Les pyramides du Moyen Empire
Article mis en ligne le 4 décembre 2020
dernière modification le 20 novembre 2020

Mise à part la petite pyramide d’Ibi, les tombes des nombreux rois qui régnèrent souvent concurremment au cours de la Première Période intermédiaire restent à découvrir, et c’est seulement vers la fin de cette époque troublée qu’apparaîtront quelques vestiges des complexes funéraires des rois Antef, du début de la XIe dynastie, à Thèbes, à l’est de la colline de Drah Aboul-Naga ; dans deux de ces ensembles, l’existence d’une petite pyramide de brique crue a été relevée. Mais ce n’est que pour le successeur de ces rois, Mentouhotep, le réunificateur de l’Égypte, qu’un remarquable monument funéraire en pierre de taille sera enfin érigé non loin de là, à Deir el-Bahari, au pied de la montagne thébaine. Une pyramide fort différente de celles de l’Ancien Empire aurait constitué ici le simple couronnement d’un noyau central massif de plus d’une vingtaine de mètres de côté, autour duquel s’étagent deux terrasses rectangulaires et concentriques supportées chacune par de vastes portiques à plusieurs rangées de piliers carrés ou de colonnes octogonales ; les parois limitant ces portiques étaient couvertes de bas-reliefs aujourd’hui presque totalement disparus. Pour l’appartement funéraire, là encore, semble-t-il, deux plans furent successivement prévus. L’entrée du premier, dénommée Bab el-Hosân, « la porte du cheval », se trouve à 142 mètres du centre de la pyramide, dans la vaste avant-cour. Un long couloir voûté souterrain s’enfonce de là jusqu’à une chambre spacieuse située à une grande profondeur sous la pyramide, et dans laquelle gisait une curieuse statue du roi en tenue de heb-Sed , de couleur noire et enveloppée dans une étoffe de lin. Cette chambre paraît ainsi n’avoir été utilisée que comme cénotaphe, peut-être en liaison avec cette cérémonie. Le second dispositif comporte une galerie voûtée encore plus longue qui, partant derrière le monument dans une cour péristyle au niveau de la première terrasse, pénètre en ligne droite dans la montagne pour aboutir à la chambre sépulcrale. Celle-ci, parementée de granit, contient une chapelle en albâtre et granit où aurait été déposé le cercueil royal.

Pyramide de Sésostris

Peu après, le fondateur de la XIIe dynastie, Amenemhat Ier (env. 2000-1970 av. J.-C.), quoique adepte du culte d’Amon à Thèbes, transféra sa capitale dans la région memphite ; il édifia sa pyramide à Licht, à une trentaine de kilomètres au sud de Saqqarah, et son fils, Sésostris Ier, y construisit également la sienne. Le complexe funéraire de ce dernier présentait les plus grandes analogies avec ceux de la VIe dynastie et, en particulier, le plan du temple intime adossé à la pyramide demeurait le même. Quant aux appartements funéraires de ces deux pyramides, on y accédait toujours à partir de leur face nord par une descenderie axiale ; mais la remontée du niveau de la nappe phréatique n’a pas permis d’atteindre leurs chambres sépulcrales, plus profondément enfouies que sous la VIe dynastie, et de savoir si les parois de celles-ci étaient encore gravées de textes. On constate néanmoins, à la pyramide suivante, celle d’Amenemhat II à Dahchour, que la chambre sépulcrale conçue sur un plan nouveau est anépigraphe.

À partir de Sésostris II, fils du précédent, qui édifia sa pyramide à El-Lahoun, à l’entrée du Fayoum, d’importantes modifications seront apportées aux plans des appartements funéraires. Réalisant enfin le danger qu’il y avait pour la sécurité de la tombe à situer invariablement l’entrée au même point sur l’axe de la face nord de la pyramide, les architectes de ce roi dissimulèrent le départ du couloir d’accès au fonds d’un puits de douze mètres creusé au contraire au sud du monument et à l’est de son axe nord-sud. Il en sera de même aux pyramides suivantes, à Dahchour et à Hawara, où les entrées furent rejetées indifféremment à l’extérieur des côtés est, ouest ou sud, et toujours en dehors des axes de ces édifices.

D’autre part, le souci d’égarer les violateurs éventuels apparaît alors clairement : longs couloirs ne conduisant à rien, d’autres aboutissant à de faux caveaux au-delà desquels ils se prolongent à des niveaux différents, d’autres encore changeant à diverses reprises inopinément de direction, enfin multiplication de branchements de petits couloirs et chambrettes inutiles. À la pyramide de Sésostris III, cependant, c’est surtout par la situation très excentrique de l’appartement et du caveau dans sa partie nord-ouest que l’on semble avoir cherché à assurer l’inviolabilité.

