La période thinite
Article mis en ligne le 12 mars 2025
dernière modification le 3 mars 2025

La période thinite (ou Époque archaïque) commence sous la première dynastie pharaonique et se termine sous la seconde. Elle couvre une période allant des environs de 3100 à 2700 avant notre ère. Son nom provient de la ville de Thi(ni)s’, près d’Abydos, d’où étaient originaires les pharaons de ces dynasties. La capitale est déjà Memphis, qui a une situation géographique intermédiaire entre le Nord et le Sud. Le nom égyptien de Memphis signifie « les murs blancs », mais un pharaon de la VIe dynastie, Pépi Ier, y fera construire une pyramide que les Égyptiens appelleront Men-nefer, « stable est la beauté » et qui donnera le nom au site.

Définition de la période

La période est parfois nommée « période/époque archaïque », elle est généralement qualifiée de « thinite » en français car, selon Manéthon et que semblent confirmer les découvertes archéologiques, les premières dynasties semblent originaires de Thinis, près d’Abydos en Haute-Égypte. En anglais, cette période est aussi nommée « archaic period » (soit en français, « période archaïque ») ou encore « early dynastic period » (qui peut être traduit en français par « première période dynastique »), cette dernière expression étant préférée par Toby Wilkinson pour éviter la connotation péjorative que le terme « archaic » peut prendre.

Deux définitions existent concernant cette période :

  • selon la plupart des chercheurs, la période ne couvre que les deux premières dynasties, faisant commencer l’Ancien Empire dès le règne de Djéser, fondateur de la IIIe dynastie,
  • selon d’autres chercheurs, la période inclut également la IIIe dynastie car elle est la continuité des deux premières dynasties, le changement culturel étant, par certains aspects, plus prononcé lors du règne de Snéfrou, premier roi de la IVe dynastie, c’est-à-dire l’« âge des pyramides » véritables.

Peu importe le classement de la IIIe dynastie dans la période thinite ou l’Ancien Empire, sa courte durée (environ trois quarts de siècle) et les éléments culturels qui la caractérisent font de cette dynastie une transition entre ces deux périodes.

Histoire politique

Unification du pays

Une figure légendaire
Palette de Narmer

Selon Hérodote, le roi au nom hellénisé Ménès aurait le premier unifié l’Égypte à partir des deux royaumes de Haute et de Basse-Égypte avec comme capitales respectives Nekhen et Bouto, puis il aurait fondé Memphis à la jonction entre les deux anciens royaumes. Ce nom de Ménès peut être reconnu dans le nom Méni inscrit en tant que premier roi égyptien dans certaines listes royales du Nouvel Empire, montrant que cette figure légendaire datait d’une époque bien antérieure à celle d’Hérodote. Il a été tenté, sans arriver à un consensus, de rapprocher la figure de Ménès des rois contemporains de la Ire dynastie, en particulier avec Narmer et Aha qui sont tous deux attestés avec des hiéroglyphes formant le mot Men :

  • une empreinte de sceau découverte à Abydos, sur laquelle le serekh de Narmer alterne avec le hiéroglyphe du plateau de jeu, se lisant men, et le complément phonétique n symbolisé par le hiéroglyphe de l’eau,
  • une étiquette en ivoire découverte dans la tombe de Neith-Hotep à Nagada et sur laquelle sont inscrits le serekh d’Aha et, à l’intérieur de ce qu’il semble être un sanctuaire, les signes se lisant Nebty Men, la mention de Nebty pourrait en faire la plus ancienne attestation de ce titre, bien que cela ne soit pas certain.

Plusieurs interprétations ont été données à ces documents : pour le premier document, une première interprétation a simplement associé le nom Men au roi Narmer, tandis qu’une autre, loin de faire l’unanimité, faisant de cette empreinte de sceau celle d’un roi et de son fils aîné, faisant ainsi de Aha et Men une seule personne ; pour le second document, une première interprétation a simplement associé le nom Men au roi Aha, tandis qu’une autre hypothèse, faisant remarquer que l’inscription Nebty Men était située à l’intérieur d’une sorte de sanctuaire, a proposé comme interprétation que l’étiquette serait une figuration de l’enterrement de Narmer par Aha. Ces différentes interprétations ne font cependant pas consensus. Toujours est-il que, selon trois scellements découverts à Abydos, les deux premiers dans la nécropole de Den, le troisième dans la nécropole de Qâ, Narmer était une figure fondatrice pour ses successeurs de la dynastie, ces trois sceaux montrant l’ordre de succession des rois, respectivement de Narmer à Ouadji/Djet et incluant Merneith (la mère de Den) pour le premier, de Narmer à Den et incluant Merneith à nouveau pour le deuxième, et de Narmer à Qâ (sans Merneith cette fois) pour le troisième.

Un processus long et complexe

Si la question de l’identification de Ménès à Narmer ou Aha peut être symboliquement important, ce n’est toutefois pas le point le plus important. L’histoire de cette unification est en effet bien plus complexe et a dû s’étaler sur plusieurs générations.

Sceau d’une jarre en terre indiquant que le contenu provenait de la succession du pharaon Narmer

Ce qui est certain, c’est qu’existaient trois importants proto-royaumes sur le territoire égyptien : ils se situaient au cœur de la Haute-Égypte, avec comme capitales respectives Thinis, Noubet (site moderne de Nagada) et Nekhen, le proto-royaume de Noubet semblant s’effacer par la suite au profit de l’un des deux autres. Il semble par la suite que Thinis prit l’avantage sur Nekhen puis, petit à petit, sur l’ensemble du pays ainsi qu’en Basse-Nubienote , par des moyens inconnus, mais ayant probablement inclus des moyens militaires. Si l’élite du royaume choisit les nécropoles memphites, et particulièrement Saqqarah-Nord, comme lieux d’inhumation, montrant probablement que Memphis était devenue la capitale administrative du royaume a minima dès le règne d’Aha, peut-être dès le règne d’Iry-Hor, Thinis resta une ville importante car c’est près de celle-ci, dans la nécropole d’Oumm el-Qa’ab à Abydos, que les rois de la Ire dynastie choisirent de se faire enterrer. De plus, comme dit précédemment, la période qu’inaugure la Ire dynastie est qualifiée de « thinite » car c’est là, selon la tradition égyptienne tardive qu’a rapportée Manéthon dans ses écrits, qu’était située la capitale à l’époque.

On peut également noter qu’Iry-Hor et Ka, deux des derniers rois prédynastiques de Haute-Égypte et probables prédécesseurs immédiats de Narmer, sont attestés au Ouadi ‘Ameyra, dans le Sinaï, avec en plus la plus ancienne mention de Memphis dans l’inscription d’Iry-Hor, prouvant l’antériorité de la fondation de la capitale par rapport à la Ire dynastie. Par ailleurs, la situation géographique des inscriptions montrent que ces deux rois du Sud devaient contrôler a minima une partie du Nord du pays, leur permettant ainsi d’accéder à la péninsule du Sinaï8. On peut noter également que des documents découverts dans les tombes des rois Iry-Hor et Ka attestent de la taxation de territoire de Haute-Égypte mais aussi de Basse-Égypte, démontrant à nouveau un contrôle a minima d’une partie de la Basse-Égypte.

Concernant le moment exact de l’unification, il est possible que ce soit Narmer qui en soit l’auteur, en ayant peut-être annexé un dernier territoire qui échappait au contrôle des rois de Thinis, territoire qui était peut-être situé dans le Delta occidental, ce qui sera retenu dans le reste de l’histoire égyptienne par la place qu’a Bouto (à l’origine deux cités nommées Pé and Dep et séparées par le bras du Nil au bord duquel elles étaient situées) en tant que capitale de la Basse-Égypte, en opposition à Nekhen capitale de la Haute-Égypte, qu’on peut retrouver par exemple dans les Âmes de Pé et de Nekhen. Cependant, cela ne reste qu’une hypothèse, car, comme mentionné précédemment, il semble que ce soit Thinis qui ait pris l’avantage sur Nekhen pour la Haute-Égypte. Cette dernière annexion, réalisée par les armes, aurait été représentée sur la fameuse palette de Narmer, découverte à Nekhen en 1898, représentant Narmer portant les insignes des Haute et Basse-Égypte. S’il y a eu pendant longtemps débat pour savoir si elle commémore un événement historique ou si elle est purement symbolique, une « étiquette-année », découverte à Abydos en 1993, datant de Narmer et décrivant semble-il le même événement que la palette, attesterait qu’il s’agit bien d’un événement historique, bien que certains égyptologues émettent encore des doutes.

