L’art de vivre du vizir Ptahhotep
Le bréviaire du temps de vie
Article mis en ligne le 11 janvier 2022
dernière modification le 4 janvier 2022

Sagesses et art de vivire

À toute époque de l’histoire de l’Égypte ancienne, des hommes, parvenus en leur grand âge, ont aimé laisser à leur fils, sous forme d’enseignement, l’expérience qu’ils ont rassemblée au cours de leur longue vie, héritée, pour une part, de celle de leurs ancêtres, et fruit, d’autre part, de leur propre réflexion ; tradition et démarche personnelle se mêlent.

Ces conseils peuvent être des recommandations matérielles de conduite en société, ou des directives intellectuelles et morales, d’une haute valeur spirituelle. Ils constituent des traités de morale laïque, qui valent pour les hommes de tous les temps, et qui contribueront notamment, plus tard, et de manière importante, à l’établissement de la morale hébraïque et de la morale chrétienne.

La grande humanité de ces Préceptes, leur variété et leurs nuances, prouvent l’existence en Egypte ancienne, dès la haute époque, d’une civilisation raffinée et d’une réflexion profonde sur la condition humaine.

Le vizir Ptahhotep

L’art de vivre du

 [vizir]. Enseignement du maire de la ville, (…)" id="nh1">1], vivant éternellement et à Jamais.

Prologue.

Le maire de la ville, le vizir

Ptahhotep, dit : « O souverain, mon seigneur, le grand âge est maintenant arrivé, la vieillesse s’est abattue (sur moi) ; la déchéance sans cesse se renouvelle, après s’être imposée [2]. On somnole tout le jour ; les yeux sont malades, les oreilles sourdes ; la force disparaît car le coeur est las, la bouche, silencieuse, ne parle plus. Le coeur ne pense plus [3], il ne se souvient même pas d ’hier. Les os sont douloureux à cause de la longue durée de la vie. Ce qui était le bonheur devient maintenant le malheur ; toute sensation a disparu. Ce que fait la vieillesse à l’homme est mauvais, en toute chose. Le nez ne respire plus. Se tenir debout comme s’asseoir sont également pénibles. Permets donc que l’on ordonne à ton serviteur [4] de se constituer un bâton de vieillesse , afin que je puisse lui dire les paroles de ceux qui autrefois ont écouté, et les conseils des ancêtres qui obéirent aux dieux. Alors, on fera de même à ton égard, les maux seront repoussés loin du peuple d’Egypte et les Deux Rives travailleront pour toi [5]. »

La Majesté de ce dieu (= le Roi) dit alors : « Enseigne-lui les paroles d’antan. Puisses-tu faire de lui un modèle pour les enfants des Grands ; que le souci d’écouter le pénètre, (comme) la justesse de chaque coeur, lorsqu’on s’adressera à lui. Il n’y a pas d’enfant qui déjà soit un sage. »

Maximes.

Commencement du discours, fait de belles et bonnes paroles, qu’a prononcé le noble, le prince, le père divin aimé de Dieu, le fils du Roi qui appartient à son corps, le maire de la ville, le vizir Ptahhotep - tandis qu’il enseigne la connaissance à celui qui ne sait pas et les règles des paroles parfaites ; cela sera des plus utiles à qui les écoutera, mais chose nuisible pour qui les transgressera.

Il dit à son fils :

De l’humilité

* Que ton coeur ne soit pas altier à cause de ce que tu sais ; n’emplis pas ton coeur du fait que tu es un savant. Discute avec l’ignorant de la même façon qu’avec l’homme ayant des connaissances ; car on n’a jamais atteint les limites d’un art, et nul artisan n’est pourvu d’excellence. Une parole heureuse peut être dissimulée plus que l’émeraude, on peut la trouver parmi les servantes penchées sur la meule - (Max. 1).

