Hathor est considérée comme la « Dame de la turquoise », celle qui protège les mines exploitées par les Egyptiens. C’est pourquoi Amenemhat III, grand pharaon de la XIIe dynastie qui fait intensifier l’extraction de la pierre bleue, consacre à la déesse un petit temple que ses successeurs de la XVIIIe dynastie agrandiront à Sérabit el-Khadem (« montagne du serviteur »), le grand site d’exploitation du Sinaï.
La turquoise qui pare de nombreux bijoux de l’aristocratie thinite sous les deux premières dynasties égyptiennes, fut utilisé dès l’époque pré-dynastique. Les Egyptiens ont toujours été attirés par les richesses minérales du Sinaï et notamment par le cuivre ou la malachite qui entrait dans la composition des pigments servant à l’élaboration des peintures et des cosmétiques. Mais le minerai le plus convoité était bien la turquoise. Réputée pour la beauté de son bleu-vert, elle était particulièrement recherchée pour la fabrication de pièces de joaillerie et de marqueterie. Il faudra attendre la XIIe dynastie et le Moyen Empire pour voir s’intensifier les expéditions vers le Sinaï.

Cette région désertique, au relief tourmenté et peu engageant, où soufflent des vents souvent glacials, était peuplé de Bédouins sémites et asiatiques contre lesquels les premiers pharaons durent se battre pour protéger leurs mines. Cette lutte entre l’armée du roi et les montagnards barbus que les Egyptiens appelaient mentyou dura une partie de l’Ancien Empire, avant que des relations plus pacifiques ne s’établirent entre eux. On a retrouvé sur le site du Ouadi Maghara des représentations de rois des premières dynasties « massacrant les montagnards du désert ».
A partir du Moyen Empire, les hostilités cessèrent et, si les sites miniers restèrent sous protection de la police et de l’armée, un début de partenariat pacifique se noua entre l’autorité égyptienne et ces nomades qui servirent à la fois d’interprètes et d’ouvriers dans les carrières de turquoise.
De plus, les Bédouins devinrent des relais économiques qui fournissaient à l’Egypte des produits exotiques comme le lapis-lazuli d’Afghanistan et le corail de la mer Rouge.
Durant les deux premiers siècles du Moyen Empire, plus de sept cent expéditions minières furent menées dans le Sinaï, signe d’une intense activité. Certaines de ces expéditions, organisées par de hauts dignitaires du palais représentant Pharaon, comptaient plus de six cent hommes ( une inscription retrouvée sur place évoque même une expédition de 734 personnes ). Les mines de turquoise de Sérabit el-Khadem et de Maghara devinrent alors de véritables ruches.

Le Ouadi Maghara, « la vallée des cavernes », se présente sous la forme d’une succession d’excavations pratiquées dans le flanc de la montagne sur la côte sud-ouest du Sinaï. Arrivés par voie maritime ou par la route qui vient de l’actuelle Suez, les membres de l’expédition gagnaient les sites d’extractions après des kilomètres de marches dans les différentes petites vallées qui serpentent entre les massifs montagneux.
Là, ils tombaient sur le paysage lunaire du site de Sérabit el-Khadem, criblé de cavernes d’exploitation où l’on a retrouvé un grand nombre de graffiti laissés par les carriers. Depuis Amenemhat III, le temple d’Hathor trônait au milieu de ce paysage d’un autre monde.

Le grès jaune dans lequel se trouvaient les filons de turquoise faisait l’objet de toutes les attentions, surtout de la part des spécialistes chargés de la prospection. Une fois l’endroit choisi avec soins, des ouvriers, armés de pics et de percuteurs en silex, attaquaient le grès.
Contrairement à d’autres gisements, comme ceux de galène, les mines de turquoise n’obligeaient pas à creuser la roche profondément sous la terre. Pour éviter que les galeries ne s’effondrent, les carriers les étayaient à l’aide de piliers de soutènement.
Des pierres pour l’élite
D’après une inscription, chaque ouvrier extrayait un décimètre cube de turquoise par jour. Un chiffre modeste par rapport aux rendements modernes mais qui était suffisant à l’époque, pour approvisionner les artisans égyptiens. Il ne faut pas oublier que ces pierres sont réservées à l’élite et aux prêtres, qui s’en servaient lors de certains rites d’apaisement des dieux courroucés.
Un émerveillement visuel
Certains ouvriers se faisaient payer en nature et gardaient pour eux une partie de la turquoise qu’ils avaient extrait, le reste étant acheminé vers le Double Pays.
La période la moins favorable pour l’exploitation du minerai était l’été, car, selon les croyances égyptiennes, la pierre aurait eu tendance à ternir sous l’effet trop puissant des rayons du soleil.

Une inscription, attribué à un certain Horourrê, commandant d’une expédition sous le règne d’Amenemhat III, indique ainsi que « le minerai vient en cette saison, mais c’est la couleur qui ne laisse de manquer en cette mauvaise saison de l’été ». Heureusement pour lui, il reviendra avec des turquoises splendides : « la couleur était parfaite au point que les yeux s’émerveillaient ; elle était encore plus parfaite qu’en saison normale dans la mesure où les offrandes régulières furent faites à deux reprises à la Dame du Ciel (Hathor) . »