Mais il est tout autant possible que l’unification effective du territoire égyptien ait eu lieu bien avant Narmer, les évènements mentionnés sur la palette de Narmer et « l’étiquette-année » d’Abydos ne seraient alors que des opérations de maintien de l’ordre. En effet, comme mentionné précédemment, les rois Iry-Hor et Ka devaient contrôler a minima une partie de l’Égypte, il est possible qu’ils contrôlaient en fait l’ensemble du Delta. Ce qui aurait alors distinguer Narmer de ses prédécesseurs ne seraient alors pas la conquête totale de l’Égypte mais la formalisation de l’idéologie royale, consacrée par par des représentations codifiées du monarque sous une forme qui n’évoluera que très peu dans les trois millénaires qui suivent.

Le premier pharaon de cette période est le roi (ou ) qui unifie les deux terres. Sous la deuxième dynastie, tous les systèmes égyptiens sont en place, dont la religion qui se stabilisera dans toutes les époques.

Ire dynastie

Pour la Ire dynastie, la succession des souverains est considérée comme certaine. Après Narmer, la succession des sept rois suivants jusqu’à Qâ est connue avec une certaine certitude. Ces huit souverains ont, règne après règne, tenté de consolider l’unification du pays. Ils se sont tous fait enterrer près de leur capitale Thinis, dans le cimetière d’Oumm el-Qa’ab. Jusqu’à la fin de la Ire dynastie, la tradition voulait que les plus proches parents ainsi que les serviteurs de haut rang suivent le roi dans la mort. Ils étaient enterrés dans de petites tombes latérales presque carrées, directement à côté de la tombe du roi.

La reine Merneith joue un rôle historique particulier au début du règne de son fils Den. Les sceaux en argile de la tombe de cette dame à Oumm el-Qa’ab ainsi que le complexe funéraire extraordinairement grand avec son propre quartier de culte et sa propre stèle funéraire de format royal permettent de conclure qu’elle a pris en charge et dirigé les affaires du gouvernement pour le roi Den pendant un certain temps, puisque ce dernier était probablement encore trop jeune pour la fonction de roi. En effet, le prédécesseur de Den, le roi Ouadji, a eu un règne court. Den a donc partagé le trône royal avec sa mère. Des cas similaires sont également connus pour les reines Ânkhésenpépi II (VIe dynastie) et Hatchepsout (XVIIIe dynastie).

Développement du pays

Narmer est attesté sur de nombreux sites du pays, de Nekhen au sud jusqu’au Delta, incluant la ville de Bouto dans le Delta occidental. Le roi est également attesté dans les régions entourant la Vallée, soit dans le désert oriental, plus précisément au site no 18 du Ouadi Qash, dans le désert occidental, plus précisément dans l’oasis de Kharga,(en) « The Narmer Catalog Source Number 6015 [archive] » et dans le Gebel Tjaouti(en) « The Narmer Catalog Source Number 4037 [archive] » près de Coptos, ainsi que peut-être au Nag-el-Hamdoulabprès d’Éléphantine, même si l’identification n’est pas certaine de par l’absence de nom dans le serekh, et dans le Sinaï, plus précisément au Ouadi ’Ameyra8. Ces différentes attestations montrent que le roi est présent dans toute l’Égypte et au-delà, montrant que l’Égypte est unifiée sous son règne. Un autre point à noter est que Narmer est fortement présent en Canaan, dans la continuité de ses prédécesseurs, où une colonisation de fait d’une partie du sud du territoire a lieu, peut-être pour contrôler plus efficacement les routes commerciales dans une région alors peu structurée politiquement. Après son règne, le roi se fit enterrer dans le cimetière d’Oumm el-Qa’ab près d’Abydos, à côté de ses probables prédécesseurs immédiats Iry-Hor et Ka.

Le successeur de Narmer se nommait Aha et a été enterré près de ce dernier dans le cimetière d’Oumm el-Qa’ab, mais cette fois dans une tombe bien plus grande constituée de trois grandes cavités creusées, montrant le développement du royaume égyptien sous son règne, notamment sur le plan architectural. De plus, la tombe d’Aha, contrairement à celles de ses prédécesseurs, était accompagnée de trente-quatre tombes subsidiaires, dont celle de son épouse Beneryb, littéralement « Celle qui a un cœur doux ». Aha a également construit trois enclos funéraires à un peu plus d’un kilomètre à l’est du cimetière, près des zones cultivées, inaugurant une pratique qui sera suivie par ses successeurs34. Le roi est attesté sur plusieurs sites égyptiens, mais sur une aire moins vaste que Narmer, allant de la nécropole memphite au nord (Abou Rawash, Zaouiet el-Aryan, Saqqarah, Helwan) à Nagada au sud, notamment, sur ce dernier site, par la tombe de l’un des membres féminins les plus proéminents de la famille royale de l’époque, celle de Neith-Hotep, considérée comme l’épouse d’Aha35 et peut-être la régente au début du règne de Djer8. Si Narmer était déjà attesté dans la nécropole memphite, le plus ancien roi attesté dans les tombes de l’élite du pays située dans cette nécropole est Aha, ce qui prouve incontestablement que le palais, la cour et l’administration centrale étaient situés à Memphis. Le roi est connu pour avoir visité le sanctuaire de Neith à Saïs, comme l’indiquent deux tablettes découvertes à Abydos. Ces visites de sanctuaire faisaient partie intégrante de la charge royale et sont attestés régulièrement dans le registre archéologique. Il semble que ce soit à partir du règne d’Aha que l’Égypte commence à se désengager de la région de Canaan, ce roi n’est d’ailleurs peut-être attesté directement qu’une seule fois, bien que l’identification ne soit pas certaine, certains chercheurs considérant que le roi n’y est jamais attesté directement. Toujours est-il que la présence égyptienne reste attestée sous son règne, notamment par l’étude de la poterie dans l’avant-poste égyptien à En Besor, toujours actif sous le règne d’Aha. L’inscription sur une tablette d’ivoire d’Abydos suggère qu’Aha a mené une expédition contre les Nubiens : une année est explicitement appelée « l’Année de frappe de Ta-Sety », Ta-Sety étant le nom de la Nubie à l’époque. Les deux dernières années du règne d’Aha sont inscrites sur le fragment de Palerme de la pierre du même nom : la case-année de la dernière année complète indique que la festivité biannuelle nommée « Suivants d’Horus », peut-être un déplacement du roi et/ou d’une partie de la cour dans le but liée à la taxation des habitants du pays, et la création d’une image, c’est-à-dire une statue, d’Anubis ; la dernière case-année le concernant indique qu’il mourut au septième jour du sixième mois de cette année.

Djer est le successeur de Aha sur le trône d’Horus. Son règne, qui semble avoir été long, est reporté sur plusieurs fragments de la pierre de Palerme, qui conservent environ dix-huit années (les neuf premières années du règne sur le fragment de Palerme, neuf autres du milieu du règne sur le fragment du Caire no 1) des quarante et quelques qu’a duré son règne. Les cases-années de la pierre font référence principalement à des activités cultuelles, comme celle biannuelle et nommée « Suivants d’Horus », ainsi qu’à une expédition dans un territoire nommé Sṯt, qui plus tard se référera au Proche-Orient de manière générale mais peut-être pas à cette époque reculée. Toujours est-il qu’une expédition au Ouadi ’Ameyra est attestée grâce à une inscription rupestre, avec le nom de Neith-Hotep mentionné également à côté du serekh de Djer. L’expédition vers le territoire de Sṯt pourrait faire référence à cette expédition au Sinaï, mais cela n’est pas certain. Une autre expédition semble avoir eu lieu en Nubie, comme l’atteste une inscription rupestre au Gebel Sheikh Souleiman. En plus des activités cultuelles mentionnées sur la pierre de Palerme, une étiquette d’ivoire découverte à Abydos indique que des visites royales à Bouto et à Sais ont eu lieu au cours du règne. Enfin, l’architecture funéraire se développa fortement sous son règne, car, non seulement, sa tombe n’était constituée plus que d’une seule cavité, mais cette dernière fut découpée en plusieurs salles, séparant ainsi le caveau des magasins, mais aussi le nombre de tombes subsidiaires (trois cent dix-huit) est beaucoup plus élevé que celui de son prédécesseur (trente-quatre), et enfin, l’enclos funéraire, unique contrairement aux trois d’Aha, couvre une surface plus de six fois plus grande que la plus vaste des trois d’Aha, cet enclos étant par ailleurs accompagné de deux cent soixante-neuf tombes subsidiaires.

