La pierre de Palerme
Article mis en ligne le 5 mai 2008

La pierre de Palerme est un document historique et archéologique conservant une partie des annales royales de l’Ancien Empire égyptien. Le plus gros fragment conservé au musée de Palerme [1] mesure vingt-cinq centimètres de haut et, bien qu’aucune étude n’ait été faite pour déterminer le type de pierre, elle est probablement constituée de basalte.

Découverte et études de la pierre

La pierre a été « découverte » en 1895 par un savant français qui, visitant le musée de Palerme, a reconnu sa signification. La première publication sur la pierre de Palerme a été faite en 1902 par Johan Heinrich Schäfer.

Aux environs de 1903, trois nouveaux fragments ont été découverts : un fragment qui avait été utilisé comme butoir de porte, ce qui a contribué à en effacer une bonne partie, un second fragment également acquis au marché noir des antiquités en Égypte, et un troisième enfin, exhumé à Memphis.

En 1914, William Matthew Flinders Petrie a fait l’acquisition, au marché des antiquités, d’un autre fragment bien conservé sur ses deux faces ; il se trouve maintenant à l’University College London, auquel Petrie l’a remis. En 1963, un fragment supplémentaire a été acquis au marché des antiquités, et se trouve à présent au musée du Caire.

La pierre est divisée en deux registres, le registre supérieur comportant les noms de rois, tandis que le second registre attribue aux années spécifiques, des événements et la hauteur de la crue annuelle du Nil.

Plus de treize études principales ont été entreprises sur la pierre de Palerme. Il en ressort que cette pierre est plus certainement un document politique qu’historique.

Selon toute vraisemblance cette stèle devait être placée dans un sanctuaire, probablement de Memphis. Le fait qu’elle soit gravée sur ses deux faces interdit d’en faire un décor pariétal et il convient davantage d’en faire une des stèles érigées dans le temple principal de la capitale qui enregistrait les annales des règnes des souverains qui se succédaient sur le trône d’Horus. En cela ce document est politique à l’instar des listes royales qui seront établies par la suite dans d’autres sanctuaires du pays comme sous Séthi Ier en Abydos, ou Thoutmôsis III à Karnak.

La particularité de la pierre de Palerme - et des fragments qui assurément en faisaient partie et sont exposés dans divers musées du monde -, tient dans le comput des faits importants des règnes énumérés sous la forme d’un tableau ou plutôt de registres qui répètent pour les cinq premières dynasties un certain nombre d’informations concernant chaque souverain. Bien qu’incomplet, ce document unique en son genre permet aux historiens et aux égyptologues de confirmer un certain nombre d’hypothèses et à faciliter l’établissement des dynasties de l’Ancien Empire. Ces informations sont établies jusqu’au règne de Néferirkarê Kakaï de la Ve dynastie, mais l’état fragmentaire de la stèle permet de la dater du règne de Niouserrê ou d’un de ses successeurs, soit de la fin de la dynastie.

Comme pour d’autres documents, les informations contenues dans cette stèle sont cependant à relativiser. Certains règnes n’y figurent pas, sans doute considérés comme illégitimes, signifiant bien que l’histoire officielle affichée dans les grands sanctuaires du pays pouvait différer quelque peu de la réalité [2]. Par ailleurs certains détails peuvent paraître comme des anachronismes au regard de ce que l’on connaît aujourd’hui des premières dynasties : par exemple, le « fragment 1 » du Caire cite Djer comme un roi de la Ire dynastie, avec un cartouche, or le cartouche enfermant les noms royaux n’est apparu que sous la IIIe dynastie.

Quoiqu’il en soit le document est célèbre et précieux car il confirme les témoignages des auteurs classiques, tels Hérodote ou Diodore de Sicile, que les temples conservaient l’histoire de la royauté égyptienne depuis les débuts de son histoire, commencement légendaire voire mythique qui d’ailleurs figure sur la Pierre de Palerme, et qu’ainsi leurs prêtres pouvaient en consulter les archives. Manéthon de Sebennytos eut certainement accès à des archives de ce type lorsque son souverain Ptolémée Ier Sôter lui commanda d’écrire l’histoire du pays connue sous le titre d’Ægyptiaca.