De la conversation

* Si tu rencontres un interlocuteur en son (meilleur) moment, qui ait un coeur élevé et soit habile, plus que toi, alors abaisse les bras et courbe le dos ; ne le jalouse pas [6], mais qu’il ne puisse s’appuyer sur toi. Tu le déprécieras s’il a une parole malheureuse, et ne manque pas de le réfuter quand le moment viendra, de telle sorte qu’on dise de lui : « Mais c’est un ignorant ! » jusqu’à ce que ton coeur ait anéanti ses ressources- (Max. 2).

* Si tu rencontres un interlocuteur en son (meilleur) moment, qui soit ton égal et un homme de ton rang, alors tu feras en sorte que ton habileté se manifeste comme supérieure à la sienne ; ne garde pas le silence (notamment) lorsqu’il dira une chose erronée. Tu seras approuvé par les auditeurs, et ton renom d’homme de connaissance sera heureux parmi les Grands - (Max. 3).

* Si tu rencontres un interlocuteur en son (meilleur) moment, qui soit un homme humble et certes pas ton égal, que ton coeur ne soit pas irrité contre lui parce qu’il est faible. Ne lui pose pas
de questions, pour ton soulagement, mais n’apaise pas non plus le coeur de celui qui s’oppose ainsi à toi, « place-le à terre » afin qu’il se punisse lui-même [7]. Il serait fâcheux de faire injure à un homme à la pensée pauvre - chacun agissant selon ce qui est en son coeur - mais tu le frapperas au moyen de la réprobation des Grands - (Max. 4).

Justice et Vérité

* Si tu es un chef, donnant des ordres à des hommes nombreux, recherche chaque occasion d’action bénéfique, de sorte que ta conduite soit irréprochable. Importante est la Vérité-Justice, sa richesse
durable, elle n’a jamais subi d’orages depuis le temps de son créateur ; on punit qui transgresse ses lois. C’est un chemin qui s’étend devant l’ignorant ; la bassesse n’a jamais permis d’aborder à aucun port. La vilenie peut bien s’emparer de richesses, mais la puissance de la Vérité-Justice est qu’elle dure, et l’homme peut dire (à son sujet) : c’est le bien qui appartenait à mon père - (Max. 5).

De la douceur

* Ne place pas la crainte parmi les hommes, ou Dieu te punira de même. Si un homme pense vivre par ce moyen, sa bouche sera privée de pain... Ne permets pas que la peur des hommes se manifeste ; c’est la volonté de Dieu qui doit se manifester. Tu feras en sorte qu’ils vivent dans la paix ; alors ils viendront et (te) donneront d’eux mêmes - (Max. 6).

Comment se conduire à table

* Si tu figures parmi les convives assis à la table d’un personnage plus important que toi, prends ce qu’il te donne lorsque cela t’est présenté ; ne regarde pas ce qui est devant lui, mais ce qui est devant toi ; ne le transperce pas de regards nombreux, car c’est l’abomination du ka que le « toucher » ainsi. Ne lui parle pas jusqu’à ce qu’il s’adresse à toi, car on ne sait pas ce qui peut déplaire. Tiens ton visage baissé jusqu’à ce que tu sois interrogé, et ne parle qu’après qu’il t’a posé une question. Ris dès qu’il aura ri, car cela peut être fort plaisant pour son coeur, et ce que tu fais doit (lui) être agréable ; on ne sait jamais ce qui est dans le coeur.

Lorsqu’un grand personnage est à table, son comportement s’établit selon les directives de son ka, il donnera à celui qui a sa faveur. Un grand donne en effet à celui qu’il peut atteindre, mais c’est son ka qui étendra les bras (pour donner). Manger du pain dépend du dessein de Dieu ; et c’est un ignorant celui qui se plaindrait de cela - (Max.7).

Comment être un messager fidèle

* Si tu es un homme de confiance qu’un grand personnage dépêche à un autre, sois un témoin fidèle du caractère de celui qui t’a envoyé, et délivre le message tel qui te l’a dicté ; n’oublie rien. Garde-toi de trahir les paroles (qui t’ont été confiées), afin de ne pas semer la brouille entre deux grands ; tiens-t’en à la vérité, ne l’outrepasse pas, car l’apaisement ne reviendrait pas. Ne parle pas (non plus) à n’importe qui, que l’homme soit grand ou petit, car c’est l’abomination du ka - (Max. 8).