Étiquette inscrite au nom de Djer et du haut fonctionnaire Sekhemka-Sedjet

Le successeur de Djer, nommé Ouadji ou Djet selon les chercheurs, semble avoir régné peu de temps. Si le commerce avec la Palestine continue, comme l’attestent les nombreuses poteries découvertes dans les tombes du règne, le roi a également été actif dans le désert oriental : ceci est démontré par une stèle rupestre dans le Ouadi Abbad. La particularité de cette stèle est que le faucon Horus figuré sur le serekh est surmonté de la double-couronne, le pschent, ce qui fait de cette stèle la plus ancienne attestation de cette couronne ; à droite du serekh est inscrit le signe kȝ à l’intérieur duquel est inscrit un autre signe qui pourrait se lire Hemka, qui est peut-être le nom d’un membre de l’élite du règne. Des étiquettes mentionnent célèbrent les évènements de deux années du règne : la première indique « Année de la planification du sous-sol ( ?) de la double plante, naissance des bourgeons de lotus, debout dans le sanctuaire de la couronne des deux Maîtresses », tandis que la seconde mentionne une victoire, la production d’une statue et peut-être la création d’une forteresse. Quant à la tombe du roi, elle est située près de celles de ses prédécesseurs, mais a la particularité d’avoir préservé une partie de sa superstructure. Si la tombe et l’enclos funéraire du roi ressemblent beaucoup à ceux de son prédécesseur, le nombre de tombes subsidiaires diminuent significativement, avec cent soixante-quinze autour de la tombe et cent cinquante-quatre autour de l’enclos.

Si le successeur officiel d’Ouadji est Den, il est certain qu’une régence a eu lieu au début du règne par la « mère du roi » Merneith ; d’ailleurs, une étiquette d’ivoire fragmentaire représentant deux personnages pourrait figurer la reine avec son royal fils. Les attestations de cette régence sont l’empreinte de sceau découverte dans la tombe de Den et listant les rois d’ans l’ordre de Narmer à Ouadji, sans Den mais avec la reine à la place, ainsi que la tombe et l’enclos funéraire de taille royale à Abydos, tombe dont la stèle funéraire donne le nom de la reine sans serekh, prouvant qu’elle n’a jamais été officiellement roi. Cette même tombe est entourée de près de quarante-et-une tombes subsidiaires, tandis que l’enclos est entouré de soixante-dix-neuf tombes, poursuivant ainsi la décrue du nombre de tombes subsidiaires depuis le pic sous Djer. Enfin, des objets provenant du grand mastaba (S3503, 16 × 42 mètres) de Saqqarah, où son nom a été retrouvé dans des inscriptions sur des récipients en pierre, des jarres, ainsi que sur des empreintes de sceaux, dont un montre le nom de Merneith dans un serekh.

Le roi Den, aussi appelé Oudimou, avait pour nom de Nebty Khasty, signifiant « Celui des deux déserts ». Den est un roi ayant eu un très long règne, plus de quarante ans voire cinquante ans, comme l’attestent non seulement les fragments de la pierre de Palerme mais aussi le fait qu’il a pu organiser une seconde fête-Sed mentionnée sur un vase en pierre découvert dans sa tombe, ainsi que le nombre de tombes de l’élite datées de son règne et situées à Saqqarah, à Helwan, à Abousir et dans un nouveau cimetière à Abou Rawash, formant en tout un minimum de trente tombes. Si les annales de la pierre de Palerme mentionnent principalement des activités cultuelles, même si la festivité nommée « Suivants d’Horus » y est absente pour une raison inconnue, quelques activités militaires sont aussi mentionnées : deux des années inscrites sur le fragment no 5 du Caire indiquent « Frapper les gens de Setjet » et, deux ans plus tard, « Frapper le peuple Ioutiou » tandis que l’une des années inscrites sur le fragment de Palerme indique « Frapper le peuple Iountou », tandis que la case huit années plus tard parle de la fondation ou de la destruction d’une ville nommée Our-Ka. Cinq étiquettes mentionnent également des activités militaires au sud de Canaan, pendant lesquelles la forteresse d’En Besor, toujours en activité, a dû jouer un rôle, des sceaux de Den y ayant été découverts. Des activités au Sinaï sont attestées par la présence de deux ou bien trois inscriptions rupestres datées de son règne et représentant le roi et certains de ses hauts fonctionnaires59. L’une des innovations importantes concernant l’architecture funéraire royale est la création d’un escalier menant jusqu’au caveau, facilitant ainsi le remplissage de ce dernier avec le trousseau funéraire, innovation qui sera suivie par ses successeurs immédiats. Le nombre de tombes subsidiaires autour de sa tombe à Abydos est d’environ cent-trente, soit moins que Djet malgré un bien plus long règne, ce qui suit le mouvement initié depuis le règne de Djer. Quant à l’enclos funéraire du roi, elle n’a pas été identifiée avec certitude, mais l’un des deux anonymes nommés Donkey Enclosure et Mastaba de l’Ouest pourrait lui correspondre.

Le successeur de Den est le roi Adjib, dont le nom de Nebty était Merpebia, signifiant « Le bien-aimé du trône d’airain ». Ce dernier semble n’avoir régné que peu de temps, environ une décennie (les deux récipients en pierre au nom d’Adjib et mentionnant une fête-Sed seraient à dater du règne de Den, Adjib les ayant usurpés), ce qui est explicable s’il est le fils de Den et qu’il est donc monté sur le trône relativement âgé après le très long règne de ce dernier. Ce roi est peu connu, seule la dernière année de son règne est présente sur le fragment du Caire no 1 de la pierre de Palerme, l’inscription est cependant illisible. Le roi n’est par ailleurs attesté qu’à Saqqarah et Helwan, sites où l’élite de la Ire dynastie s’est faite enterrer, et à Abydos, où le roi s’est fait enterrer. Les empreintes de sceaux et les récipients en pierre découverts indiquent que le roi a fondé une forteresse et un palais et a commandité un grand nombre de statues divines ainsi que six statues du roi lui-même. Concernant l’architecture de la tombe du roi, elle est dans la continuité de celle de Den, mais moins bien élaborée, l’escalier étant plus court et le caveau une taille deux fois plus petite que celle de son prédécesseur. Le nombre de tombes subsidiaires est de soixante-quatre, soit moitié moins que le nombre de tombes autour de celle de Den. Comme pour Den, l’enclos funéraire du roi n’a pas non plus été identifié, peut-être s’agit-il de l’un des deux enclos déjà mentionnés et non attribués.

