La crue du Nil
Article mis en ligne le 26 août 2024
dernière modification le 6 août 2024

Pendant des siècles, la vie de l’Egypte a été tributaire de la crue annuelle du fleuve sacré. Son arrivée était fêtée comme une bénédiction des dieux. Dès le mois de juin, les paysans guettaient avec anxiété la montée des eaux nourricières.

Un nilomètre au Caire

Les Egyptiens plantaient des bâtons sur les berges du fleuve pour détecter le début de l’inondation et observaient la ponte des tortues du Nil qui choisissaient les limites de la montée des eaux pour enfouir leurs petits. Auparavant ils avaient curé les canaux et consolidé les digues. Ensuite ils avaient quitté leurs villages pour se rendre sur les maisons nichées sur les levées, les plateaux et toutes les hauteurs en bordure du fleuve. La régularité et l’ampleur de la crue étaient déterminantes pour les futures récoltes.

Hâpy, seigneur du fleuve

le dieu Hâpy

Dans ce pays où le désert commence ou s’arrête l’inondation, les famines sont fréquentes. L’une d’elle aurait durée 7 ans sous le règne du pharaon Djoser. De nombreuses processions étaient organisées pour s’attirer les bontés du fleuve. Litanies des prêtres, chants de la foule et offrandes, rien n’était oublié pour célébrer le fleuve et ses débordements bienfaisants.

La montée des eaux commençait au mois de juin, à l’approche du solstice d’été. Le fleuve gagnait alors de 4 à 8 cm par jour. La crue enflait ensuite tout au long des mois de juillet et d’août pour atteindre son maximum en septembre.

Les physiciens et géographes grecs étaient fascinés par le Nil, ce fleuve qui s’obstinait à déborder en plein été quand ses homologues européens le faisaient en hiver. De leur côté, Hérodote rapporte que les Egyptiens s’étonnaient que la Grèce fut arrosée de pluies. Les Grecs furent les premiers à faire la relation entre la crue du Nil et les pluies diluviennes qui s’abattaient sur le plateau abyssin. Les Egyptiens avaient adopté une explication à caractère mythologique. L’Océan englobant le monde était habitué par une force nommée Hâpy. Opérant par la volonté du dieu solaire ? qui a créé le monde et l’a aménagé ? le génie du Nil faisait monter l’eau verticalement au niveau de la première cataracte et à la pointe du Delta.

Le retour de l’étoile

le nilomètre du temple de Kôm-Omb

A la mi-juillet, l’étoile Sothis (Sirius) réapparaît après quelque soixante-dix jours d’absence. Chacun sait dans la vallée que son retour coïncide avec le début de la crue. Plusieurs semaine à l’avance, les aspics fuyaient les rives du Nil. Généralement cet exode précédait l’inondation de trente jours. Au dernier moment les petits mammifères quittaient eux aussi leurs terriers bâtis dans les berges.

Le niveau de l’inondation était alors mesuré dans les nilomètres. Si la mesure était conforme à la moyenne (16 coudées), les habitants de la vallée laissaient éclater leur joie. De nombreuses pâtisseries et des figurines féminines ? symbole de fertilité ? étaient jeter en offrande dans le fleuve. Au coucher du soleil commençait la « nuit de la goutte ». Cette fête qui a perduré jusqu’à l’époque arabe rappelait la toute première crue du fleuve, celle ou Isis, pleurant son époux assassiné Osiris, ensemença la terre de ses larmes.

Le lendemain les cérémonies se poursuivait par la fête de l’ouverture des canaux. Ensuite la vie agricole s’arrêtait pendant quarante cinq jours. Le fleuve déposant le riche limon sur les terres noyées. C’est pendant cette période que Pharaon réquisitionnait les paysans dés ?uvrés pour les employer sur ses prestigieux chantiers.