplaire aux dieux et, par conséquent, contraires à Maât.

Il est aussi possible de tirer une information substantielle sur la morale égyptienne en se rapportant à des oeuvres littéraires significatives appelées sagesses. Elles se présentent comme une suite de maximes ou de conseils destinés à éclairer l’homme de bien et à lui assurer réussite et bonheur, dans ce monde comme dans l’au-delà. Néanmoins, il convient de conserver à l’esprit que ces documents sont l’émanation de ceux qui prônent une éthique favorable à une société d’ordre.

Cette forme littéraire a perduré au cours de l’histoire égyptienne, et si les textes n’ont pu éviter les poncifs, il a été impossible aux auteurs de ne pas laisser transparaître dans leurs écrits l’évolution des moeurs. Ce qui était en quelque sorte un manuel de savoir-vivre destiné à apporter une certaine forme de réussite personnelle tendait ainsi, avec le temps, à mettre en valeur des vertus plus intemporelles, mesurant tout à l’échelle de la piété, le dévot ayant tendance à prendre la place de l’honnête homme avec des accents qui ne sont pas sans rappeler certains textes bibliques.