Ramsès II
Article mis en ligne le 14 février 2018
dernière modification le 12 février 2018

Pharaon de la XIXe Dynastie

Fils de Séthi 1er et troisième pharaon de la XIXem dynastie, son nom de couronnement est Ousermaâtrê-Setepenrê. De part la longueur exceptionnelle de son règne, on possède beaucoups de documentation sur lui. Il construisit beaucoups de monuments, mais il est clair aujourd’hui qu’il « usurpa » de nombreuses constructions édifiées par ces prédécesseurs pour les réactiver magiquement.

Ramsès était grand et roux comme Seth son dieu protecteur, qui n’avait pas à son époque les connotations maléfiques qu’on lui connut plus tard. Sa mère était la reine Touy, épouse de Séthi Ier et sa disparition au début de son règne l’affecta fortement.

Séthi 1er, son père l’associe très tôt au trône et il sera couronné co-régent bien avant la mort de celui-ci pour éviter toute crise de succession. Dès cette époque il commencera son entreprise de construction à Abydos et à Beit el-Ouali . Dès le début de son règne il s’attache à remettre en route l’exploitation des mines d’or de Nubie, région ou il avait conduit sa première expédition militaire en tant que co-régent. Il s’attaque aussi à l’édification des sa nouvelle capitale Pi-Ramsès, construite dans une région plus proche de la scène asiatique à proximité de l’ancienne capitale Hyksos, Avaris.

Comme son père Séthi 1er, il s’attache à faire disparaître toutes traces de l’époque Amarnienne tout en intégrant une partie de l’héritage solaire d’Aton. Tout au long de sa vie, il s’ingéniera à travers ses nombreuses constructions, à diviniser sa personne royale ; en se faisant par exemple représenter aux cotés des dieux Ptah, Amon et dans le naos du grand temple d’Abou Simbel.

A Karnak il décore la partie sud de la salle hypostyle que son père n’avait pu achever. C’est aussi dans la région thébaine qu’il fera élever son temple de million d’années, le Ramasséum.

Toutes les décorations qui lui sont attribuées sont exécutées avec la technique dite « relief dans le creux ». La majorité de ces représentations tournent autour de la royauté, du couronnement et des fêtes jubilaires. A Karnak toujours, il fait construire le temple de l’Est autour de l’obélisque unique de Thoutmôsis III faisant disparaître du même coup le temple dédié à Aton érigé par Akhenaton. Il complètera aussi le temple du Ka d’Aménophis III à Louqsor par une cour monumentale, nouvel accès au temple, que l’on peut considérer comme un autre temple de millions d’années.

A Abydos il achève le temple votif entamé par Séthi 1er sans que l’on puisse définir s’il se contente d’achever les travaux en suivant le plan initial ou s’il s’ingénie à faire tourner toute l’iconographie du monument autour de sa royale personne.

Les vestiges de son propre tempe à Abydos sont malheureusement trop abîmés pour que l’on puisse y discerner le programme iconographique que Ramsès a voulu lui donner.

L’étude des papyrus révèle aussi des constructions à Memphis et à Héliopolis, mais il n’en reste rien sur le terrain qui puisse permettre de connaître leur importance dans le dispositif magique que Ramsès à mis en place tout au long de la vallée du Nil.

La politique intérieure de Ramsès II est dans la continuité de celle de son père. Ils ont par exemple partagé le même vizir Paser. La situation aux limites sud de l’empire est calme. Le pays de Kouch étant géré par un vice-roi tout dévoué à Pharaon. Le réseau de forteresse construit à l’ouest du pays permet de contenir les hordes de bédouins Chassou et les Libyens. La flotte égyptienne s’oppose au débarquement des pirates Chardannes depuis ses bases dans le delta.

Mais le fait le plus marquant du règne, et le plus représenté, est sans nul doute la bataille de Qadesh et la lutte d’influence entre l’Egypte et les Hittites au moyen-orient.