De la générosité

* Si tu laboures, que ton champ soit prospère et que Dieu te donne à profusion, ne te vante pas trop de cela, et ne réclame pas à celui qui n’a rien. Surveille tes paroles auprès de tes voisins, car grand est le respect envers l’homme silencieux. L’homme fort [8] est un homme riche, car il se saisit des magistrats [9], tel le crocodile. Ne demande rien non plus à celui qui n’a pas d’enfants ; ne fais pas de critique ou n’émets pas de vantardise à ce propos ; bon nombre de pères sont aussi dans le besoin, et une mère qui a enfanté peut être moins satisfaite qu’une autre (femme). C’est l’homme solitaire que Dieu fait vivre, tandis que le chef d’une famille prie pour un descendant - (Max. 9).

Du respect dû un parvenu

* Si tu es pauvre et que tu sois dans la suite à d’un homme distingué, fais que toute ta conduite soit parfaite auprès de ce dieu (?) [10]. Ignore sa petitesse d’autrefois ; ne sois pas arrogant à son égard à cause de ce que tu sais de lui, avant. Eprouve même quelque considération envers lui, à cause de ce qui lui est arrivé, car la richesse ne vient pas d’elle-même. C’est leur loi (à ces hommes) ce qu’ils désirent, et celui qui conquiert inspire la crainte. Mais c’est Dieu qui l’a créé habile, et qui s’approche de lui tandis qu’il dort - (Max. 10).

Du bonheur

* Suis ton désir tout le temps de ta vie. Ne fais pas plus que ce qui t’est prescrit, mais n’abrège
pas le temps de « suivre-le-coeur [11] » ; c’est l’abomination du ka que détruire un moment ! Ne détourne pas ton action vers des tâches quotidiennes, dans un souci excessif de ta maison. Quand la richesse sera venue, suis ton désir, car la richesse n’est pas complète si l’on n’est pas heureux - (Max. 11).

Conduite envers un fils

* Si tu es un homme de valeur, et si tu as fait un fils, par la grâce de Dieu, si celui-ci est convenable, s’il est proche de ta nature, s’il écoute tes instructions, si ses conseils sont heureux dans ta maison, et s’il prend soin de tes possessions comme il convient, alors cherche à lui faire du bien ; car c’est ton fils, qui vient de la semence de ton ka, ne sépare pas ton coeur du sien. Mais la semence (d’un homme) peut aussi créer un ennemi. Si celui-ci s’égare et transgresse tes conseils, s’il ne suit pas tes instructions, si ses desseins sont mauvais à l’intérieur de ta maison, s’il se rebelle contre ce que tu dis, tandis que sa bouche prononce de méchantes paroles, alors éloigne-toi de lui, que rien ne vienne en sa possession, chasse-le ; car ce n’est certes pas ton fils, il n’a pas été mis au monde pour toi. Tu en feras un serviteur à cause de toutes ses paroles, tu le placeras parmi ceux qui sont blâmables ; Dieu avait
déterminé son malheur alors qu’il était encore dans le sein (de sa mère). Ceux qui dirigent ne peuvent marcher à l’envers, (de même que) ceux qui n’ont pas de barque ne peuvent traverser - (Max. 12).

Du respect du protocole

* Si tu te tiens dans une antichambre, sois debout ou assis selon la démarche qui te fut assignée le premier jour. Ne va pas au-delà, on se détournerait de toi. Bien disposé est le visage pour celui qui entre étant annoncé, et large sera le « siège [12] » de celui que l’on appelle. L’antichambre est soumise à une règle, et chaque attitude a sa valeur précise. Mais c’est Dieu qui crée l’excellence et qui donne une promotion à celui dont la nature est bonne et saine ; on ne gagne rien en jouant des coudes - (Max. 13).