Le successeur d’Adjib est le roi Sémerkhet, dont le nom de Nebty était Iry, signifiant « Le Gardien », et qui, s’il n’est pas plus connu que son prédécesseur dans le registre archéologique contemporain de son règne, l’est toutefois mieux grâce à la pierre de Palerme. En effet, le fragment du Caire no 1 reporte l’intégralité de ses huit années et demi de règne. Il est à noter que Sémerkhet est le seul roi de la Ire dynastie à ne pas être mentionné dans les tombes de l’élite situées dans la nécropole memphite, ce qui est logique avec son court règne. Sa tombe à Abydos semble d’ailleurs avoir été construite hâtivement. Cette même tombe est entourée de soixante-neuf tombes subsidiaires situées à proximité immédiate de la sienne, suggérant que leurs occupants ont été enterrés en même temps que le roi, et donc suggérant un sacrifice de toutes ces personnes pour accompagner le roi dans l’au-delà. Cette pratique, si elle devait se confirmer, pourrait avoir commencé dès le règne d’Aha et aurait pris fin avec le règne de Qâ. Concernant les informations issues de la pierre de Palerme, la festivité biannuelle nommée « Suivants d’Horus », présente pendant le règne de Djer et non reportée pendant le règne de Den, est à nouveau reportée pendant le règne de Sémerkhet. Le reste des informations sur les annales ne sont que des activités cultuelles, comme pour les autres règnes. Si le commerce avec le Levant continue pendant son règne, il semble qu’il soit moins important que lors des règnes précédents, tendance qui continuera après son règne. Il est à noter que la tradition manéthonienne a associé le règne Sémerkhet à une calamité ayant touché l’Égypte, mais aucun élément contemporain du règne ne démontre cet assertion.

Le successeur de Sémerkhet est le roi Qâ, dont le nom de Nebty était Sen. Bien que les évènements ayant eu lieu pendant son règne soient peu connus (seule la première année de son règne est inscrite sur le fragment du Caire no 1 de la pierre de Palerme), ce roi semble avoir régné relativement longtemps, comme le suggèrent le nombre de mastabas de l’élite situés à Saqqarah-Nord et datés de son règne, dont celles de Merka. En plus de Saqqarah-Nord, Qâ est attesté dans le prolongement de ce cimetière à Abousir-Sud, ainsi qu’à Helwan, de l’autre côté du fleuve. Le roi est également attesté à Abydos, où il a été enterré comme tous ses prédécesseurs. La tombe du roi est particulière car elle comporte deux escaliers successifs ainsi qu’une herse en calcaire, ce dernier élément étant le plus ancien attesté dans une tombe royale. Les vingt-six tombes subsidiaires, soit un nombre qui suit la tendance à la baisse depuis le règne de Djer, sont accolées à celle du roi, de la même manière que pour Sémerkhet, suggérant là aussi un sacrifice lors de la mort du roi. L’enclos funéraire du roi n’a pas été découvert, mais pourrait être situé sous le village copte de Deir Sitt Damiana. Enfin, le roi est attesté à dans le Ouadi Hellal, près d’El Kab, sur une inscription rupestre accompagné de la déesse tutélaire de la ville susmentionnée, à savoir Nekhbet. Une inscription similaire est située à Naga el-Oqbiya, à dix kilomètres au nord d’El Kab. Ces inscriptions montrent une certaine activité du roi dans la région, probablement liée à l’exploitation de ressources minérales. Enfin, un objet de jeu, découvert dans la tombe du roi, montre la figure captive d’un habitant de Setjet, c’est-à-dire un habitant du Proche-Orient ; cet objet a été interprété comme la preuve d’une activité militaire dans cette région, mais cela n’est pas démontré. Le commerce avec le Proche-Orient continue toutefois, comme le montre la vaisselle levantine dans les tombes de la nécropole memphite datées du règne de Qâ.

Vers la IIe dynastie

La fin de la Ire dynastie est relativement méconnue. Après le long règne de Qâ, le pouvoir échoit à Hotepsekhemouy, qui déplace la nécropole royale à Saqqarah, plus précisément au sud du futur complexe funéraire de Djéser (IIIe dynastie). Il semble cependant que la succession royale entre Qâ et Hotepsekhemouy n’ait pas été si simple, deux noms semble en effet ressortir du registre archéologique : Horus Oiseau et Sneferka, dont les quelques attestations découvertes à Saqqarah et à Abydos rapprochent leurs règnes de ces deux rois. Hotepsekhemouy est malgré tout attesté dans la tombe de Qâ, montrant qu’il a procédé au (ré)enterrement de son prédécesseur. Si Horus Oiseau et Sneferka ont bien régné entre Qâ et Hotepsekhemouy, ce dernier a peut-être mis fin à la lutte pour le trône. Son nom, qui signifie « Les deux puissances sont en paix », pourrait se rapporter à une réunification du royaume égyptien après une période de discorde, la titulature des rois égyptiens étant connue pour être une sorte de un programme politique. Cependant, il est possible que ces deux rois soient en réalité à placer pendant la période de trouble du milieu de la IIe dynastie, entre les règnes de Nynetjer et Khâsekhemouy ; ceci impliquerait alors que la succession entre Qâ et Hotepsekhemouy avait été sans trouble.

IIe dynastie

La chronologie de la dynastie est difficile à établir du fait du manque de sources. La dynastie peut cependant être divisée en trois phases : la première correspond aux trois premiers règnes (Hotepsekhemouy, Nebrê et Nynetjer), la dernière au règne de Khâsekhemouy, tandis que celle du milieu est une période relativement obscure et l’objet de débats.

Début de la dynastie : d’Hotepsekhemouy à Nynetjer

Les trois premiers rois de la dynastie, Hotepsekhemouy, Nebrê et Nynetjer, sont peu connus mais leurs règnes semblent relativement calmes. Un élément important est que la nécropole royale a été déplacée à Saqqarah, c’est-à-dire près de la capitale Memphis, mais aussi près de la nécropole de l’élite du royaume dont la nécropole était située un peu plus au nord et ce depuis le règne de Aha (deuxième roi de la Ire dynastie) au plus tard.

La pierre de Palerme, stèle fragmentaire datée de la Ve dynastie sur laquelle étaient écrites les annales royales depuis la début de l’histoire égyptienne, est conservée sur une partie du règne de Nynetjer. Seuls quelques évènements sont écrits par année et ces évènements sont pour la plupart des évènements d’ordre cultuelle. Cette pierre permet d’apporter la preuve de l’ancienneté de certains sanctuaires religieux. Un autre fait important est que la plus ancienne statue royale date du règne de Nynetjer et le représente assis sur son trône et portant des vêtements associés à la fête-Sed.

Statue de Djéser

La pierre de Palerme montre également que la datation adoptée à partir du début de la dynastie est un système dit numérique contrairement à la Ire dynastie qui est de type évènementiel : ce mode numérique correspond en fait au comptage du bétail effectué, semble-t-il, de manière biannuelle pour la IIe dynastie ; ainsi une année est nommée année du n-ième comptage du bétail ou année qui suit le n-ième comptage du bétail. Djéser, probable fondateur de la IIIe dynastie, a rétabli le système évènementiel avant que Snéfrou, fondateur de la IVe dynastie, n’adopte le système numérique (mais la pierre de Palerme a montré que le rythme biannuel n’est pas respecté pour ce règne) qui restera en place jusqu’à la fin de l’Ancien Empire. Il est possible que ce soit cette innovation, mise en place assurément sous Nynetjer et peut-être dès Hotepsekhemouy (l’état fragmentaire de la pierre de Palerme ne permet pas de s’en assurer), qui soit à l’origine de l’individualisation des premières dynasties les unes par rapport aux autres.

Cependant, il n’est pas certain que Nynetjer ait régné sur un pays unifié jusqu’à la fin de son règne. De la fin du règne de Nynetjer jusqu’à un moment donné du règne de Khâsekhemouy, il est possible que l’Égypte ait été divisée.

Milieu de la dynastie

Que l’Égypte ait été divisée ou non, les sources permettant de comprendre la période allant de Nynetjer à Khâsekhemouy sont si rares qu’une compréhension claire de la période est impossible. Les noms des rois attestés pour la plupart sur de la vaisselle en pierre et quelques sceaux ne sont que des noms sans plus de significations : les Horus Sa, Ba, Péribsen, Sekhemib - et peut-être Oiseau et Sneferka s’ils ne sont pas à placer en fin de Ire dynastie -, les Nebty Noubnefer, Séned et Ouneg.

Une seule tombe est attestée pour la période : celle de Péribsen dans la nécropole d’Oumm el-Qa’ab à Abydos, renouant donc avec la Ire dynastie. Séned et Horus Ba semblent, quant à eux, être enterrés à Saqqarah, dans la continuité des premiers rois de la dynastie : c’est en tout cas là que la tombe de Shéry, prêtre des cultes funéraires de Péribsen et Séned a été enterré, et c’est là aussi que le haut fonctionnaire de la VIe dynastie Ny-Ânkh-Ba a été enterré. Les seules attestations autres attestations in situ sont un sceau de Péribsen et un second de Sekhemib à Éléphantine, et des sceaux de Sekhemib dans la tombe et l’enclos funéraire de Péribsen à Abydos, semblant montrer que c’est ce roi qui a enterré Péribsen.