Les Hittites dont l’empire va de l’Anatolie à l’actuelle Syrie dispute à l’Egypte le leadership de la région. En l’an IV de son règne, Ramsès emmène son armée jusqu’en Phénicie ou il noue une alliance avec les rois du pays d’Amourou mais dès l’an V c’est l’état de guerre ouverte entre l’Egypte et la Hatti qui aboutit à la bataille de Qadech. Malgré les inscriptions victorieuses que Ramsès fit graver sur les murs de nombreux temples, cette confrontation renvoie les deux empires dos à dos et débouche sur le premier traité de paix connu de l’histoire. Cet accord sera suivi du mariage de Ramsès avec deux princesses hittites et d’une importante correspondance entre les membres des deux familles royales.

Pendant les vingt premières années de son règne, Ramsès est presque toujours représenté avec son épouse Néfertari (ou Nofrétari pour certains auteurs), manifestation terrestre de la part féminine des divinités, incarnation vivante d’Hathor et d’Isis. En cela il suit le mouvement initié par Aménophis III et la reine Tiyi ou Akhenaton et Néfertiti . Néfertari apparaît ainsi sous les traits d’un hippopotame femelle gravé sur une stèle du Gebel Silsileh dédié à l’inondation et au Nil.

Ramsès a aussi dédié entièrement le petit temple d’Abou Simbel à son épouse. Elle y apparaît sous les traits d’Hathor donnant naissance à Pharaon divinisé. Il semble qu’elle ait été divinisée de son vivant à l’instar de la reine Tiyi. Après sa disparition, dont on ne connaît pas les détails, c’est sa fille Méritamon qui prend sa place de grande épouse royale. Mais Ramsès eut aussi nombres d’épouses secondaires et de concubines. Les enfants royaux ce compte par centaine sans que l’on sache avec précision s’il s’agit de paternité réelle ou honorifique. On a d’ailleurs découvert récemment une tombe commune d’enfant mort en bas age dans la vallée des rois.

A cause de sa longévité inaccoutumée, Ramsès survécut à plusieurs de ses héritiers légitimes. Ainsi l’Horus dans le nid Amonherkhopechef fut le prince héritier attitré pendant toute la première partie du règne de Ramsès. A sa mort c’est Khaemouset, fils de l’épouse secondaire Isisnofret qui devint le successeur désigné. Il mena une carrière très active en tant que grand prêtre de Ptah à Memphis. Mais ce fut finalement Mérenptah, treizième fils de pharaon, qui lui succéda à la tête du Double Pays. Ramsès s’éteignit dans sa quatre-vingt-dixième année souffrant d’arthrite et des dents comme le révélera l’étude de sa momie.

Il fut inhumé dans une tombe de la vallée des rois, une des plus grandes et des plus richement décoré. Elle fut malheureusement entièrement pillée sous les dynasties suivantes et on ne peut qu’imaginer l’ampleur de son trésor funéraire à l’aune de celui d’un pharaon mineur comme Toutankhamon. Sa momie fut déménagée dans la cachette de Deir el-Médînah, sans doute à l’instigation du Prêtre-Pharaon Hérihor, elle y fut retrouvée dans un sarcophage appartenant sans doute à Horemheb. Après avoir été restauré à Paris dans les années soixante, elle se trouve maintenant au musée du Caire.

Le long règne de Ramsès et les crises de succession qui le suivirent marque la fin de l’age d’or de l’Egypte. Plus jamais cette civilisation millénaire ne retrouvera son lustre d’antan.

Le bâtisseur

Ramsès II est un grand bâtisseur, c’est lui qui fait de Pi-Ramsès la « capitale » à l’est du delta du Nil, en la dotant de temples grandioses, d’un grand palais, d’un port et d’arsenaux, s’assurant ainsi un poste avancé pour préparer ses expéditions dans le levant, et régner sur un immense empire s’étendant de la quatrième cataracte en pays de Kouch jusqu’aux frontières du Hatti et du Mitanni sur l’Oronte.

Il achève ainsi de restaurer la grandeur de l’Égypte des Thoutmôsis perdue suite à l’aventure amarnienne. Grâce à une politique défensive efficace (il construit une série de forts à l’ouest du delta dont on a retrouvé les traces récemment) il offre une période de paix au pays favorisant ainsi le développement des arts et des métiers.