De la loyauté

* Si tu es en compagnie d’ (autres) hommes, fais-toi des clients en étant loyal, car l’homme loyal, son renom est heureux, quand il n’écoute pas ce que dicte son ventre [13]. Un homme riche, quelle doit être son attitude pour devenir lui-même un chef ? On doit seulement le craindre, selon sa dignité. (Ainsi, toi) ton renom sera bon sans même que tu parles, ton corps sera bien nourri, ton visage (tourné vers) ceux qui t’entourent ; on te vantera sans même te connaître. Mais celui dont le coeur s’égare à écouter son ventre, on le méprisera au lieu de l’aimer, son coeur sera chauve [14] et son corps faible. L’homme au coeur ardent est un don de Dieu ; mais celui qui écoute son ventre appartient à l’ennemi - (Max. 14).

Du messager

* Rapporte fidèlement [15] tes directives, lorsque tu exposeras ton affaire dans le conseil de ton seigneur. En ce qui concerne l’homme qui s’embrouille dans ce qu’il dit, il sera aisé pour le messager qui rapportera (ses propos) de confondre : « mais qui est celui qui connaît cela ? » Quant au seigneur dont les affaires s’égareront, s’il veut le (= le messager) punir à cause de cela, celui-ci ne pourra que se taire après avoir parlé - (Max. 15).

Être un chef

* Si tu es un chef, tes décisions doivent marcher à grands pas, selon tes ordres, et tu te dois d’accomplir des choses élevées. Pense aux jours qui vont venir ensuite, afin qu’aucune action (regrettable) ne s’insère au milieu des louanges. Quand le crocodile arrive, la haine survient, et l’on retourne à la révolte - (Max. 16).

* Si tu es un chef, écoute calmement les paroles d’un plaignant, ne le repousse pas tant qu’il n’aura
pas « nettoyé » son corps de tout ce qu’il a pensé te dire. L’homme malheureux aime laver son coeur
plus encore que voir accomplir ce pour quoi il était venu. Combien est réjouissant pour tout
plaignant de (voir) se manifester une assistance attentive. Quant à l’homme qui repousserait celui venu lui adresser une supplique, on dira de lui : « Pourquoi donc l’a-t-il renvoyé ? » Certes, tout ce qu’il avait à demander ne serait pas advenu. Mais c’est « lisser » le coeur [16] (du malheureux) que l’écouter attentivement- (Max. 17).

Du danger des femmes

* Si tu souhaites que dure une amitié, dans une maison où tu pénètres comme maître, comme
frère ou comme ami, en quelque lieu où tu ailles, garde-toi de t’approcher des femmes ; là où elles sont, il ne fait pas bon. Il n’est pas avisé celui qui se brise à cause d’elles ; mais ainsi des milliers
d’hommes se détournent de ce qui leur est bénéfique. On peut perdre la raison pour un corps radieux, et l’on devient alors comme la pierre herset [17]. Un court instant, bref, semblable à un rêve, et la mort vient, en fin, de les avoir connues. C’est une parole malheureuse que « Tire un coup sur l’ennemi », on sort [18] pour le faire, mais le coeur (= la raison) le rejette. Ne fais pas cela ; c’est l’abomination des enfants ; ainsi, sois exempt de chagrin chaque jour. Quant à l’homme qui faillirait, à cause de la convoitise qu’il a d’elles, aucun de ses desseins ne sera couronné de succès - (Max. 18).

De la cupidité

* Si tu désires que ta conduite soit parfaite, tiens-toi à l’écart d’un quelconque mal. Garde-toi
(surtout) d’un acte d’envie, car c’est là une maladie, pénible, incurable, qui éloigne tous les familiers ; elle avilit les pères et les mères, comme les frères de la mère, elle rend aigre la douceur de l’amitié, elle éloigne du maître un ami, elle sépare l’épouse de l’époux ; c’est une « botte » faite avec tout ce qui est mauvais, un sac comprenant tout ce qui est blâmable. Mais il vivra longtemps l’homme dont la ligne de conduite sera la vérité - justice et qui marchera selon ses pas ; à cause de cela il pourra faire un testament. Tandis que l’homme cupide n’aura pas de tombeau - (Max. 19).

