Le livre de l’Amdouat
Les "Ecrits de la Salle Cachée"
Article mis en ligne le 26 janvier 2024
dernière modification le 9 janvier 2024

La journée égyptienne étant divisée en 24 heures et deux parties égales (voir l’article Calendrier), la nuit comporte 12 heures correspondant à douze régions du monde des ténèbres. C’est ce monde étrange que le soleil parcourt après avoir disparu à l’horizon, du crépuscule à l’aube.

Le livre de l’Am-Douat réunit, pour la première fois, une description détaillée, heure par heure, de ce long voyage périlleux qui voit la régénération du dieu solaire et, de là, celle des habitants de l’au-delà.

Jusqu’à l’époque de Thoutmosis IV, il est le seul recueil peint sur les parois du caveau royal (hypogées royaux). Il apparaît alors comme l’agrandissement d’une copie sur papyrus, plaqué sue les murs. Il en a gardé des figures filiformes très caractéristiques et un fond jaunâtre représentant la matière même du papyrus.

Le soleil parcourt un long fleuve infernal, masse liquide chaotique, sur une barque halée depuis la terre ferme par des groupes de génies. De façon étrange, ce chemin liquide est de couleur rose mouchetée, destinée en général à symboliser le sable.

Chaque heure est divisée en trois registres, la course solaire occupant le registre médian. Le paysage est entrecoupé de plans inclinés de couleur blanche, pourvus de portes qui doivent être ouvertes pour laisser passage au majestueux convoi, sous les acclamations bruyantes des babouins. Pourtant plus que d’un paysage, c’est de la description des êtres qui vivent dans l’au-delà et de leurs fonctions dont il est ici question.

Vieillissant et pourvu d’une tête de bélier, le soleil se tient dans la cabine de son vaisseau. Il est accompagné d’un équipage aux membres "puissants de magie", parmi lesquels on reconnaît Maât, Thot, Hathor, Horus, Horus-Hekenou, Seth, Héka, Sia etc.

En ce monde de devenir, le dieu semble renaître peu à peu pour s’extraire de sa défroque usée. La Cinquième Heure le voit approcher de la "Butte de Sokaris" où il semble dompter deux serpents ailés, alors qu’un scarabée s’extrayant difficilement des sables, amorce sa lente métamorphose.

La Sixième Heure le voit s’unir à son cadavre : il est donc un divin.

Le soleil traverse chacune des régions ténébreuses et le livre royal se transforme en guide pour nous indiquer pour chacune d’elles, ses noms et dimensions, ainsi que la liste des dieux qui y résident. Plusieurs régions, de la Troisième à la Septième Heure, sont visiblement d’essence osirienne. Le dieu des morts y apparaît comme une des manifestations du soleil mort. C’est en effet un soleil mourant, cherchant un second souffle, qui les traverse et revit lentement. Durant sa lente progression, le soleil passe devant ses ennemis, damnés et brûlés par la flamme de l’uraeus ou menacés par la lame acérée de Pakhet, la "Déchireuse". Certains seront d’ailleurs anéantis dans l’ "abattoir oriental".

Mais l’équipage doit rester de quart, l’oeil à l’affût de tout frémissement suspect à la surface des eaux. La Septième Heure voit survenir la menace de l’attaque d’Apophis, serpent personnifiant les forces du chaos et de l’incréé, aux dépens desquels se fait l’oeuvre cosmique du créateur solaire. Le serpent n’est pas un destructeur. Son attaque est plus sournoise. Il avale les eaux du fleuve et tente d’échouer la barque solaire sur un banc de sable pour stopper ou du moins retarder la progression du navire solaire. Du même coup, ce sont tous les cycles cosmiques qui risquent de se voir remis en cause.

A partir de la Septième Heure, une partie de l’énergie destructrice a été récupérée et tournée vers les ennemis du dieu, puisque la cabine est maintenant protégée par un serpent Mehen aux multiples replis, dans lesquels les défunts eux-mêmes s’enroulent pour en ressortir en tant qu’autant de "petits enfants". Dès lors, le soleil peut commencer sa "mue".

Lors de la Dixième Heure, la barque traverse une étendue d’eau où surnagent des noyés, dont Horus est chargé de récupérer les corps pour qu’ils ne s’y décomposent pas. Noyés dans les eaux du Nil supérieur, ils sont d’emblée divinisés et placés sous la protection divine.

Repoussé une première fois, Apophis ne lâche pas prise. Il réitérera son attaque lors de la Douzième Heure. Se transformant en "Gros chat", le dieu solaire massacre le serpent à l’aide d’une lame tranchante et voit sa victoire définitive sur les ténèbres et la dégénérescence sénile. Il peut alors quitter son ancienne enveloppe qui lui a servi de chrysalide et abandonner cette noire momie à la "porte de l’aube", où le serpent ambigu, devenu force positive, se joint aux génies pour hâler la barque solaire.

Changé en scarabée, il peut émerger à l’horizon oriental et répandre sur le monde des vivants son énergie renouvelée, par la chaleur de ses rayons, tout en gardant à l’esprit le combat qui reprendra inéluctablement la nuit suivante.