Il achève la grande salle hypostyle du temple d’Amon-Rê à Karnak, ajoute une grande cour à portique au temple d’Amon-Min à Louxor, ainsi qu’un grand pylône précédé de deux obélisques.

Il construit son temple funéraire, le Ramesséum, en face de Louxor, qui comprend deux pylônes précédant deux cours à portiques et une grande salle hypostyle. Diodore de Sicile nous donne une description fidèle de ce monument qu’il nomme alors le Tombeau d’Ozymandias, forme grécisée du nom de couronnement de Ramsès : Ouser-Maât-Rê.

Il fait également édifier un temple cénotaphe à Abydos non loin de celui de son père qu’il achève de décorer. Puisant dans les ruines de l’ancienne capitale d’Amarna, il rebâtit le temple de Thot d’Hermopolis, l’antique Khemenou, en réutilisant notamment les temples et bâtiments du site voisin.

Il construit également à Memphis, agrandissant le temple de Ptah avec l’adjonction sur son axe ouest d’une grande salle hypostyle précédée d’un pylône devant lequel il dresse des colosses, mais en édifiant aussi une série de temples et chapelles sur le parvis du sud de l’enceinte où il élève au moins un grand colosse à son effigie qui gît actuellement sur le dos (photo ci-dessous).

De même il restaure également à Bubastis, où il refait ou décore la salle hypostyle du temple de Bastet. On y a retrouvé récemment un colosse à l’image d’une de ses épouses royales, qui aujourd’hui a été redressé et est visible dans le champ de ruine de la cité antique.

En revanche, il est établi aujourd’hui qu’il fait également enlever ou plutôt remplacer le nom de certains de ses prédécesseurs pour mettre le sien à la place quand il restaure leurs monuments. Ce trait particulier lui donne une réputation d’usurpateur tant nous possédons d’exemples de statues et monuments réinscrits à son nom. Si cette activité est quelque peu abusive, il convient de rappeler que de nombreux monuments et sanctuaires ont souffert dans les années qui précédent l’avènement de la XIXe dynastie et de ce fait nécessitent une restauration voire une reconstruction complète.

On peut voir ce type de « réaménagement » au temple de Louxor, où dans la cour qu’il fait édifier en l’honneur d’Amon-Min, il intercale des colosses entre les colonnes des portiques qui la bordent, certains sculptés sous son règne, d’autres « usurpés » d’ Amenhotep III.

Remplissant son rôle de garant de l’équilibre entre les hommes et les dieux, Ramsès se doit de rétablir les cultes et de les doter de biens permettant de les assurer dans tout le pays.
Statue monumentale de Ramsès II, Memphis

L’un de ses fils, Khâemouaset, Grand prêtre de Ptah à Memphis et un temps héritier en titre de la Double Couronne, est chargé de cette mission, parcourant les sites délabrés et inscrivant des stèles commémoratives de cet exploit (voir par exemple la restauration entreprise sur la pyramide d’Ounas de la Ve dynastie qui comporte sur son revêtement sud encore visible un texte du prince en l’honneur de son père et de son illustre prédécesseur).

C’est lui qui est chargé également de l’organisation des grandes fêtes jubilaires de Ramsès II, les fêtes-Sed, jusqu’à ce qu’il soit remplacé dans cette fonction par son frère Mérenptah. C’est pour l’occasion de ces jubilés qu’il fit bâtir un grand parvis à Pi-Ramsès qui comportait au moins six obélisques de grande taille.

Colosse osiriaques de la deuxième cour du Ramesseum, temple des millions d’années de Ramsès II

Les « colosses » de Ramsès

Ramsès II fit ériger des colosses à son effigie dans les grands temples construits ou restaurés.

