Le delta du Nil.
Triangle de fertilité.
Article mis en ligne le 15 décembre 2023
dernière modification le 6 décembre 2023

Du Caire à la Méditerranée, le delta du Nil, région la plus riche et la plus peuplée d’Egypte, est le royaume des eaux. Les deux bras du fleuve et une multitude de canaux irriguent la vaste plaine fertile, mosaïque de champs et de vergers cultivés avec autant de soi que des jardins.

Le cour inférieur du Nil a été baptisé delta par les souverains Lagides, successeurs d’Alexandre le Grand, en raison de sa forme rappelant la lettre grecque du même nom. Large triangle pointé vers le sud, le delta s’étend depuis Le Caire, à 150 km de la côte méditerranéenne, jusqu’à Alexandrie, à l’ouest, et Port-Saïd, à l’est. En aval de la capitale, la vallée s’épanouit pour former une vaste plaine qui s’ouvre progressivement jusqu’à 200 km de large. Ce triangle d’eau et de terres d’une richesse extraordinaire est un autre pays : le désert y est relégué dans les lointains, et le ciel, habituellement d’un bleu éclatant, y est couvert et mouvant. Même le climat y est différend, les influences méditerranéennes provoquent en hiver des pluies violentes, des vents forts et des températures plus douces.

Large éventail d’une surface de 23 000 km², le delta a été formé par les alluvions qui se sont accumulées dans un ancien golf marin sur 12 à 33 m d’épaisseur. Au début de l’ère tertiaire ; la mer s’avançait jusqu’aux collines de Moaqattan près du Caire, alors que le Nil rejoignait la Méditerranée au niveau de Fayoum. A son entrée dans le delta, le fleuve se divise en deux bras : le bras de Damiette, à l’est, et le bras de Rosette à l’ouest, les seules des sept branches existant jadis qui n’ont été ni asséchées ni comblées.

Un paradis pour les oiseaux

Le long du littoral s’échelonnent de nombreux lacs et lagunes barrés par des flèches sableuses longues et étroites. Au nord-est ; le fleuve se perd dans de vastes marécages, ceux-là même où grandit le dieu Horus. Cette région, qui d"fendit le pays pendant des siècles contre les incursions des pirates et des armées étrangères ; est le refuge de quantité d’oiseaux. Si les ibis ont aujourd’hui disparu, hérons, cygnes ; flamants et pélicans ont élu domicile dans ce marais, fréquentés par les pécheurs et les chasseurs depuis la plus haute Antiquité.

Le delta du Nil vue d’un satellite.

Grenier de l’Egypte

Avec quelque 24 000 km de canaux de drainage et d’irrigation, le delta est une région vitale pour l’Egypte. Des champs de coton, de blé, de maïs, de trèfle vert (bersim) ou de fèves y alternent avec des rizières, des cultures maraîchères et des vergers d’agrumes et de manguiers.

La monotonie de la plaine est rompue par les grands eucalyptus et les saules pleureurs qui bordent routes et canaux. Plus sableuses, les terres de l’est sont le domaine de l’arachide, du henné et du palmier-dattier. Chaque parcelle est irrigué avec le plus grand soin, cultivée avec autant d’attention qu’un jardin potager. Pas un seul centimètre carré de terre arable n’est perdu. Plus moderne et mieux équipées que dans le reste du pays ; les exploitations agricoles se sont adaptées aux exigences de la culture intensive et du système capitaliste.

Un tiers de la population égyptienne vit dans le delta. Cette région, où la densité démographique est de 600 à 800 hab./km², est surpeuplé : 100 000 Egyptiens y vivaient en 1850 ; ils sont aujourd’hui plus de 5 millions.

Une région en péril

Menacé par l’érosion et la pollution, le delta du Nil est en péril. Le barrage d’Assouan et l’irrigation intensive retiennent des millions de mètres cubes d’alluvions. Ce déficit en matériaux, conjugué à l’érosion marine, provoque le recul des côtes. Certains quartiers de cités littorales sont menacés par les flots. A l’embouchure du bras de Rosette se dresse un phare qui, à l’origine, était au milieu des terres. La construction de digues et d’épis rocheux le long des plages ne suffit pas à contrer l’action destructrice de la mer. La faune des marais est menacée de disparition. Toujours en quête de terres nouvelles, l’homme a récupérés sur les espaces naturels des portions de lacs et de lagunes qui ont été bonifiés et mises en culture. Les eaux du Nil sont polluées par les rejets industriels et les déchets du Caire, mégapole de 15 millions d’habitant.

Le delta du Nil vue d’un satellite.