La tombe de Ramsès VI
Le voyage souterrain de Pharaon
Article mis en ligne le 22 août 2022

Creusés sur les rives d’un oued du plateau libyque, à l’ouest de Thèbes, les hypogées des Vallée des Rois et des Reines sont généralement composés
d’une longue suite de corridors s’enfonçant en pente douce dans la falaise. Ces corridors ouvrent sur une ou plusieurs salles à piliers, pour aboutir enfin à la vaste chambre funéraire. Sur ce parcours souterrain se trouvent aussi parfois un ou plusieurs puits funéraires. Ils sont peut-être une évocation des cavernes de Sokar, très ancienne divinité chtonienne, protecteur des morts. Peut-être ont-ils aussi un rôle pratique, protégeant la et chambre funéraire des profanations et des inondations.

Entrer dans ces hypogées tient du parcours symbolique. Ils invitent à une longue traversée souterraine en même temps qu’à un périple dans l’au-delà. Leur agencement,
ces couloirs - ponctués de salles comme autant d’étapes, matérialise le parcours accompli par Pharaon après la mort, surmontant épreuve après épreuve pour atteindre le royaume d’Osiris symbolisé par la salle du sarcophage, et renaître tel le soleil. Sur les parois, de grandes scènes des anthologies religieuses donnent au fur et à mesure clés et formules magiques pour affronter les dangers et les mauvais génies.

Chaque Pharaon a son programme décoratif propre, résultat de spéculations fondées sur les compositions existantes, et sans doute aussi d’un désir d’originalité,
Selon les moyens et surtout le temps dont il a disposé avant sa mort (la construction des tombes débute en général dès l’intronisation du nouveau roi), ces décors sont plus ou moins élaborés. Certains se limitent à un seul livre religieux, d’autres présentent des synthèses très élaborées de cinq ou six compositions différentes. C’est le cas de la sépulture de Ramsès VI (XXème dynastie, 1144-1136 av. J.-C.),présentée ci-dessous. Une sépulture qu’il a réutilisée, pour des raisons qui restent encore mystérieuses, puisque à l’origine elle avait été construite pour son frère Ramsès V.

Le ventre de Nout

Le plafond astronomique de la chambre funéraire illustre certaines scènes du Livre du jour et de la nuit. Il raconte le voyage du soleil à l’intérieur de Nout, également connue sous le nom de « dame du Ciel et des Etoiles, mère du Soleil ».Chaque soir, la divinité avale l’astre qui traverse son corps pour renaître au matin. Une représentation dynamique, comme le montre ce détail où le soleil apparaît sous la forme d’un disque rouge dans le ventre de Nout, puis d ?un disque blanc ailé lorsqu’il émerge de son sexe. Les personnages peints sur le fond bleu nuit figurent des constellations, mais aussi des momies qui se régénèrent à chaque passage du soleil. Les chacals, eux, sont selon certaines traditions des auxiliaires de dont ils tirent la barque.

Les damnés

Sur la paroi ouest de la chambre funéraire, des hommes sont représentés à l’envers, décapités, privés de leur intégrité physique. Il s’agit des damnés, qui symbolisent les forces destructrices. Peints en rouge, couleur du sang, ils sont voués à l’anéantissement éternel.

Dans la tombe de Ramsès VI

La tombe de Ramsès VI présente sans doute le décor pariétal le plus complexe connu à ce jour. Le premier et le second corridor. (1 et 2) sont ornés de représentations des Livres des portes et des cavernes. Le troisième corridor (3), qui débouche sur un puits
rituel (4), contient en plus de ces deux compositions le Livre de la vache du ciel. Dans la salle à piliers (5) se poursuivent les Illustrations des Livres des portes et des cavernes. Le plafond est peint depuis l’entrée d’une magnifique voûte céleste. A partir du quatrième corridor (6), apparaissent des passages du grand livre secret de l’Am-douat Extraits qui se poursuivent dans le
cinquième couloir (7) accompagnés à nouveau de scènes du Livre de la vache du ciel. C’est seulement sur les parois du vestibule (8) que l’on rencontre le Livre des morts. Dans la chambre funéraire (9), où ne subsiste aujourd’hui qu’un sarcophage brisé, les parois sont ornées du Livre de la terre et de celui du jour et de la nuit. L’extraordinaire plafond astronomique représente Nout sous un double aspect de jour et de nuit, reproduisant ainsi le cycle perpétuel de la renaissance du soleil.

Le Livre d’Aker

La paroi est de la salle du sarcophage est ornée d’une vaste fresque qui serait issue d’un mystérieux Livre de la Terre ou d’Aker. Ce dieu, sans doute d’origine préhistorique, est chargé d’ouvrir les portes de la Terre pour permettre à la barque de d’accéder au monde inférieur. Il est déjà mentionné dans ce rôle d’« ouvreur » par les Textes des pyramides. Comme la plupart des grandes compositions religieuses, ce décor fait la synthèse de toutes les croyances et mythologies expliquant le grand mystère de la disparition et de la renaissance du soleil.

L’enfant et les douze génies

L’homme ithyphallique au centre de l’image est « celui qui cache les heures ». Son corps est relié par des lignes pointillées à des génies qui figurent les douze heures de la nuit. Son sexe donne naissance à un enfant assis portant sa main à la bouche, selon une représentation traditionnelle chez les Egyptiens : c’est en effet ainsi qu’est dessiné le hiéroglyphe qui signifie enfant. Cette image symbolise à nouveau le parcours nocturne et la régénération du soleil.

La femme aux bras dressés

C’est une nouvelle figure de Nout. Dans cette attitude, elle redonne vie au soleil, qu’elle élève depuis les profondeurs du monde souterrain. Sous ses bras, deux divinités obscures figurent. L’Occident à droite et l’Orient à gauche.