Les plus célèbres sont bien sûr ceux en façade des temples d’Abou Simbel, ceux qui encadrent l’entrée du pylône du temple de Louxor, le colosse couché à Memphis, ainsi que celui qui trônait depuis quelques décennies en plein centre du Caire, sur la place qui porte son nom devant la gare centrale. Attaqué par la pollution, ce dernier a été transféré le 25 août 2006 vers Gizeh afin d’être installé au cœur du Grand musée égyptien actuellement en cours de construction.

La lutte puis la paix avec les Hittites

Comme son père Séthi Ier, il veut protéger l’Égypte à l’Est contre les Hittites d’Asie et doit faire face à la menace dès le début de son règne. Il manœuvre énergiquement en plusieurs campagnes pour s’assurer ses arrières en Syro Palestine et attaque la ville de Qadesh lors de sa 5e année de règne, mais ne remporte qu’une semi victoire.

Ses troupes sont coupées en deux par la charge de l’armée hittite et il se retrouve seul face au danger. Le camp royal est investi et ses troupes battent en retraite, voire s’enfuient. Grâce à l’intervention de réservistes, les « Néarins », et la marche forcée des contingents restés plus en arrière, il parvient à repousser l’attaque et à chasser les troupes de Mouwatalli au delà de l’Oronte. Cependant, au contraire de son père et de son illustre ancêtre Thoutmôsis III, il ne s’empare pas de la citadelle et Qadesh reste aux mains des Hittites.

Ce haut fait d’armes, –dont nous possédons plusieurs versions en égyptien, sur papyrus (le poème de Pentaour), mais surtout sur les grands tableaux historiés qu’il fait sculpter sur les murs des principaux temples du pays (Louxor, Karnak, Ramesséum, Abou Simbel...)–, est considéré par le roi comme une grande victoire qu’il offre à Amon qui l’aurait alors secouru en plein désarroi et abandon au milieu d’un péril certain. Les Hittites se déclarent eux aussi vainqueurs de leur côté, l’issue de la bataille ayant davantage l’aspect d’un statu-quo que d’une débandade. Ramsès ne pousse d’ailleurs pas plus loin cet avantage annoncé, et préfère renforcer ses positions.
La bague aux chevaux : bague en or au nom de Ramsès II représentant ses deux chevaux qui le menaient à la bataille et le sauva - Musée du Louvre

Il semble que ce soit les Hittites qui prennent l’initiative de proposer à l’Égypte une véritable proposition d’alliance et de paix [1]. Hittites et Égyptiens s’engagent à ne plus se faire la guerre, à s’aider mutuellement en cas de catastrophe ou bien d’invasion. Il s’agit sans doute du premier traité de paix connu au monde. Le traité définitif n’aurait été conclu qu’à la 34e année du règne de Ramsès, quand l’empire adversaire avait déjà changé dans les mains traîtresses de Hattusil III, frère de Mouwatalli, qui s’empara du trône, expulsant le fils de l’ancien souverain. Nous possédons la version égyptienne de ce traité et celle hittite a également été retrouvée à Hattussa, la capitale du royaume hittite (dans l’actuelle Anatolie en Turquie).

Les négociations conduisent les deux souverains à s’envoyer un volumineux courrier ainsi que des cadeaux en grand nombre. À ce ballet épistolaire participent non seulement les souverains mais aussi les reines et les ministres, tel le vizir Paser. C’est alors qu’est évoqué un possible mariage entre Ramsès II et une fille du roi Hattousili III. Cette pratique est courante et Ramsès a déjà épousé une princesse babylonienne.

Cependant la négociation du mariage est difficile en raison des garanties exigées par la femme d’Hattousili, Puduhepa, qui a semble-t-il une influence déterminante sur son époux. En particulier, elle exige que ses messagers puissent joindre la princesse sans entraves. S’agit-il de l’amour d’une mère inquiète pour la situation de sa fille dans le harem du roi ou de la volonté d’avoir accès à des informations sur la situation intérieure égyptienne de la part d’un témoin privilégié ? Impossible à dire. Ce problème réglé, des envoyés égyptiens viennent à Hattousa, la capitale hittite pour procéder à l’onction de la princesse, acte qui officialise l’union.