Arguments pour l’hypothèse d’un pays divisé

Les égyptologues Wolfgang Helck, Nicolas Grimal, Hermann Alexander Schlögl et Francesco Tiradritti pensent que le roi Nynetjer a dirigé une Égypte qui souffrait d’une administration publique trop complexe. Nynetjer aurait alors décidé de diviser l’Égypte pour la laisser à deux successeurs choisis qui gouverneraient deux royaumes séparés, dans l’espoir que l’administration de l’État pourrait s’améliorer. Des vestiges archéologiques, tels que les empreintes de sceaux d’argile et les jarres inscrites, semblent étayer l’affirmation selon laquelle Péribsen ne régnait qu’en Haute-Égypte. Un grand nombre d’entre eux ont été trouvés à Abydos, Nagada, Beit Khallaf et à Éléphantine, avec un seul sceau d’argile portant son nom trouvé en Basse-Égypte. Les historiens pensent que le royaume de Sekhemib se serait étendu de Nagada à l’Île Éléphantine. Le reste de l’Égypte aurait donc été contrôlé par un autre souverain coexistant.

L’égyptologue Dimitri B. Proussakov soutient sa théorie avec des notations sur la célèbre pierre de Palerme concernant le règne du roi Nynetjer. À partir de la douzième année, « Le roi de Haute et Basse-Égypte apparaît » a été modifié en « Le roi de Basse-Égypte apparaît ». Proussakov y voit une forte indication que le pouvoir de Nynetjer sur l’Égypte a diminué. Les égyptologues comparent la situation à celle du roi Qâ, l’un des derniers souverains de la Ire dynastie. Quand Qâ mourut, d’obscurs prétendants apparurent et se battirent pour le trône d’Égypte. Les luttes ont atteint leur apogée avec le pillage du cimetière royal d’Abydos, après quoi le cimetière a été abandonné et Saqqarah est devenu le nouveau cimetière royal. Le conflit a pris fin avec l’ascension du roi Hotepsekhemouy, fondateur de la IIe dynastie.

Barbara Bell, une autre chercheuse, estime qu’une catastrophe économique telle qu’une famine ou une sécheresse de longue durée a touché l’Égypte. Pour mieux résoudre le problème de l’alimentation de la population égyptienne, Nynetjer divisa le royaume en deux et ses successeurs fondèrent deux royaumes indépendants, peut-être dans l’intention de se réunir après la famine. Bell cite les inscriptions de la pierre de Palerme, où, selon elle, les archives des crues annuelles du Nil montrent des niveaux constamment bas pendant cette période. La théorie de Bell est aujourd’hui réfutée par des égyptologues tels que Stephan Seidlmayer, qui affirme que ses calculs étaient erronés. Seidlmayer a montré que les crues annuelles du Nil étaient aux niveaux habituels à l’époque de Nynetjer jusqu’à la période de l’Ancien Empire. Bell a oublié que les hauteurs des crues du Nil dans l’inscription sur la pierre de Palerme tiennent compte des mesures des nilomètres autour de Memphis, mais pas ailleurs le long du fleuve. Une sécheresse à l’échelle du pays était peu probable.

Les titres administratifs des scribes, des porteurs de sceaux et des surveillants ont été adaptés à la nouvelle situation politique. Par exemple, des titres comme « scelleur du roi » ont été transformés en « scelleur du roi de Haute-Égypte ». Le système administratif depuis l’époque de Peribsen et de Sekhemib montre une hiérarchie claire et bien identifiée ; un exemple : Maison du Trésor → bureau des pensions → propriété → vignobles → vignobles privés. Le roi Khâsekhemouy a réussi à réunifier l’administration de l’État égyptien et donc à unifier l’ensemble de l’Égypte ancienne. Il a placé les deux trésoreries d’Égypte sous le contrôle de la « Maison du Roi », les réunissant dans un nouveau centre d’administration unique.

Enfin, certains documents du début du règne de Khâsekhemouy font état d’un conflit avec le nord. En effet, plusieurs documents (statuettes assises, vases de Nekhen) portant le nom Khâsekhem mentionnent la lutte contre des ennemis du nord, et les attestations de ce même Khâsekhem proviennent toutes de la région de Nekhen, à l’exception d’un vase découvert dans les galeries du complexe funéraire de Djéser et déposé pendant le règne de ce dernier. De plus, le nom d’Horus du roi est surmontée du faucon Horus portant la couronne blanche hedjet de la Haute-Égypte, et non le pschent, couronne de l’Égypte unifiée. À un moment donné, le roi a changé sa titulature pour Khâsekhemouy et a surmonté son nom par le faucon Horus, cette fois couronné du pschent, et de l’animal séthien portant lui aussi la couronne pschent. Il est possible que ce changement soit dû à une réunification réalisée par le roi.

Arguments contre l’hypothèse d’un pays divisé

Des chercheurs comme Herman te Velde86, I. E. S. Edwards et Toby Wilkinson croient que l’inscription de la célèbre Pierre de Palerme de la Ve dynastie, présentant une liste très détaillée des rois, milite contre la division du royaume. Sur la pierre, les rois de la Ire à la Ve dynastie sont répertoriés par leur nom d’Horus, leur nom d’Horus d’or et leur nom de Nebty, leur espace dédié se terminant par le nom de leur mère. Les listes contiennent également des fenêtres rectangulaires présentant les événements de l’année depuis le jour du couronnement du roi jusqu’à sa mort. Sur le fragment de la pierre nommée Pierre du Caire, dans la ligne IV, les dernières années du roi Nynetjer sont préservées (mais la plupart des cases-années sont illisibles maintenant). La date de la mort de Nynetjer est suivie d’un nouveau roi. Des études récentes révèlent que le serekh de ce nouveau roi est surmonté d’un animal à quatre pattes, et non par le faucon Horus. Comme le seul animal héraldique à quatre pattes au début de l’Égypte était l’animal séthien, malgré un débat passionné, il est probable que le souverain indiqué soit Péribsen. Les égyptologues tels que te Velde, Barta et Edwards ne sont pas d’accord ; Péribsen n’a peut-être pas été le seul roi avec un nom de Seth. Les événements de l’année sous Nynetjer montrent des références croissantes à Seth, suggérant la tradition d’un nom d’Horus comme le seul nom des rois pourrait avoir déjà évolué. La montée d’un roi allié à Seth n’était donc pas surprenante. Te Velde, Barta et Edwards pensent qu’en plus de Péribsen, les souverains Ouneg, Noubnefer ou Sénedj auraient pu également avoir des noms de Seth ; l’un d’eux était certainement le véritable successeur direct de Nynetjer. Le nombre relativement élevé de découvertes archéologiques du règne de Péribsen contredit la brève durée estimée du règne, seulement dix à douze ans, telle que présentée sur la pierre de Palerme. La pierre ne donne absolument aucune indication d’une division du royaume égyptien. Barta, Te Velde, Wilkinson et Edwards soutiennent que la théorie de la division de l’État est intenable. Une réorganisation administrative ou une scission des sectes de la prêtrise est plus probable.

D’autres égyptologues, tels que Michael Rice88, Francesco Tiradritti et Wolfgang Helck croient qu’il n’y avait pas de division du royaume égyptien et que Sekhemib et Péribsen étaient les seuls dirigeants. La division suspectée peut avoir été de nature purement bureaucratique, y compris des changements de titres de fonctionnaires de haut rang. Il est possible que le roi Nynetjer (ou Péribsen) ait décidé de diviser toute la bureaucratie égyptienne en deux départements distincts dans le but de réduire le pouvoir des fonctionnaires. Un tel acte n’était pas surprenant et s’est produit plusieurs fois dans l’histoire égyptienne, en particulier dans les dynasties ultérieures. Les chercheurs signalent également les mastabas autrefois palatiales et bien conservées de Saqqarah et d’Abydos appartenant à de hauts responsables tels que Rouaben et Nefer-Setekh. Ceux-ci sont tous datés du règne de Nynetjer à celui de Khâsekhemouy. Les égyptologues considèrent le témoignage archéologique de l’état des mastabas et de l’architecture originale comme la preuve que les cultes mortuaires des rois et des nobles de l’État ont eu lieu avec succès pendant toute la dynastie. Si c’est vrai, leur préservation est incompatible avec la théorie des guerres civiles et des problèmes économiques sous le règne de Péribsen. Rice, Tiradritti et Helck pensent que Nynetjer a décidé de quitter un royaume divisé pour des raisons privées ou politiques et que la scission était une formalité soutenue par les rois de la IIe dynastie.