* Ne sois pas cupide lors d’un partage, ne sois pas avide sauf en ce qui concerne ta part, ne sois pas rapace à l’égard de ceux qui t’entourent. Plus importante est la plainte de l’homme doux que celle de l’homme fort. C’est un homme de peu celui qui trahit son entourage, et il est privé de l’aide de la parole [19] ; et c’est (parfois) ce peu dont il a été frustré qui transforme en ennemi un homme naturellement doux et agréable [20] - (Max. 20).

Pour avoir une bonne épouse

* Si tu es un homme distingué, fonde un foyer, et chéris ta femme dans ta maison comme il convient. Emplis son ventre, habille son dos ; c’est aussi un (vrai) remède pour ses membres que les onguents ; rends-la heureuse ainsi tant que tu vivras. C’est un champ fertile pour qui la possède. Ne la juge pas, mais tiens-la à distance du commandement, car elle déchaînerait la tempête. « Lisse » son coeur au moyen de ce qui t’advient (d’heureux). Ainsi elle demeurera dans ta maison. Si tu la repousses, alors ce seront des larmes ; un vagin est ce qu’elle donne pour sa condition [21], ce qu’elle réclame c’est qu’on fasse pour elle un canal (Max. 21).

Des amis

* Satisfais tes amis grâce à ce qui t’advient d’heureux), ce qui advient à un homme que Dieu loue ; si tu manques de contenter (ainsi) tes amis, on dira (de toi) : c’est un homme égoïste. On ne sait pas ce qui peut arriver, même celui qui (croit) connaître le lendemain ; c’est un homme (véritable) l’homme loyal, qui satisfait [22] ; car celui qui pense au lendemain ne connaît pas les dispositions de celui-ci. Si des occasions de faveurs surviennent, ce sont les amis qui disent : « Bienvenue ! » Et si l’on ne peut ramener le calme dans une maison, on a recours aux amis lorsqu’il y a quelque trouble- (Max. 22).

De la calomnie

* Ne répète pas une calomnie, ne l’écoute même pas, car elle provient d’un (homme au) naturel
ardent. Répète une affaire que tu as vue, mais pas celle que tu as entendue ; celle-la, méprise-la et n’en parle pas du tout ; celui qui t’observe connaîtra alors ton excellence. (De même) si l’on ordonne qu’un larcin soit accompli, c’est contre celui qui a dérobé que la haine se manifestera. La calomnie est semblable à une action appartenant au rêve, elle doit être châtiée ; toi, garde-t’en bien - (Max. 23).

De la parole

*Si tu es un homme distingué, qui siège dans le conseil de son maître, « rassemble ton coeur » en vue de l’excellence. Sois silencieux, cela est plus profitable que la confusion ; ne parle que lorsque
tu as pris conscience de pouvoir apporter une solution. C’est l’ « artiste » qui parle dans le conseil,
car le discours est plus difficile que n’importe quelle (autre) oeuvre ; celui qui le comprend conquiert l’autorité - (Max. 24).

Être un chef

* Si tu es un homme puissant, fais en sorte que l’on te craigne à cause de ta science et de ta parole sereine. Ne commande que pour diriger ; être violent, c’est aller au mal. Ne sois pas hautain, afin de ne pas abaisser. Ne sois pas silencieux, mais prends garde à ne pas offenser ou à répondre par une parole véhémente. Détourne ton visage, maîtrise-toi, la flamme d’un tempérament (trop) ardent peut « balayer » l’homme bon, qui sera ainsi offensé et dont le chemin sera foulé. L’homme au coeur chagrin durant tout le jour n’a pas un instant heureux ; mais l’homme au coeur insouciant tout le jour ne pourra fonder un foyer [23]. Celui qui lance des flèches est bien approvisionné, de même que celui qui manie le gouvernail pour aborder, tandis qu’un autre saisit (la corde d’amarrage) ; (de même) celui qui obéit à son coeur (= sa raison) commandera - (Max. 25).

