Sésostris Ier

1.971 - 1.926 av. J.-C.

Article mis en ligne le 21 juillet 2021
dernière modification le 11 juillet 2021

Pharaon de la XIIe Dynastie

Le jeune Sésostris est associé depuis dix ans déjà à Amenemhat Ier, lorsque au retour d’une campagne victorieuse contre les Libyens, il apprend la mort de son père, qui a péri à la suite d’un complot. Il monte sur le trône sous le nom de Khéperkarê. Son règne, qui dure 45 ans, débute par une crise politique que son père avait pourtant cherché à éviter en l’associant au pouvoir. Ces événements que l’Égypte traverse alors prouvent que la légitimisation de la XIIe dynastie, née, il est vrai, d’une usurpation, était loin d’être acquise. En peu de temps, Sésostris réussit néanmoins à surmonter la crise et à asseoir fortement sa lignée sur le trône d’Egypte.

A l’instigation du milieu des fidèles de la cour naît une littérature politique destinée à la propagande royale. L’Enseignement d’Amenemhat Ier, rédigé par un certain Khéty, d’après les sources du Nouvel Empire, est le pseudo-testament politique d’un roi incitant son héritier à la prudence. L’Enseignement loyaliste se rattache à l’expression des sagesses traditionnelles ; il incite à une fidélité aveugle envers la monarchie. D’ailleurs les avantages de celle-ci ne sont-ils pas clairement mis en valeur par l’Histoire de Sinouhé ? On voit, sous forme de morale, ce qu’il advient de ceux qui ont perdu confiance et se voient condamnés à errer loin de leur patrie ; il s’élève un message de clémence promettant une réintégration à ceux qui viennent se prosterner devant Sésostris.

Une première fête-sed est attestée en l’an 31, date à laquelle fut élevé l’obélisque commémoratif qui se dresse aujourd’hui dans le ciel d’Héliopolis ; un écrit important, dit Texte dramatique du Ramesseum, apporte des renseignements essentiels sur ces cérémonies de régénération du pouvoir royal. Malgré toute la confiance que Sésostris Ier semble avoir mise dans cette entreprise littéraire, il l’accompagna de réformes concrètes et efficaces. Suivant l’exemple de son père, il associe vraisemblablement son fils Amenemhat II au trône. La stabilité du pays fut peu à peu assurée par la reprise en main des Grands du royaume.

L’appareil administratif du pays continue à fonctionner comme par le passé. Antéfoqer, vizir d’Amenemhat Ier, conserve sa charge. Il fut remplacé par un certain Mentouhotep, connu comme responsable des greniers ; ce dernier continuera à assumer sa charge durant le règne suivant. Il fut ainsi possible à Sésostris Ier de mener, parallèlement à sa politique intérieure, une politique active en Nubie, en renforçant la frontière méridionale, comme le prouve une expédition majeure en l’en 18, que rappelle une stèle érigée à Bouhen. L’Égypte étend son autorité sur une bonne partie de la Basse-Nubie ; une garnison permanente est installée dans la forteresse de Bouhen ; le roi, divinisé, y recevra un culte.

La chapelle blanche, Karnack

En Syrie-Palestine, au contraire, une politique visant à maintenir des relations diplomatiques et commerciales, est entretenue sans que l’Egypte cherche à imposer une quelconque emprise territoriale durable. En revanche, une politique défensive est mise en place pour prévenir les incursions libyennes incessantes dans le Delta et les oasis.
Les premières années de son règne ayant été occupées par cette reprise en main, Sésostris Ier tente de mener à bien l’œuvre interrompue de son père. Son but est de restaurer l’ordre terrestre, reflet de l’ordre primordial instauré par le créateur et les générations divines (cosmogonie).

Son oeuvre passe par la réforme des cultes et du clergé. Thèbes, ville où la famille régnante plonge ses racines, est la première à être honorée. Sésostris, reprenant les travaux menés par Amenemhat Ier, y fait construire un temple de calcaire en l’honneur du dieu Amon. Cette fondation somptueuse restera pendant des siècles le cœur du plus grand temple égyptien. Elle subsistera en fait plus de deux mille ans, jusqu’à son abandon. Thèbes elle-même fut élevée à un rang divin ; des hymnes serviront à célébrer les vertus de l’entité Thèbes-Victorieuse, divinisée. D’autres grandes cités ne sont pas en reste. Il est peu de temples importants où l’on n’ait retrouvé, sous une forme ou une autre, des traces de l’activité édilitaire de Sésostris Ier : Bubastis, Eléphantine, Héliopolis, Tôd, Etcé A Tôd, il serait, selon les textes ptolémaïques, le fondateur du culte de Montou.

Cette activité architecturale débouche sur une réorganisation de l’économie et une exploitation intensive des ressources minières. En l’an 38, une expédition envoyée au ouâdi Hammâmât ne compte pas moins de 17.000 hommes. Elle ramène d’ailleurs 60 sphinx et 150 statues Il est encore aujourd’hui difficile d’estimer la centralisation nécessaire à de telles entreprises menées en plein désert pour la seule gloire des dieux et du roi. L’art subit l’impact de la réforme et témoigne d’une reprise en main des écoles se fondant sur l’expérience du passé.
La remise en route du pays cherche sa légitimité dans le culte des ancêtres, qu’ils soient familiaux comme le prince Antef, fondateur de la royauté thébaine, Senâkhkarê Montouhotep III, mais aussi les grands souverains de l’Ancien Empire, érigés en modèles politiques (Snéfrou et Sahourê entre autres). Les charges les plus importantes de l’état, telles celles de nomarque, reviennent aux fidèles de la première heure ; elles deviennent quasi héréditaires, et ces lignées familiales qui ont causé naguère l’écroulement de l’Ancien Empire, se reforment à nouveau. Il faut attendre le règne de Sésostris III pour que la majeure partie des nomarques acquièrent le statut de fonctionnaire.

Pyramide de Sésostris à Lich

Sésostris Ier, bien que thébain, a cherché à lier les deux parties du pays, en suivant l’exemple d’Amenemhat Ier ayant élu capitale Itjtaouy, au nord de la région du Fayoum. Là fut érigé son complexe funéraire, à Licht, au sud de la pyramide d’Amenemhat Ier. Il s’inspire ainsi clairement du modèle thébain Son culte funéraire s’y perpétue jusqu’à la fin de la dynastie suivante. Nectanébo Ier, à la recherche de racines nationalistes, emprunte son nom de couronnement à Sésostris Ier. Le récit de ses hauts faits contribua au Sésostris de la légende, personnage composite recouvrant - semble-t-il - plusieurs personnalités empruntées au Moyen et au Nouvel Empire.