La princesse prend alors la route de l’Égypte avec sa dot [2]. Elle rencontre Ramsès II à Pi-Ramsès et semble-t-il plaît à son mari. Elle est renommée d’un nom égyptien, Maât-Hor-Néférou-Rê. Nous ignorons si elle eut la moindre influence sur la politique conduite par son mari ; cependant Ramsès fait construire pour elle un palais à Pi-Ramsès. Une fille, Néférourê, naît de cette union, fille dont nous perdons rapidement la trace. Dans une lettre, envoyé par Hattousili à Ramsès, le roi hittite regrette que sa fille n’ait pas conçu un garçon. La princesse termine probablement sa vie dans le harem du roi à Gourob dans le Fayoum [3]. Sa tombe n’a jamais été retrouvée. Nous savons aussi que Ramsès II épouse une seconde princesse hittite des années plus tard mais nous ignorons pratiquement tout du contexte qui préside à cette nouvelle union. Cependant ce fait est révélateur de la normalisation pacifique des rapports entre les deux États.

L’exploitation de la Nubie et la construction des temples d’Abou Simbel

Originaire d’une famille du delta du Nil, Ramsès II installe son palais et le centre administratif de l’Égypte à Pi-Ramsès, mais il a aussi besoin de continuer, comme son père, d’exploiter les ressources de la Nubie (plus au Sud) : l’or pour enrichir les temples, mais aussi pour acheter des alliances en Asie (l’empire hittite est ébranlé par la montée de la jeune Assyrie) ; du bois, dont le cèdre du Liban, mais aussi du cuir, du bétail et surtout des hommes pour l’armée. Dès les premières années de son règne, —d’aucuns pensent à une corégence avec Séthi Ier—, il intervient en pays de Ouaouat et de Koush, réduisant les velléités traditionnelles de révolte des tribus soudanaises. L’exploit est relaté dans l’avant-cour du petit temple de Beit el-Ouali qu’il fit édifier en Basse-Nubie non loin d’Assouan.

Des carrières de la région, qu’il ré-exploite à grande échelle, il tire les grands obélisques et statues qui ornent ses monuments de Haute et Basse-Égypte, mais ne délaisse pas la ville d’Éléphantine et sa région.

Il organise alors un véritable programme architectural pour la région immédiatement au sud de la première cataracte qui est la frontière historique de l’Égypte avec son voisin méridional. Il restaure bien-sûr les forteresses entretenues depuis le Moyen Empire, à Bouhen, Semna et Kouma, mais fonde également une série de sanctuaires, que l’on nomme hémi-spéos, car pour partie creusés dans la roche et pour l’autre construits en maçonnerie, dédiés aux dieux dynastiques et étroitement liés au rôle de l’inondation.

On citera notamment :

 Le temple d’Amon de Ouadi es-Seboua ;
 Le temple de Ptah de Gerf Hussein ;
 Le temple de Rê de Derr ;
 Les deux magnifiques temples d’Abou Simbel : l’un est consacré à sa reine favorite Néfertari, l’autre, le plus grand aux dieux protecteurs de l’Empire, Amon, Ptah et Rê mais aussi… à Ramsès II lui-même, qui s’y fait représenter sous forme d’un dieu à tête de faucon.

Ramsès et les dieux

Ramsès II représenté en enfant protégé par le dieu Houroun - Statue trouvée à Tanis autrefois à Pi-Ramsès - Musée du Caire

Ramsès II fut aussi un grand théologien, reprenant à son compte l’initiative solaire amorcée par Akhénaton, mais en se préservant des cultes traditionnels. Voulant lui aussi développer au travers de sa propre personne une religion transfrontalière permettant de rassembler tous les peuples mis sous sa coupe, il favorisa au contraire les temples des grands dieux de l’Empire : Amon, Rê, Ptah, Osiris.

En effet, plutôt que d’effacer leur culte comme le fit à son péril Akhénaton, il les affirma dans leur rôle central dans la vie économique et spirituelle du pays, et instaura le sien propre, de son vivant, s’associant ainsi encore davantage que ses ancêtres aux dieux dynastiques et tout particulièrement au dieu Rê. L’exemple des temples de Nubie est parlant à ce sujet.