Fin de la dynastie : Khâsekhemouy

Comme dit précédemment, certains documents du début du règne de Khâsekhemouy, nommé alors Khâsekhem, font état d’un conflit avec le nord. Un second conflit, cette fois avec la Nubie semble avoir eu lieu. Malgré cette division, si tant est qu’elle ait eu lieu, le roi semble avoir entreprit des constructions importantes dès le début de son règne. En effet, concernant les réalisations architecturales, Khâsekhemouy est le roi de la Période thinite dont les réalisations architecturales sont les plus impressionnantes. Dans la région de Nekhen, des reliefs découverts dans la ville de Nekhen semblent indiquer que le roi est le commanditaire d’un temple d’Horus ; le « Fort », situé sur le côté nord du Grand Ouadi de Nekhen, est une importante construction en brique équivalente à l’enclos funéraire du roi situé à Abydos ; des reliefs sur des blocs de pierre découverts à El Kab (en face de Nekhen), ville de Nekhbet, et à Gebelein, dans le temple d’Hathor local, suggèrent également d’importantes constructions cultuelles sur ces sites. Il est à noter que la case de la Pierre de Palerme qui suit celle du 6e recensement indique que le roi entreprit la construction d’un bâtiment en pierre nommé « La déesse perdure » (Mn-Nṯr.t), cette construction pourrait être le temple de Nekhbet d’El Kab ou le temple d’Hathor de Gebelein. Enfin, à Abydos, les constructions funéraires du roi sont les plus importantes du site, avec sa tombe V de 88 × 20 mètres minimum (il s’agit des dimensions des infrastructures) dans la nécropole d’Oumm el-Qa’ab et l’enclos funéraire Shunet El Zebib de 137 × 77 mètres, accompagné d’une flotte de bateaux funéraires. Malgré le fait que le pays soit réunifié, le roi choisit le cimetière d’Oumm el-Qa’ab à Abydos pour se faire enterrer : peut-être que la réunification, si l’Égypte a bien été divisée, a eu lieu tardivement dans le règne, obligeant Khâsekhemouy à renoncer à construire un nouveau tombeau à Saqqarah et donc à conserver le tombeau qu’il se serait fait à Abydos.

Concernant les relations internationales, elles semblent atteindre un nouveau niveau, comme l’attestent la première mention de l’histoire égyptienne du titre « surveillant des pays étrangers » (jmj-rȝ ḫȝst), suggérant l’imposition de l’hégémonie égyptienne sur des territoires étrangers (il pourrait s’agir d’un territoire nubien d’après la stèle fragmentaire découverte à Nekhen suggérant une campagne militaire), ainsi que la découverte à Byblos d’un fragment de vase portant son nom, suggérant un certain niveau de relations commerciales entre cette ville et l’Égypte sous son règne, bien que ce vase ait pu atteindre ce lieu à une date ultérieure95.

Une autre facette du règne est l’artisanat : en effet, non seulement, de nombreux vases à son nom ont été découverts, mais aussi des statuettes et de nombreux éléments de son trousseau funéraire, dont de la vaisselle en bronze et cuivre, un sceptre en sardoine bagué d’or et des vases en pierre fermés par des couvercles en feuilles d’or. La Pierre de Palerme indique dans l’année qui suit celle du 7e recensement a été nommée « création d’une statue en cuivre (nommée) "Grand est Khâsekhemouy" » ; il s’agit de la plus ancienne attestation de telles statues, les plus anciennes retrouvées datant de la VIe dynastie. Quant à l’année qui suit celle du 8e recensement, une activité de construction navale a été entreprise.

À sa mort, la IIe dynastie prend fin et la IIIe dynastie commence. Cependant, il ne s’agit pas d’un changement de lignée : en effet, Khâsekhemouy a probablement pour successeur direct son fils Djéser, bien que Sanakht soit aussi évoqué. Comme dit précédemment, il est possible que ce changement dynastique soit dû au choix de Djéser d’utiliser le type évènementiel et non le type numérique pour nommer les années.

IIIe dynastie

La IIIe dynastie est courte, composée de quatre ou cinq rois, et surtout inaugure la construction en pierre de taille avec les premières pyramides égyptiennes. Cependant, peu d’éléments nous sont parvenus, ainsi l’ordre de succession royale de cette dynastie est encore débattues.

Djéser, fils de Khâsekhemouy, inaugure donc la IIIe dynastie. La grande œuvre du règne est la construction de la première pyramide en pierre à Saqqarah, œuvre à laquelle participa le fameux Imhotep qui sera divinisé plus d’un millénaire plus tard. En plus de la construction de la pyramide, Djéser est connu pour une expédition royale au Ouadi Maghara dans le Sinaï, montrant une reprise de l’intérêt pour cette région minière depuis Nebrê, ainsi qu’à Éléphantine, frontière méridionale égyptienne alors en plein développement depuis le règne de Péribsen dans la seconde moitié de la IIe dynastie.

Les rois suivants, Sanakht, Sekhemkhet et Khaba, dont l’ordre de succession n’est pas clarifiée, poursuivent la politique de Djéser en réalisant des pyramides, une à Saqqarah à côté de Djéser pour Sekhemkhet (bien que l’attribution du monument à Sanakht soit proposé de manière plus marginale) et une autre un peu plus au nord à Zaouiet el-Aryan, en envoyant des expéditions au Ouadi Maghara, Sanakht et Sekhemkhet y sont attestés par deux inscriptions rupestres chacun et en continuant la politique de développement d’Éléphantine, les trois rois y étant cette fois attestés par des empreintes de sceaux.

Enfin le dernier roi de la dynastie, Houni, qui pourrait être identique à l’un des trois précédents rois, peut-être Khaba comme le propose Jean-Pierre Pätznick, continue la politique de ses prédécesseurs, étant comme eux attesté à Éléphantine. Mais il marque un tournant dans l’histoire égyptienne car il est le commanditaire de plusieurs pyramides provinciales, politique que poursuivra son successeur Snéfrou, le fondateur de la IVe dynastie. La construction de ces pyramides marque probablement un changement dans la politique de contrôle et d’exploitation du territoire, même si la nature exacte de ce changement est difficilement évaluable. Excepté ceci, son règne fortement méconnu, les seules autres attestations du règne se trouvant dans les tombes de deux membres de l’élite enterrés dans la nécropole memphite, l’un à Abousir (le nom d’Houni est inscrit sur un bol en pierre) et l’autre, Metjen, à Saqqarah (le nom d’un domaine royal incluant le nom d’Houni et situé en Basse-Égypte est mentionné).

État, société, culture

Royauté et État

La titulature

La titulature royale égyptienne, née à la fin de la période prédynastique, évolue tout au long de la période ; en effet, à l’avènement de la IVe dynastie, il ne restera à la monarchie que le nom de Sa-Rê à inventer (le titre de « fils de Rê » (sȝ-Rˁ) est signalé dans le registra archéologique à partir du règne de Djédefrê (IVe dynastie), tandis que le nom de Sa-Rê, introduit par ce même titre, est apparu sous le règne de Néferirkarê Kakaï (Ve dynastie)).