Pyramide d’Amanamhat II

À la seconde pyramide d’Amenemhat III, celle de Hawara, un système de herses très épaisses glissant latéralement dans le plafond, et surtout un nouveau type de chambre sépulcrale furent mis au point. Il s’agit là d’un vaste caveau de 7 mètres sur 2,50 mètres taillé dans un gigantesque monolithe de quartzite pesant plus de cent tonnes. Ce caveau, disposé dans une excavation revêtue d’épais murs de calcaire, était couvert par trois énormes dalles également en quartzite, dont la dernière, vers l’antichambre, était laissée soulevée sur des piles provisoires jusqu’aux funérailles. Après quoi, deux forts supports rectangulaires engagés dans des gaines latérales, aménagées dans la maçonnerie attenante et remplies aux trois quarts de sable, prenaient en charge la dalle de quartzite, qui s’enfonçait alors doucement au fur et à mesure que le sable s’évacuait par la pression après déblocage simultané des ouvertures ménagées à la base des deux gaines où l’on accédait par des puits à partir de l’antichambre (voir la figure 12 qui montre un dispositif semblable). Le caveau contenait le sarcophage royal, disposé sur un socle orné de redans, ainsi que la caisse à canopes. Au-dessus du caveau, deux rangées opposées de blocs disposées en V renversé constituaient une décharge sous le massif de brique crue de la pyramide, où trois assises fortement arquées formaient une seconde décharge.

Le même système de herses et de caveau se retrouvera ensuite sous l’une des deux pyramides de Mazghuna, près de Dahchour, puis encore sous la XIIIe dynastie à Saqqarah à la pyramide de Khenzer et à celle d’un de ses successeurs demeurée inachevée, où le dispositif du caveau parvint au maximum d’ampleur et de perfectionnement (fig. 12) : la cuve monolithique en quartzite avec sarcophage et coffre à canopes réservés dans la masse y atteint 150 tonnes et la dalle de fermeture, à abaisser, quelque 70 tonnes !

Puis, sans doute devant la constatation, faite après les temps troublés de la Seconde Période intermédiaire, qu’en dépit d’aussi extraordinaires précautions, les pyramides furent néanmoins violées, les pharaons renoncèrent définitivement à se faire enterrer sous des monuments aussi ostentatoires.

Les pyramides du Moyen Empire eurent généralement des dimensions supérieures à celles qui avaient été adoptées lors de la construction des pyramides de la VIe dynastie. Dès la première, celle d’Amenemhat Ier, la longueur du côté fut portée à 170 coudées, et les suivantes atteignirent toutes 200 coudées de côté, comme à Mykérinos, sauf celle d’Amenemhat II, qui n’eut que la moitié de cette longueur. À la fin de la XIIe dynastie, aux deux pyramides de Mazghouna, les dimensions se réduisirent sensiblement, et à la XIIIe dynastie, celle du roi Khendjer ne mesurera plus qu’une centaine de coudées de côté ; néanmoins, la pyramide voisine, anonyme et inachevée, aurait dû atteindre 180 coudées.

Quant à la pente de ces pyramides, elle fut, pour certaines au moins, plus accusée qu’auparavant : 560 environ ont été relévés sur des blocs provenant des parements de celles de Sésostris III et d’Amenemhat III à Dahchour, correspondant apparemment à la pente 3/2 utilisée sous l’Ancien Empire à la plus petite pyramide royale, celle d’Ounas.

Enfin, la structure même des massifs des pyramides se transformera profondément au cours du Moyen Empire. On imagina à celle de Sésostris Ier, un système de murs rayonnants se croisant au centre de l’édifice avec des murs secondaires branchés en nervures perpendiculairement à ses côtés, les compartiments ainsi constitués étant bourrés de déchets de taille de pierre, de terre et de sable, et le tout étant revêtu d’un épais et magnifique revêtement de calcaire de Tourah. À la pyramide de Sésostris II, seule la partie inférieure des murs rayonnants et de leurs nervures fut encore en pierre ; leur partie supérieure ainsi que le remplissage des compartiments furent traités en brique crue. Puis, à partir de Sésostris III, ce système fut abandonné et tout le massif fut édifié en briques crues disposées par assises continues, le revêtement restant toujours en pierre de taille.