La momie est de retour
Article mis en ligne le 2 février 2005
dernière modification le 19 janvier 2005

Quand la chimie vient au secours de l’histoire, la réaction peut faire des étincelles. Récemment, une équipe de chimistes britanniques a pu apporter un éclairage nouveau sur l’un des nombreux mystères de l’Egypte ancienne : celui des momies. En l’occurrence pas n’importe lesquelles puisqu’il s’agit de momies d’animaux.

En employant des techniques classiques de chimie, Richard Evershed et ses collègues de l’université de Bristol ont analysé des prélèvements effectués sur quatre momies : celles d’un chat, de deux faucons et d’un ibis, datant de 818 à 343 av. JC. L’équipe britannique a eu recours à la spectrométrie de masse et la chromatographie, qui ont permis d’identifier des substances organiques sophistiquées et diversifiées, similaires à celles qui ont pu être retrouvées sur des momies humaines.

Les Egyptiens se servaient de résines de conifères et de pistachiers ayant une fonction anti-bactérienne, de cire d’abeille aux vertus antifongiques et d’huiles végétales, favorisant l’assèchement. Les bandelettes étaient collées à l’aide d’une gomme sucrée. Le bitume, quant à lui, imperméabilisait le tout et apportait la couleur noire, symbole de la vie en Egypte. Les résultats des chimistes de Bristol montrent pour la première fois que les animaux n’étaient pas uniquement recouverts de bandages et plongés dans de la résine comme on le pensait. Ils bénéficiaient d’un traitement proche de celui des êtres humains, en tant qu’ils étaient l’image même des dieux. D’ailleurs des nécropoles d’animaux ont été découvertes dans tout le pays et plus particulièrement à Saqqarah, datant de l’époque hellène puis romaine ; il s’agit entre autres de nécropoles de chats, d’ibis, de singes, de vaches, de crocodiles, de faucons.

vue de profil de la momie de Ramsès II

Certains élevages regroupaient des milliers de bêtes qui étaient vouées à être tuées en vue d’être momifiées et vendues à des pèlerins notamment. Ces derniers en faisaient des offrandes aux dieux, que ces animaux étaient censés représenter sur terre.

Une momie Made In Taiwan ou presque

En 1999, des étudiants en égyptologie à l’Université Américaine du Caire ont réussi à momifier un canard et trois lapins au bout de trois mois d’expériences. Au départ, les bêtes ont été trempées dans des sels de natron d’après une méthode décrite par Hérodote. Ces étudiants se sont également inspirés des travaux d’un chercheur égyptien qui était parvenu au début du XXe siècle à momifier un canard, ainsi que de ceux d’un égyptologue américain connu pour avoir embaumé un être humain à New York en 1994. Les organes des deux premiers lapins ont été ôtés par incision cutanée. Une performance a été réalisée pour troisième lapin qui a été vidé grâce à un seul lavement à base de térébenthine. Quant au canard, il a pu être embaumé avec toutes ses plumes. L’assèchement des corps a duré trois semaines sur le toit du bâtiment universitaire !

vue de face de la momie de Ramsès II

Salima Ikram, responsable du projet et assistante au département d’égyptologie de l’AUC explique ce choix incongru : il est préférable de réaliser l’assèchement en plein air, sous le soleil et le vent car les rayons ultraviolets ont des propriétés désinfectantes et préviennent le développement des bactéries. L’équipe a tenu à reproduire les rituels anciens d’embaumement dans leurs moindres détails. Ainsi des incantations de hiéroglyphesfunéraires ont été tracées sur les toiles de lin qui enveloppent les corps, avec une encre élaborée selon une recette égyptienne.

Vous avez dit thanatopraxie ?

Aux Etats-Unis, la momification emballe de plus en plus de personnes, désireuses de garder auprès d’elles leurs animaux de compagnie défunts. Corky Ra (dont le vrai nom est Corky Nowell), ancien missionnaire mormon et ex-commercial résidant à Salt Lake City, l’a tellement bien compris qu’il a décidé d’en faire son activité principale. Depuis 1985 il élabore des méthodes d’embaumement non seulement pour les animaux, mais également pour leurs maîtres. Voilà plusieurs années qu’il collabore en outre avec John Chew, ancien directeur du département des sciences mortuaires de l’université Lynn de Floride. Selon M. Ra, les animaux qu’il a momifiés ne se sont toujours pas décomposés après avoir passé vingt ans dans "leur chrysalide".

vue de profil de la momie de Ramsès II

A ce jour, des centaines de chiens, de chats, de rats, d’oiseaux ont bénéficié de ses techniques. Le sang est vidé et les organes retirés ; le tout sèche durant deux mois minimum dans un grand récipient rempli d’agents conservateurs (cette étape montre une différence avec la technique égyptienne puisque les corps devaient macérer dans du sel et de la résine). Puis les organes sont recousus à leur place dans le corps qui, par la suite, est solennellement déposé dans plusieurs couches de gaze et badigeonné de lanoline (graisse de consistance solide retirée de la toison du mouton). Enfin le corps est enduit de polyuréthane bleu, matière plastique utilisée dans l’industrie des peintures, et orné d’un revêtement en fibre de verre.

la main de la momie de Ramsès II

Aux côtés de l’oncle Michel dans son urne sur la cheminée, désormais Rex veillera, pour l’éternité.