Du respect des Grands

* Ne t’oppose pas au pouvoir d’un Grand, ne contrarie pas celui dont le fardeau est (déjà) lourd ; car il fera tort à qui lui sera hostile, mais il fera du bien [24] à qui l’aimera. Celui qui est avec le dieu [25] est pourvu de force, ce qu’il désire on l’accomplit pour lui. Apaise donc ton visage après la tempête, et la paix sera auprès de ta personne ; (laisse) l’hostilité à l’ennemi ; c’est la force (d’un homme) qui fait croître l’amour - (Max. 26).

* Enseigne à un Grand ce qui peut lui être utile, prépare ainsi son heureux accueil parmi les hommes, et fais en sorte que ta sagesse aboutisse à son succès ; car ta subsistance est auprès de sa personne. (De même que) le corps du favori sera satisfait [26], (de même) ton dos sera vêtu à cause de cela, et sa faveur sera sur toi pour donner la vie à ta maison. Tu seras auprès de ton supérieur que tu aimes, et qui vit de cela, (en échange) il sera (pour toi) un heureux secours. Ainsi le calme durera et l’amour de toi dans le corps de ceux qui te chérissent. Vois, c’est un homme [27] celui qui aime écouter - (Max. 27).

De la justice

* Si tu es le fils d’un magistrat, un messager qui plaît aux foules, sauve l’impartialité de la justice, ne penche pas d’un côté. Prends garde qu’(un homme) ne dise à propos de ta décision : « Juges, il a tenu un discours partial. » Ton action alors se retournerait contre toi [28] - (Max. 28).

* Si tu as été indulgent dans une affaire passée, ayant eu un penchant pour un homme à cause de
sa rectitude, écarte-le, oublie-le, puisqu’il est resté silencieux à ton égard le premier jour - (Max. 29).

* Si tu es grand après avoir été petit, si tu as réalisé des biens après avoir été dans le besoin autrefois, dans une ville que tu connais, ne te lamente pas à cause de ce qui t’est arrivé dans le passé, et n’aie pas (trop) confiance non plus dans tes richesses. Car cela t’est advenu comme un don de Dieu. Ainsi tu ne seras pas (placé) après un autre, ton égal, à qui la même chose est arrivée - (Max. 30).

Du respect de la hiérarchie

* Courbe ton dos devant celui qui est au-dessus de toi, ton supérieur dans le Palais royal. Ainsi, ta maison durera avec tes richesses, et tu gagneras honnêtement ton salaire ; le bras qui se tend ne restera pas paralysé [29]. Il est mauvais de résister à un supérieur ; on vit aussi longtemps que l’on est souple. Ne saisis pas la maison de voisins ; ne t’empare pas des biens d’un proche - cela n’est pas bon pour qui le commet - afin qu’il ne se plaigne pas de toi jusqu’à ce que cela te revienne aux oreilles. C’est une mauvaise disposition du coeur que la contestation ; celui qui la pratique [30] deviendra un ennemi, car il est mauvais de créer du trouble dans le voisinage - (Max. 31).

Contre l’homosexualité

* Ne copule pas avec un adolescent efféminé, car tu sais que l’on s’oppose ainsi à « l’eau qui est sur son coeur », et il ne pourra être apaisé à cause de ce qui est encore en son corps. Ne permets pas qu’il passe la nuit à faire ce qui est interdit ; ainsi il se calmera après avoir trompé son désir -(Max. 32).

De la discrétion

* Si tu veux éprouver le caractère d’un ami, ne pose pas de questions, mais approche-toi de lui
et demeure seul en sa compagnie, de sorte, toutefois, qu’il ne souffre pas de sa condition. Aie avec lui, après un temps, une conversation, et éprouve son coeur au cours d’un échange de paroles. Si, alors, une chose qu’il a vue lui échappe [31], s’il commet un acte qui te mécontente, garde le silence ou bien demeure amical, mais ne détourne pas ton visage. Sois prudent, s’il t’a révélé une affaire, et ne réponds pas au moyen d’un acte violent ; ne te sépare pas de lui, ne le renvoie pas, évite de l’accuser. Son temps n’est pas encore venu, mais on n’échappe pas à son destin - (Max. 33).

