Dromos
Article mis en ligne le 3 juin 2024
dernière modification le 5 mai 2024
Dromos de Louxor

Les Egyptiens placèrent des alignements de statues colossales qui bordaient de chaque côté les voies d’accès de leurs temples. Ces allées de sphinx seront appelées "Dromos" à l’époque ptolémaïque.

En Grec, dromos signifie couloir, espace couvert ou vestibule dans un temple. En Egypte ce terme désigne une voie sacrée - aussi appelé chaussée - souvent bordée de sphinx et conduisant à un temple ou reliant deux sanctuaires.

De grand sphinx (tels le sphinx A21 et A23 exposés au Louvre) étaient placés par paires à l’entrée des temples ; leurs frères de dimensions plus modestes étaient disposés par dizaines à l’avant de l’édifice, bien alignés en longues files. Ils flanquaient les allées processionnelles qui menaient des débarcadères où s’amarraient les barques divines aux sanctuaires. Le type le plus fréquent est celui des sphinx "couchants", figurant l’animal allongé, les pattes avant étendues parallèlement, la queue enroulée autour de la cuisse sur l’un des côtés. Dotés d’un tête humaine coiffée du Némès, de la couronne rouge ou blanche, ou encore du pschent, ils peuvent aussi arborer la tête d’un animal sacré. Leur rôle : monter la garde et assurer la protection de la divinité qui réside dans le temple.

Une mise en scène appréciée

En 1850, la mise à jour de l’un des sphinx, aujourd’hui exposé au Louvre, par Auguste Mariette le mis sur la piste du Serapeum. Il exhuma ainsi le dromos du grand sanctuaire des taureaux Apis de Saqqarah. Cette voie sacrée a sans doute été réalisé lors du règne de Nectanébo Ier et atteste ainsi la permanence de l’utilisation du dromos comme moyen de mise en scène grandiose de l’accès au temple, ainsi que de la figure du sphinx dans l’iconographie religieuse et royale.

Une image démultipliée de Pharaon

Dromos de Karnak, petites effigies d’Aménophis III entre les pattes des sphinx

En effet, ces sphinx sont, au même titre que leurs homologues colossaux, des supports possibles de la représentation royale. On a ainsi reconnu les traits caractéristiques de certains souverains dans les visages de ces êtres hybrides, déterminant par là même l’identité de leur "maître" et l’époque de leur réalisation.

A partir du Nouvel Empire les images de reines en sphinges apparaissent et se multiplient. Elles ne se distinguent guère de l’archétype masculin, comme en témoignent les très beaux exemples d’Hatshepsout, la célèbre reine pharaon de la XVIIIem dynastie, dont seul le visage, rendu avec beaucoup de finesse, traduit le caractère féminin.

Dans ces doubles files de sphinx qui jalonnent l’allées conduisant au temple, les images de Pharaon sous sa forme féline se multiplient comme pour mieux veiller sur les sanctuaires. Le souverain s’assimile ainsi au double sphinx - ou double lion -, gardien des deux horizons. En effet, cet animal au regard perçant dans la lumière comme dans l’obscurité et vivant aux limites des déserts où le soleil disparaît et renaît chaque jour, devient sous la forme d’un couple de fauves représentant les montagnes de l’Est et de l’Ouest le symbole de l’horizon et le redoutable protecteur de l’astre solaire. Parfois le dieu du temple lui-même s’incarne en ces félins fantastiques pour défendre sa propre maison. Ainsi, les visiteurs d’aujourd’hui comme les Thébains d’autrefois sont accueillies à l’entrée du temple de Karnak par des lions dotés de têtes de bélier, animal symbole du dieu Amon vénéré autrefois dans ce sanctuaire.

A Ouadi el-Seboua en Nubie, un petit édifice érigé sous Ramsès II se pare de sphinx à tête de faucon, celle-ci coiffée du pschent orné de l’uraeus, le temple étant en effet consacré aux dieux Amon-Rê et -Harmakhis.

Lorsqu’ils synthétisent deux natures animales, ces sphinx tiennent souvent une effigie du souverain entre leurs pattes avant. Le pharaon , figuré debout, les bras croisés sur la poitrine, tient les insignes de la royauté. Placé sous la protection de l’animal hybride, il participe également par sa présence à la surveillance des abords du temple.

Un dromos énigmatique !

A Karnak, l’allée processionnelle qui conduit du dixième pylône du temple d’Amon au sanctuaire de la déesse Mout, sa parèdre, situé plus au sud, était bordée de soixante-six paires de sphinx, dont les socles portent les noms de différents souverains tels Hérihor, Séthi II, Horemheb, Toutânkhamon. Ces sphinx sont aujourd’hui acéphales, mais les observations des égyptologues permettent de leur attribuer des têtes de bélier. Par ailleurs, des statuettes représentant le pharaon Toutânkhamon devaient se trouver entre leurs pattes puisqu’on en a découvert plusieurs à proximité. Il semble cependant que ces sphinx soient devenus des criosphinx à la suite d’une transformation brutale. Dotés à l’origine d’une tête humaine, ils furent décapités et leurs poitrails furent aménagés pour recevoir les figures royales ! Mais à qui appartenaient donc ces anciens sphinx ?

Dromos menant au premier pylône du temple de Karnak

En étudiant avec attention le rendu de l’anatomie et le style de ces sculptures, les chercheurs les ont rapprochées de productions statuaires présentant les mêmes particularités sous Aménophis IV-Akhénaton, Néfertiti et Toutânkhamon. Ce dernier étant exclu d’office car, les modifications ont été effectuées sous son règne, on peut envisager l’existence d’un dromos de sphinx à l’effigie d’ Aménophis IV et d’autres à celle de son épouse Néfertiti, puisque deux types de sphinx, l’un portant le Némès, l’autre la coiffe tripartite des reines ou des déesses, ont pu être déterminés.