Nom d’Horus (et de Seth)

Le premier nom, et le principal pour cette période, à apparaître est le nom d’Horus, inscrit dans un serekh, lui même surmonté du faucon horien. Ce nom est apparu au plus tard sous le règne du roi Ka, l’un des derniers rois de la période prédynastique. En effet, le nom de son prédécesseur Iry-Hor n’était pas inscrit dans un cartouche (ce qui fait d’ailleurs dire à certains égyptologues que ce qui est interprété par ailleurs comme le nom Iry-Hor n’en est en fait pas un), tandis que des serekhs vides ont été découverts par ailleurs. Le nom d’Horus représente la relation très forte entre le roi et le dieu monarchique et cosmique par excellence Horus, le dieu faisant partie intégrante du nom. Il est à noter que, de manière anecdotique, le nom de Seth, avec l’animal séthien remplaçant ou accompagnant le faucon Horus, a été utilisé par deux rois de la seconde moitié de la IIe dynastie : Péribsen (nom de Seth simple, sans faucon) et Khâsekhemouy (d’abord connu par le nom d’Horus Khâsekhem puis par le nom d’Horus et de Seth Khâsekhemouy). Ce lien entre le roi et les dieux Horus et Seth est par ailleurs mis en relief par le titre porté par les reines de cette période « Celle qui voit Horus et Seth » (mȝȝ.t-Ḥr-Stš). Ce nom d’Horus suit une évolution tout au long de la période :

  • au début, les premiers rois portent des noms d’animaux (Scorpion, Narmer/Poisson-Chat) ou des noms guerriers (Hor-Aha « Horus le Combattant », Hor-Djer « Horus le Fort », Hor-Qâ « Horus l’Élevé de bras », c’es-à-dire la frappe puissante) ;
  • la fin de la Ire dynastie et surtout la IIe dynastie inaugurent une vision plus intellectuelle de la royauté, s’exprimant au travers de qualités emblématiques (Sekhemib « Puissant de cœur », c’est-à-dire d’intelligence), de liens privilégiés avec le monde divin (Sémerkhet « Compagnon de la communauté divine », Nynetjer « Celui qui appartient au dieu », Nebrê « Rê est son seigneur (?) ») ou des réalisations qui incombent par essence au monarque telles que le maintien de l’unité du pays (Hotepsekhemouy « Les Deux Puissants (Horus et Seth) sont réconciliés », Khâsekhemouy « Les Deux Puissants (Horus et Seth) sont apparus ») ;
  • la IIIe dynastie s’inscrit dans ce mouvement avec Netjerikhet (Djéser) qui est « Divin de corps » et Sekhemkhet qui est « Puissant de corps », soit des qualités emblématiques du roi ; Khaba est quant à lui « (Celui dont) le ba est apparu », deux éléments propres aux sphères royales et divines, le ba étant un mode de manifestation de la personne royale en relation avec la puissance, le pouvoir, tandis que khâ(ou) désigne au sens premier l’apparition, le lever de l’astre solaire ; enfin, Sanakht est « Le protecteur puissant », désignant la force physique dans un sens militaire.
Nom de Nebty et de Nesout-bity

Le deuxième nom à apparaître est un nom régulièrement accompagné des titres « Nesout-bity » (Nnsw.t-bjty) et « Nebty » (Nb.ty), titres qui introduiront plus tard respectivement le nom de Nesout-bity inscrit dans un cartouche et le nom de Nebty. Ce nom est apparu au cours de la Ire dynastie. Ses plus anciennes attestations sont peut-être à associer à Narmer ou Aha avec le nom « Men » (Mn) attesté sur une empreinte de sceau découverte dans le puits B18 (tombe de Narmer) et sur une étiquette en ivoire découverte dans le caveau de la tombe souvent attribuée à Neith-Hotep à Nagada et sur laquelle est inscrit le serekh d’Aha. La particularité de l’inscription sur l’étiquette est que le nom « Men » est précédé des hiéroglyphes du titre « Nebty », bien que l’interprétation de ceci comme un titre n’est pas partagé par tous les chercheurs9. Ce nom fait écho au nom « Méni » (Mnj) des listes royales du Nouvel Empire.

Dans l’ordre chronologique, un deuxième roi avec un tel nom, ici « It / Itiou » (Jt / Jtw), pourrait être Djer, avec deux attestations, l’une sur une inscription rupestre au Ouadi ’Ameyra dans le Sinaï, la seconde au Gebel Sheikh Souleiman, entre Bouhen et Mirgissa. Cette interprétation n’est pas totalement certaine mais fait écho au nom « Itéti » (Jttj) de la pierre de Palerme et des listes royales du Nouvel Empire3.

Le troisième nom semble être celui d’Ouadji, inscrit sur une étiquette découverte dans la tombe S3504 à Saqqarah. Ce nom, qui se lirait « Iterty » (Jtrty), a la particularité d’être précédé du titre Nebty mais où le hiéroglyphe d’Ouadjet, déesse tutélaire de la Basse-Égypte, est remplacé par celui de la couronne rouge de la Basse-Égypte. Ce nom serait plus tard transcrit comme « Ita/Itiou » (Jtȝ/Jtjw) dans les listes royales du Nouvel Empire.

Le quatrième nom attesté, « Khasty » (Ḫȝs.ty), est celui de Den, qu’il précède du titre « Nesout-bity » (Nsw.t-bjty), innovation de son règne. Son successeur, Adjib, fait précédé son nom « Merpebia » (Mr-p-bjȝ) par deux titres : « Nesout-bity » (Nsw.t-bjty) et « Nebouy » (Nb.wy), ce dernier titre est innovation de son règne qui ne sera pas reprise par ses successeurs. Le premier roi à avoir associé les titres « Nesout-bity » et « Nebty » est le successeur d’Adjib, le roi Sémerkhet, avec son nom « Iry » (Jry). Son successeur, Qâ, a la particularité d’avoir trois noms distincts associés aux titres « Nesout-bity » et « Nebty » : le premier, le plus courant, surtout sur les vases inscrits, est le même que son nom d’Horus « Qâ » (Ḳ(ȝ)ˁ) précédé des deux titres ; le deuxième, relativement courant sur les étiquettes sous deux graphies distinctes, est « Sen » (Sn) précédé uniquement du titre « Nebty » ; le troisième, découvert une seule fois sur une étiquette, est « Séhotep » (Sḥtp) précédé uniquement du titre « Nebty ». Cette différence montre que le titre simple « Nebty » et l’ensemble « Nesout-bity - Nebty » n’était pas interchangeables.

Les rois de la IIe dynastie poursuive l’innovation de Qâ de reprendre leur nom d’Horus pour leur deuxième nom :

  • soit comme un diminutif, avec « Hotep » (Ḥtp) pour Hotepsekhemouy, précédé des deux titres « Nesout-bity » et « Nebty »,
  • soit à l’identique, pour les rois Nynetjer (nom systématiquement précédé des deux titres), Péribsen (nom le plus souvent précédé du titre « Nesout-bity » mais aussi, parfois, des deux titres) et Khâsekhemouy (précédé des deux titres),
  • soit avec l’ajout d’une épithète, « Sekhemib-Perenmaât » (Sḫm-jb-pr-n-mȝˁ.t) pour le roi Sekhemib (parfois précédé des deux titres, parfois précédé du seul titre « Nesout-bity ») et « Khâsekhemouy-Neboukhetsen » (Ḫˁ-sḫm.wy-nbw-ḫt-sn) et « Khâsekhemouy-Hotep-Netjerouy-Imef » (Ḫˁ-sḫm.wy-ḥtp-nṯr.wy-jm=f) pour le roi Khâsekhemouy (précédé des deux titres pour le second, précédé du titre « Nebty » pour le premier, mais l’état fragmentaire du seul document sur lequel il est inscrit ne permet pas de savoir si le titre « Nesout-bity » était à l’origine inscrit).

Trois autres noms sont connus pour la IIe dynastie, mais l’absence de nom d’Horus associé ne permet pas de savoir si ces noms d’Horus étaient identiques ou non :

  • le nom Ouneg, précédé des deux titres « Nesout-bity » et « Nebty »,
  • les noms Noubnefer et Séned, précédés uniquement du titre « Nesout-bity ».