De la générosité

* Sois généreux et doux [32] tout le temps de ta vie. Ce qui sort du grenier n’y rentre pas, et c’est leur part de pain dont les hommes sont avides. Celui dont le ventre est creux est (vite) un accusateur, et l’opposition se transforme en haine ; n’agis pas pour qu’un homme semblable soit dans ton entourage [33] ; la gentillesse, c’est le souvenir que l’on a d’un homme, des années durant, après (qu’il a quitté) sa charge officielle - (Max. 34).

De la bonne nature

* Connais bien tes proches [34], ta fortune demeurera. N’aie pas mauvais caractère envers tes amis, c’est un rivage recouvert d’eau [35], plus important que les richesses ; car ce qui appartient à l’un peut (ensuite) appartenir à un autre. Mais le caractère du fils d’un homme bien né est pour lui bénéfique ; on se souvient d’une nature heureuse - (Max. 35).

De la répression

* Punis sévèrement, corrige solidement ; la répression du crime sera un exemple de (force de) du mal caractère. Mais dans un cas où il n’est pas question d’action mauvaise, laisse la plainte venir de l’opposant [36] - (Max. 36).

De la gaieté féminine

* Si tu épouses une femme (?) , qui soit joyeuse, connue des gens de sa ville, (?) si (chaque) instant a pour elle des attraits, ne la rejette pas, nourris-la bien, car la gaieté du coeur permet de goûter... (?)- (Max. 37).

Épilogue.

Du père et du fils

* Si tu écoutes mes paroles, ta situation sera éminente. Leur vérité demeurera, c’est cela leur richesse ; leur souvenir ne quittera pas la bouche des hommes, car leurs maximes sont belles et bonnes. Chacune de ces paroles sera transmise, et ne périra pas dans ce Pays, à jamais ; elle deviendra
la meilleure des expressions (de l’esprit), de laquelle parleront les grands personnages.

Ceci, c’est donc apprendre à un homme à parler à la postérité ; celui qui d’abord écoutera deviendra ensuite un homme que l’on écoute ; il est bon de s’adresser à la postérité, car elle entendra.

Si un heureux exemple vient de celui qui est un supérieur, il demeurera bénéfique à jamais et sa sagesse entière durera pendant l’éternité.

L’homme de connaissance nourrit son ba au moyen de ce qui rend durable, aussi tout va bien pour lui sur la terre ; il est connu grâce à son expérience. (De même) un Grand se doit d’être connu à cause de ses bonnes actions ; son coeur sera pesé en même temps que sa langue ; aussi ses lèvres doivent-elles être exactes lorsqu’il parle ; ses yeux doivent regarder, ses oreilles, toutes deux, doivent entendre ce qui pourra être utile à son fils - qui devra suivre la Vérité et la Justice et être exempt de mensonges.

* Écouter est utile pour un fils obéissant. Le fait d’écouter pénètre l’auditeur, et l’auditeur alors
devient un homme obéissant. Il est bon d’écouter (comme) il est bon de parler. L’auditeur possède une chose utile : il est utile en effet pour un auditeur d’écouter ; écouter est plus beau que tout. A cause de cela peut naître une affection heureuse.

Comme il est bon pour un fils de recevoir les paroles de son père ; c’est avec ce fardeau qu’il parviendra, (lui aussi), à la vieillesse. Celui qui écoute et obéit, est aimé de Dieu ; l’homme que Dieu déteste n’obéit pas.

C’est le coeur qui fait de son possesseur un homme qui écoute ou un homme qui n’écoute pas, car, pour l’homme, son coeur c’est Vie-Santé-Force. L’auditeur est celui qui écoute tout ce qui est dit, et celui qui aime écouter réalise ensuite ce qui est dit.

