C’est à la fin du dernier millénaire avant Jésus-Christ (VIIIe siècle) qu’un nouvel État nubien fort voit le jour. Sa première capitale, Napata, à l’origine simple avant-poste de Kerma, acquiert de l’importance grâce aux pharaons conquérants de la XVIIIe dynastie, qui y établissent leur position la plus méridionale.
Le Gebel Barkal, montagne sacrée
Le site est dominé par un impressionnant plateau d’environ 90 m d’altitude, le Gebel Barkal, montagne sacrée au moins depuis l’implantation égyptienne sous la XVIIIe dynastie : le grand dieu Amon lui-même est censé y résider. Le Gebel Barkal restera par la suite un lieu de culte primordial pour les Napatéens. L’Amon de Napata y fut adoré sous la forme d’un homme à tête de bélier couronné du disque solaire, qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler les béliers coiffés d’un globe déjà présents en Nubie à l’époque de Kerma. C’est cet « Amon de Napata qui vit dans la montagne sacrée », ka [double, énergie vitale] de l’Amon de Thèbes, qui accorde à son fils Thoutmosis III la royauté à la fois sur l’Egypte et sur le Koush [la Nubie]. Jusqu’à la fin de la XXe dynastie, le Gebel Barkal conserve son statut de centre religieux le plus important de Nubie.
Suit un trou noir de trois siècles : avec l’effondrement du Nouvel Empire, la Nubie retrouve son indépendance, sans que l’on sache quoi que ce soit de ses nouveaux maîtres.
L’émergence d’un nouvel État nubien
Ce trou noir prend fin avec l’arrivée au pouvoir de la XXIIe dynastie et la reprise des relations commerciales entre l’Egypte et la Nubie.
Pendant ces trois siècles, les choses ont bien changé, et le nouvel interlocuteur méridional des pharaons est désormais un pays puissant et organisé : un État nubien s’est en effet développé avec pour capitale Napata. Fortement égyptianisés, les souverains de Napata se font construire de spacieux hypogées surmontés de petites pyramides qui abritent leurs dépouilles à présent momifiées. Ils ont également adopté l’écriture hiéroglyphique et s’attribuent les insignes de la royauté pharaonique, s’intitulant « fils d’Amon ». Rapidement, leur royaume s’étend aux portes de l’Egypte jusqu’à Éléphantine, à hauteur de la première cataracte. Piyé (Piânkhy), roi napatéen, va, entre tous, marquer l’histoire : il annexe la Haute-Egypte et se proclame, par la volonté d’Amon de Thèbes et de Napata, roi d’Egypte et de tous les pays ! Il nomme sa sœur Aménirdis « divine épouse d’Amon », titre qui la place au sommet de la hiérarchie religieuse et politique thébaine, et assure ainsi aux Napatéens la fidélité du clergé le plus influent de l’époque.
Un État puissant
A la mort de Piânkhy, son successeur Chabaka poursuit la conquête de l’Egypte. Il vainc les pharaons du Nord et s’installe définitivement à Memphis, d’où il gouverne à présent un vaste royaume comprenant la presque totalité de la vallée du Nil. Chabaka est le fondateur officiel de la XXVe dynastie égyptienne (750-650 avant J.-C), la dynastie des « pharaons noirs ». Ces rois ne retournent en Nubie qu’à leur mort, ils se considèrent comme des Égyptiens à part entière, et absolument pas comme des conquérants étrangers. C’est que, pour eux, l’Egypte et le Koush ne sont que les deux moitiés d’un seul et même pays, l’ancien royaume d’Amon, jadis uni et reconstitué grâce aux rois napatéens. Fils d’Amon, ils se considèrent comme les héritiers des grands conquérants égyptiens Thoutmosis III et Ramsès II.
La perte de l’Egypte
Représentants des dieux sur terre au même titre que leurs prédécesseurs égyptiens, les pharaons koushites doivent eux aussi s’attacher à préserver l’ordre et l’équilibre du monde (Maât). Leur plus grand désir étant de ranimer l’antique patrimoine de l’Egypte, ils favorisent un processus d’archaïsation de la langue égyptienne écrite, encouragent les artistes à rechercher leurs modèles sous l’Ancien et le Moyen Empire, restaurent les temples dans toute la vallée, etc. En fait, ils insufflent une vitalité nouvelle au pays ; et même si leur politique tourne court en 669 avant J.-C. avec l’arrivée d’envahisseurs assyriens, même si Taharqa, dernier pharaon de la dynastie, doit alors se réfugier à Napata pour ne jamais revenir en Egypte, leur effort marque le pays d’une empreinte indélébile : les nouveaux pharaons, originaires de Saïs dans le Delta, poursuivront en effet leur politique. Quant aux descendants de Taharqa, ils régneront encore longtemps sur la Nubie, d’abord depuis Napata et plus tard depuis Méroé (de 270 avant J.-C. à 350 après J.-C.), loin du monde méditerranéen et perpétuant les antiques traditions égyptiennes dont ils se croient les seuls dépositaires. Pour les Grecs, qui vont bientôt arriver en Egypte, ces Éthiopiens sont les véritables inventeurs de la culture égyptienne, de ses antiques racines, les hommes qui ont jadis colonisé le pays et lui ont apporté la culture. A leurs yeux, Osiris est un Éthiopien, et l’Ethiopie est la terre des dieux.