Partout il reprit l’initiative en redonnant aux temples et aux cultes des dieux un faste inégalé. Les innombrables fondations à son nom l’attestent et ses successeurs n’eurent qu’à parachever l’entreprise de leur prestigieux aïeul.

Enfin, conscient de l’emprise du dieu Amon-Rê de Thèbes et de son clergé sur le pays, emprise qui menaçait quelque peu le pouvoir royal, raison qui sans nul doute participa au choix de « l’hérétique » Akhénaton en son temps, il usa de stratégie en favorisant autant que faire se peut les temples de Ptah à Memphis et de Rê à Héliopolis. En retour, il donna des gages de sa bonne foi aux prêtres de Karnak en effaçant le souvenir de celui qui voulut leur perte, ainsi que de sa descendance. Tendance déjà amorcée par son père Séthi qui le fit représenter dans son temple d’Abydos devant une liste de rois représentant leurs ancêtres sur le trône d’Horus, liste de laquelle sont absents les rois d’ Amarna, jusqu’à Horemheb, mais aussi Hatchepsout.

C’est de son temps également que les cultes des grandes villes du delta retrouvèrent leur importance, en instituant également de nouveaux, comme ceux des dieux orientaux tels que Baal, qui sera associé par syncrétisme à Seth, ou encore Astarté, Anta, Reshef, etc.

Ces cultes se retrouveront à cette époque dans toute l’Égypte, de Memphis à Thèbes (Deir el-Médineh), prouvant ainsi un brassage des cultures propre à une période de paix assurée.

La fin du règne et la légende

Ramsès II eut une fin de règne endeuillée par la disparition successive de ses héritiers et de sa grande épouse royale Néfertari. Il meurt après un règne de 66 ans, qui correspond à plus de la moitié de la XIXe dynastie.

Il est inhumé dans la tombe KV7 dans la vallée des rois qui n’est plus visitable actuellement tant elle est dégradée car creusée dans une couche marneuse de la vallée qui ne résista pas bien aux sporadiques mais dévastatrices inondations de l’oued asséché dans lequel fut choisi l’emplacement de la nécropole royale. Des fouilles et une campagne de restauration sont actuellement en cours pour parfaire notre connaissance de la tombe royale. Le trésor funéraire de Ramsès II a disparu depuis longtemps certainement à l’occasion de pillages qui eurent lieu à la fin du Nouvel Empire. Ainsi un braséro au nom de Ramsès II a été retrouvé dans le trésor funéraire de Psousennès Ier de la XXIe dynastie à Tanis, et les musées possèdent des ouchebtis à son nom, preuve caractéristique d’un pillage ancien.

De même, sa momie fut déplacée par les prêtres, d’abord dans la tombe de son père, puis à nouveau dans la tombe de la cachette (DB320) retrouvée à la fin du XIXe siècle à la suite d’une enquête rocambolesque du tout jeune service des antiquités égyptiennes initié par Mariette.

On l’a retrouvé enveloppé dans des bandelettes par les prêtres de la XXIe dynastie, et réinstallé dans un sarcophage en bois de cèdre qui avait appartenu à... Ramsès Ier, son grand-père. Cela illustre combien la vallée des rois fut l’emprise de convoitises lorsque s’effondra l’Empire des Ramsès.

Lors de son débandelettage suite à sa découverte, et le dégagement de ses bras, une tension post-mortem rejeta l’un de ses bras soudainement dans un dernier geste, créant l’effroi et la fuite de l’assistance venue admirer le spectacle...

La dépouille (momifiée) de Ramsès II se trouve au musée égyptien du Caire et dut être « soignée » dans les années 1970 car des champignons s’y étaient développés au contact de l’air moderne.

L’étude de cette dépouille au musée de l’Homme à Paris [4] en 1976-77 a révélé que Ramsès était « leucoderme, de type méditerranéen proche de celui des Amazighes africains [5] ».