Comme il est bon que le fils écoute son père, et combien se réjouit celui à qui l’on dit cela : « Le fils est agréable parce qu’il possède l’obéissance. » Celui de qui l’on dit cela sera prospère physiquement [37], son souvenir demeurera dans la bouche des vivants, tant ceux qui sont sur laterre maintenant que ceux qui y viendrontensuite.

* Si le fils d’un homme bien né accueille les paroles de son père, aucune de ses affairesne périclitera. Enseigne à ton fils l’obéissance, afin qu’il excelle parmi les Grands, « conduisant sa bouche » selon ce qui lui a été dit, et qu’il soit considéré comme un homme discipliné. Ce fils-là est excellent et ses démarches seront remarquées, que l’insuccès accompagnera celui qui n’écoute pas ». L’homme de connaissance se lève de bon matin pour affermir (sa situation), tandis que l’homme sans raison ne fait que « suivre ».

* L’insensé, qui n’écoute pas, ne pourra rien faire, car il considère la science de même que l’ignorance, ce qui peut être utile comme ce qui est nuisible ; il accomplit tout ce que l’on condamne, au point d’être blâmé, à cause de cela, chaque jour. Il vit de ce dont, (habituellement), on meurt, sa nourriture c’est la parole coupable. Son caractère est connu par les Grands, qui disent : « (Sa) vie est chaque jour détruite. » On passe sur ses fautes, à cause de la multitude des malheurs qui, quotidiennement, l’accablent.

* Un fils obéissant est un serviteur d’Horus ; tout va bien pour lui après qu’il a écouté. Lorsqu’il aura atteint (à son tour) la vieillesse et sera devenu un imakhou [38], il parlera de même façon à ses enfants, en renouvelant l’enseignement de son père. Chaque homme enseigne selon ce qu’il a fait, et il parle à ses descendants comme ceux-ci ensuite parleront un jour aux leurs.

* Crée un exemple ; ne permets pas que l’on t’offense ; fortifie la vérité et la justice, afin que tes enfants puissent vivre. Celui qui s’avance accablé de malheurs, les gens qui le verront diront : cela correspond à sa nature [39], et ceux qui l’entendront le diront aussi. Considère tout le monde, satisfais un grand nombre d’hommes ; la richesse ne peut s’obtenir sans eux. Ne retire aucune parole, n’en ajoute pas, ne place pas une chose à la place d’une autre. Garde-toi de délier les cordes qui sont en toi, évite de (trop) parler ; apprends à connaître les choses, écoute - si tu souhaites ta persistance dans la bouche des hommes. Parle après que tu auras maîtrisé l’art (de la parole), [40] et parle seulement pour l’affaire la plus importante. Ainsi chacun de tes desseins trouvera sa juste place.

* Maîtrise ton coeur, contrôle ta bouche ; ainsi ta condition sera d’être parmi les Grands. Sois
tout à fait exact auprès de ton maître [41], agis de sorte qu’on lui dise : « C’est le fils de cet homme », et ceux qui l’entendront diront : « Loué soit celui pour qui il a été mis au monde ! » Sois patient tout le temps que tu parles, et prononce des paroles remarquables ; alors les Grands qui les entendront diront : « Combien est beau et bon ce qui sort de sa bouche ! »

* Agis aussi de façon que ton maître dise à ton propos : « Comme est parfait celui que son père
a instruit, après qu’il fut sorti de son corps. Il lui a dit tout ce qu’il avait acquis, entièrement - mais
ce qu’il a fait est plus grand encore que ce qui lui a été dit. »

Vois, un bon fils est un don de Dieu ; il doit donner davantage que ce que lui demande son
maître [42]. Il doit accomplir la justice ; et son coeur, ainsi, agit selon ses pas.

Ainsi tu me rejoins, le corps prospère, tandis que le Roi est satisfait de tous ces événements. Puisses-tu passer de nombreuses années en vie ! Ce que j’ai fait sur la terre n’est pas chose dérisoire ; j’ai connu 110 ans de vie, que le Roi m’a donnés. La faveur dont j’ai joui dépasse celle des ancêtres, car j’ai accompli la justice pour le Roi dans la fonction d’imakhou.