La contraception
Article mis en ligne le 29 mai 2024
dernière modification le 17 avril 2024

Pour les Egyptiens, comme pour de nombreux peuples de l’antiquité, une vie réussie ne se concevait pas sans mariage et nombreux enfants. Dès l’Ancien Empire, le sage Ptahotep déclarait dans ses maximes : "Si tu es un notable, fonde-toi un foyer ; aime ta femme ardemment." Le but procréateur du mariage est clairement affirmé sous le Nouvel Empire : "Epouse une femme tant que tu es jeune, elle te fera ton fils. Puisse-t-elle enfanter pour toi tant que tu es jeune. Heureux sont les hommes à la longue lignée que l’on salue pour leur progéniture."

La famille constituait la cellule sociale de base au sein de la société égyptienne. De nombreuses représentations de couples accompagnés de leur progéniture figurent dans les tombes et sur les monuments funéraires. Le rôle principal de la femme était celui d’épouse et de mère. Le fait d’être stérile pouvait mettre les Egyptiennes dans une situation délicate.

Pourtant les papyrus médicaux attestent de l’utilisation de moyens contraceptifs dans le Double Pays.

Les raisons de la contraception

Une petite minorité de femme recourait à l’emploi de méthodes contraceptives suivant surtout leur statut social. Ainsi les prostituées des maisons de bières et même les filles non mariées devaient être les utilisatrices les plus assidues de ce type de médecine. Les premières, pour qui une grossesse pouvait les empêcher de pratiquer leur métier et les secondes pour évitaient d’être un sujet de médisance, surtout si elles ne désiraient pas épouser le père.

Des motifs plus médicaux pouvaient également jouer, comme semble l’indiquer un décret oraculaire de la Basse Epoque. Les accouchements représentant toujours un danger important pour les femmes les plus fragiles et celle dont la constitution ou l’hérédité laissait présager des complications susceptibles d’être fatales. Un bassin trop étroit ou des grossesses gémellaires dans la famille par exemple. Il semble aussi que les pratiques contraceptives est étaient recommandées en cas de problème psychiatriques gravidiques et post gravidiques.

La part de la médecine

Les papyrus médicaux traitant de procédés contraceptifs témoignent non seulement d’une observation empirique efficace, mais aussi de réelles connaissances pharmacologiques. L’ensemble des remèdes proposés associe des produits d’origine végétale, minérale ou animale, prescrits soit per os, c’est à dire par voie orale, soit plus généralement, per vaginam, c’est à dire localement. La prescription pouvait alors être juste appliquée sur les lèvres et le vagin ou maintenue dans ce dernier grâce à un tampon fait de fibres végétales. Certaines recettes donnaient par ailleurs lieu à des fumigations.

Certains des ingrédients prescrits qui reviennent régulièrement dans les prescriptions ont de réelles vertus contraceptives. La datte broyé ou administré sous forme de sirop a un effet spermicide reconnu tout comme le miel, la gomme d’acacia ou le natron.

Fragment du papyrus Ebers, XVIIIe dynastie

L’ efficacité de certaines autres prescriptions est beaucoup plus douteuse, mais relève toujours d’une observation assez poussée de leurs propriétés. Ainsi la pulpe de caroube utilisé régulièrement comme purgatif en raison de son action sur les contractions des muscles intestinaux, a pu être prescrite par analogie dans le but de provoquer des contractions utérines, entraînant une stérilité temporaire.

Exemple de prescription

L’ordonnance 783 (93, 6-8) du papyrus Ebers indique ainsi : "Début des prescriptions qui doivent être préparées pour les femmes. Faire qu’une femme cesse d’être enceinte pendant un, deux ou trois ans. Extrait d’acacia (fruit non mûr d’acacia ou partie de l’acacia), caroube, dattes, Ce sera finement broyé dans un vase hnw de miel. Un tampon vaginal en sera imbibé et appliqué dans son vagin."

Un brin de magie

Tout les ingrédients mentionnés dans les prescriptions contraceptives n’ont pas toujours de vertus contraceptives évidentes. La médecine égyptienne faisant autant appel au savoir scientifique qu’à la magie, certains composants, tel la fiente de crocodile, relèvent uniquement de ce domaine. Le crocodile étant une des formes de Seth, il s’agissait d’introduire un vecteur de chaos dans le ventre de la femme visant à empêcher le cours normal des choses, autrement dit la fécondation.

Même les produits réellement efficaces avaient des propriétés symboliques, les médecins égyptiens prescrivaient ainsi l’application locale d’un tesson de vase neuf pour provoquer un avortement. Si on peut expliquer cette prescription pour les vertus antiseptique et antitoxique de l’argile on peut aussi y voir le symbolisme bien connu du vase brisé (en particulier dans les rites d’exécration). L’acacia pour sa part était souvent associé aux rites de destructions d’éléments néfastes et pouvait donc être prescrit pour se débarrasser d’un élément considéré comme nuisible à l’équilibre de la famille.