Il a fait sculpter de très nombreuses statues à son image et a fait graver son nom sur presque tous les temples et notamment d’autres pharaons, comme s’il les avait fait construire lui-même.

Son action dans le pays de Koush et surtout dans le couloir syro-palestinien dut marquer les esprits de l’époque et l’on racontait encore sous les Ptolémées la légende de l’extraordinaire voyage de « la princesse de Bakhtan » venue s’offrir en mariage au grand roi d’Égypte, écho lointain du fameux mariage avec la fille de Hattousil qui avait alors succédé à Mouwatalli sur le trône du Hatti.

Ramsès II est-il le pharaon de l’Exode ?

Ramsès II est également connu du grand public pour une toute autre raison : les traducteurs de la Bible et longtemps les historiens après eux, l’indiquent comme ayant été le pharaon régnant au moment de l’Exode, la fuite des Hébreux, qui a été évoquée aussi dans de nombreux films, comme Les Dix commandements. Cette hypothèse s’appuie sur l’argument suivant : la stèle de victoire de son successeur Mérenptah [6] mentionne un peuple installé en Canaan. De plus il est attesté selon les sources égyptiennes l’existence d’un haut fonctionnaire, Ben Azèn, d’origine sémite qui serait intervenu dans un conflit opposant un groupe de nomades à des officiers royaux égyptiens [7]. L’identification à Moïse peut sembler assez évidente. Par ailleurs, la Bible mentionne que les Hébreux sont astreints à des corvées et construisent les villes de Pithom et Ramsès [8]. Cette dernière ville apparaît ensuite comme le point de départ de l’Exode [9]. Nous savons que Ramsès II est un grand bâtisseur et qu’il entreprend au cours de son règne la construction d’une nouvelle capitale, Pi-Ramsès, non loin d’Avaris, l’ancienne capitale des Hyksôs, les pharaons d’origine sémitique. Par conséquent le règne de Ramsès semble fournir le cadre adéquat correspondant au récit de la Bible sur la sortie des Hébreux d’Égypte.

Cependant l’identification de Ramsès II au pharaon de l’Exode se révèle moins évidente lorsqu’on y regarde de plus près. Tout d’abord parce que la momie de Ramsès, mort nonagénaire, ne présente aucune trace de noyade et qu’il paraît pour le moins hasardeux de prendre le texte biblique au sens littéral. De plus aucun document provenant de ce règne ne peut être mis en rapport avec l’expulsion, la sortie, d’un peuple sémitique du pays. Enfin le fameux Ben Azèn non seulement n’a jamais quitté l’Égypte mais a fidèlement servi les successeurs du roi jusqu’au règne de Ramsès III.

Concernant les localités mentionnées par le récit de la sortie d’Égypte, force est de constater que pour la plupart d’entre elles rien ne permet une identification spécifique à l’époque de Ramsès II. L’itinéraire donné par le livre de l’Exode entre le point de départ, la ville de Ramsès, et l’engloutissement de l’armée égyptienne donne les villes suivantes : Sukkoth, Etam, Pi-Hahiroth, Mig-dol et Baal-Cefôn [10]. Des sites comme Etam et Pi-Hahiroth sont inconnus (Etam est peut-être une déformation de Pithom) et Migdol est introuvable dans les textes égyptiens. Mais ce dernier est cité par Ezéchiel et Jérémie (ainsi qu’Hérodote [11]) comme d’une ville située dans le delta du Nil ou séjournent de nombreux juifs après la destruction de Jérusalem par Nabuchodonosor II en -587. Le nom de Baal-Cefôn (Baal du Nord) est une divinité populaire dans la partie orientale de la Méditerranée vers la fin du Ier millénaire av. J.-C. y compris en Égypte [12]. Il est plausible que le chapitre 14 de l’Exode fasse allusion au temple de Tahpanès où selon Jérémie vit une importante communauté juive au Ve siècle av. J.-C.. On le voit, la plupart des noms mentionnés s’expliquent dans le contexte plus récent des époques assyrienne, babylonienne et perse globalement du VIIe au IVe siècles av. J.-C., période où les récits de la sortie d’Égypte sont mis par écrit.