Enfin, pour la IIIe dynastie, les choses sont plus complexes :

  • le premier roi, Djéser, ou plutôt Netjerikhet (Djéser est un nom tardif), continue la pratique IIe dynastie avec un nom identique « Netjerikhet » (Nṯrj-ẖ.t), précédé des deux titres « Nesout-bity » et « Nebty »,
  • Sekhemkhet a pour deuxième nom « Hetep-Ren » (Ḥtp-rn), précédé du titre « Nebty » (l’état fragmentaire de la documentation ne permet pas de savoir si le titre « Nesout-bity » précédait le titre « Nebty ») ; un autre nom lui est associé, « Djeseret-Ânkh » (Ḏsr.t-ˁnḫ), précédé du titre « Nebty », mais cette identification à Sekhemkhet, bien que majoritaire, n’est pas partagée par tous les chercheurs (Jean-Pierre Pätznick identifie ce nom à Sanakht),
  • Sanakht aurait pour deuxième nom « Nebka » (Nb-kȝ), attesté dans un cartouche dans une empreinte de sceau, ce qui fait de cette attestation la plus ancienne d’un cartouche ; cette identification, bien que majoritaire, n’est pas partagée par tous les chercheurs (Jean-Pierre Pätznick identifie ce nom à Djéser),
  • Houni, qui n’a pas de nom d’Horus clairement identifié (Qahedjet et Khaba0 ont été proposés), est attesté en deux exemplaires : sans cartouche sur un vase précédé du titre « Nesout-bity » et avec un cartouche sur un cône de granit mais sans aucun titre.

Ces deux titres sont des exemples par excellence du concept de dualité de l’idéologie royale égyptienne, caractéristique de cette civilisation, mais aussi de l’ancienneté de ce concept, remontant à ka Ire dynastie, bien que l’utilisation de ces titres a pris du temps à se mettre en place et à se stabiliser. Bien que ces titres et le nom associé n’ont jamais pris l’ascendant sur le nom d’Horus, ce dernier étant resté le principal nom tout au long de la période. Comme le montrent les attestations d’Houni, le dernier roi de la IIIe dynastie, ce nom était encore présent à la fois sans cartouche et précédé du titre « Nesout-bity » et en cartouche mais sans titre. Cependant, dès le règne de Snéfrou, le premier roi de la IVe dynastie, la titulature subit une évolution qui introduit une distinction entre le nom de Nebty, précédé du titre « Nebty » et sans cartouche et encore souvent identique au nom d’Horus, et le nom de Nesout-bity, en cartouche, précédé du titre « Nesout-bity » et qui devient le principal nom par lequel le souverain sera nommer, et ce jusqu’à la fin de l’histoire égyptienne. Un fait intéressant à noter est que, pour les trois premières dynasties, malgré le fait que ce soit le nom d’Horus qui soit le principal nom, la « mémoire monarchique » retiendra ce nom de « Nesout-bity-(Nebty) ».

Nom d’or

Le titre de l’or (à moins qu’il s’agisse plus un symbole royal qu’un titre en tant que tel), apparu dès la Ire dynastie (bien qu’il puisse s’agit alors plus d’un symbole royal plutôt qu’un titre) et qui se transformera plus tard en un véritable nom d’Horus d’or, symbolise peut-être la divinité royale, l’or (« nébou » nbw) étant la chair des dieux et un métal solaire par excellence. Il symbolisait peut-être également la ville de Noubet, « Celle de l’or », patrie du dieu Seth, l’autre grand dieu royal de l’époque avec Horus ; ce titre avait donc peut-être une autre dimension par rapport au reste de la titulature, celle de la réconciliation des antagonismes divins pour la maintien de l’ordre cosmique et social.

Pour la Ire dynastie, le plus ancien roi associé à un nom d’or est Djer avec le nom « Ny-Nébou » (n(y)-nbw) attesté uniquement sur la pierre de Palerme (Ve dynastie)126. L’autre roi de la Ire dynastie ayant un nom d’or est Den, attesté uniquement sur une petite étiquette d’ivoire découverte dans la tombe du roi à Oumm el-Qa’ab ; ce nom, « Iâret-Nebou » (Jˁr.t-nbw), est donc le plus ancien qui est attesté dans le registre archéologique. Pour la IIe dynastie, le seul roi connu avec un nom d’or est Nynetjer avec deux attestations du nom « Ren-Nébou » (Rn-nbw) : la première est une attestation contemporaine de la dynastie avec le vase no 98 découvert dans les galeries orientales situées sous la pyramide de Djéser à Saqqarah ; la seconde attestation se trouve sur la pierre de Palerme. Pour la IIIe dynastie, seuls deux rois sont connus dans le registre archéologique avec un tel nom. Le premier est Djéser avec le nom « Nebou-Râ » (Nbw-Rˁ), qu’on peut traduire par « Le soleil d’or ». Le second est Khaba avec ce qui semble être le premier réel nom d’Horus d’or ; en effet, attesté uniquement sur un sceau à côté du serekh du roi, se trouvait le hiéroglyphe de l’or (« nébou » nbw) sur lequel est perché un faucon, cet ensemble étant traduit par « Le faucon d’or » (« Bik-Nébou », Bjk-nbw), « Horus d’or » (« Hor-Nébou », Ḥr-nbw car le faucon est l’une des manières par excellence de figurer le dieu Horus), « Le dieu d’or » (« Netjer-Nébou », Nṯr-nbw car le faucon pourrait représenter tout simplement un « dieu »).

Si la signification exacte du nom reste incertaine, il aura de l’avenir, les noms d’Horus d’or des dynasties suivantes de l’Ancien Empire reprendront celui de Khâba, soit en ajoutant un ou deux faucons, soit en l’accompagnant d’un autre symbole (« nefer » (nfr), « sekhem » (sḫm), « netjer » (nṯr), « hedj » (ḥḏ), « djed » (ḏd), « ouadj » (wȝḏ), « sema » (smȝ)), voire même en remplaçant le faucon par trois fois le symbole « sekhem » (sḫm) comme a pu le faire Néferirkarê Kakaï de la Ve dynastie.

L’art de l’époque thinite

C’est à l’époque des deux premières dynasties que sont mises en place les conventions de l’art égyptien, en parallèle avec l’émergence des systèmes politique et social. Cet art se caractérise par une architecture funéraire en développement et un mobilier funéraire varié.

Ouvrages spécifiques sur la période thinite

  • (en) Toby Wilkinson, Early Dynastic Egypt, Londres, Routledge, 1999, 413 p. (ISBN 978-0-415-26011-4) ;
  • (en) Toby Wilkinson, « The Early Dynastic Period », dans Allan S. Lloyd (dir.), A Companion to Ancient Egypt, Malden et Oxford, Blackwell Publishing, coll. « Blackwell companions to the ancient world », 2010 (ISBN 9781405155984), p. 48-62 ;
  • (en) Toby Wilkinson, « Dynasties 2 and 3 », dans Wolfram Grajetzki et Willeke Wendrich (dir.), UCLA Encyclopedia of Egyptology, Los Angeles, 2014 (lire en ligne [archive]) ;
  • (en) Laurel Bestock, « Early Dynastic Egypt », dans Karen Radner, Nadine Moeller et Daniel T. Potts (dir.), The Oxford History of the Ancient Near East, Volume 1 : From the Beginnings to Old Kingdom Egypt and the Dynasty of Akkad, New York, Oxford University Press, 2020, p. 245-315 ;
  • Michel Baud, Djéser et la IIIe dynastie, Paris, Pygmalion, 2002, 301 p. (ISBN 978-2857047797) ;
  • (de) Hans Wolfgang Helck, Untersuchungen zur Thinitenzeit, vol. 45, Wiesbaden, Harrassowitz, coll. « Ägyptologische Abhandlungen », 1987 (ISBN 3-447-02677-4) ;
  • (en) Aidan Mark Dodson, The First Pharaohs : Their Lives and Afterlives, Barnsley, The American University in Cairo Press, 2021, 224 p. (ISBN 978-1649030931) ;
  • (en) Walter Emery, Archaic Egypt, Édimbourg, Pelican Books, 1961 (ISBN 978-0-14-020462-9) ;
  • (en) B. Anđelković, Before the pyramids : the origins of Egyptian civilization, Chicago, The Oriental Institute of the University of Chicago, 2011, « Political Organization of Egypt in the Predynastic Period ».