Le pharaon de l’Exode ne porte pas de nom. Si les rédacteurs du texte biblique de cette période avaient considéré Ramsès II comme le pharaon régnant rien ne s’opposait à ce qu’ils utilisent son nom, ce qui est le cas pour plusieurs autres souverains d’Égypte cités par la Bible. Donc il est impossible de s’appuyer sur les textes bibliques pour faire de Ramsès II le pharaon de l’Exode. Quant à Manéthon, il situe le bannissement des Hébreux sous le règne d’un certain Aménophis difficilement rattachable à un souverain particulier (peut-être Amenhotep III). Par conséquent, l’identification de l’adversaire de Moïse à Ramsès II est une hypothèse que rien d’historiquement sérieux ne vient confirmer. Sans doute faut-il y voir le désir conscient ou non de donner à Moïse un adversaire de sa stature créant de fait un mythe historique.

Sépulture

Type Tombeau
Emplacement Vallée des rois, tombe KV7
(Momie transférée dans KV17 puis dans la tombe de la reine Inhapy à Deir el-Bahari (TT 320), découverte en 1881)
Date de découverte 1737
Découvreur Richard Pococke
Fouilles 1737/1738 : Richard Pococke

1825 : James Burton

1844/1845 : Karl Richard Lepsius

1913/1914 : Harry Burton

1938 : Charles Maystre

1993/2002 : Christian Leblanc

Objets découverts Sculptures, Vaisselle

La tombe de Ramsès II a été ravagée par le temps. Outre les violations qu’elle a eu à subir dès la fin du Nouvel Empire, elle a été périodiquement inondée suite à de violents orages qui se produisent régulièrement dans la région. Des pluies soudaines font alors se déverser dans l’oued de la vallée des rois de véritables torrents d’eaux mélangées à de la terre, du sable et de la roche formant une boue qui en s’introduisant dans l’hypogée ont peu à peu détruit toute la décoration du tombeau.

Depuis quelques années la Mission pour la sauvegarde du Ramesséum, dirigée par Christian Leblanc, procède à la restauration de la tombe du roi, la dégageant de sa gangue de boue solidifiée et restituant des pans entiers de sa décoration retrouvés parmi les débris. De rares objets provenant du mobilier du roi ont pu aussi être retrouvés démontrant que la tombe avait été vidée de son contenu bien avant sa dégradation par les éléments naturels.

En face de la tombe de Ramsès II, une grande tombe collective a été retrouvée dans la vallée des rois, la KV5, qui comprend de multiples chapelles et tombeaux des enfants royaux. Son exploration n’est toujours pas achevée.

Généalogie

Naissance v. -1305 Décès -1213 ou -1212
Père Séthi Ier Grands-parents paternels Ramsès Ier

Satrê

Mère Mouttouya
(ou Touy, ou Touya)
Grands-parents maternels Raya

Thouia

Fratrie Tia

Nebchasetnebet

1re épouse Néfertari
(Grande épouse royale)
Enfant(s) Mérirê

Mériatoum (ou Méry-Atoum)

Henouttaoui

Mérytamon

Amonherkhépechef (ou Amonherouenemef)

Néfertari II

Parêherouenemef (ou Rêherounemef)

Baketmout

Amonemouia (ou Sethemouia)

2e épouse Iset-nofret
(Grande épouse royale)
Enfant(s) Mérenptah

Bentanat (ou Bint-Anath)

Tachat

Nebtaoui

Ramessou

Khâemouaset

Iset-Nofret II

3e épouse Hénoutmirê
(Grande épouse royale)
Enfant(s) pas d’enfant connu
4e épouse Maâthornéferourê
(Grande épouse royale)
Enfant(s) Néférourê
5e épouse Bentanat
(Grande épouse royale)
Enfant(s) pas d’enfant connu
6e épouse Mérytamon
(Grande épouse royale)
Enfant(s) pas d’enfant connu
7e épouse nombreuses concubines Enfant(s) près de cent dix enfants