La sixième guerre de Syrie
Antiochos IV et l’Egypte
Article mis en ligne le 12 mai 2008
dernière modification le 6 mai 2008

A partir du règne de Ptolémée IV Philopator (221-204), l’Égypte lagidе amorce un déclin irrémédiable tant sur la scène internationale que sur le plan intérieur. De ce point de vue, les incessants conflits dynastiques ou d’influence entre ministres plus ou moins véreux minent véritablement les assises du pouvoir, déjà fortement ébranlées par des problèmes financiers croissants, à la fois causes et conséquences de la fin de l’hégémonie lagide sur le monde hellénistique.

La situation se dégrade encore avec la mort prématurée de Ptolémée V Epiphane (180), qui laisse le trône à un enfant de six ans, Ptolémée VI Philométor. Si la reine mère, Cléopâtre Ière, qui assume la régence, réussit quelque temps à tenir la situation en main, son décès, en 176, offre la direction effective de l’Egypte à deux courtisans incapables, Eulaios et Lènaios, qui ne trouvent rien de mieux pour faire taire les oppositions intérieures que de se lancer dans une guerre contre le Séleucide Antiochos IV, au pouvoir depuis 187.

Premières victoires séleucides

Il est vrai que l’Égypte n’en est pas à son premier conflit avec ses voisins séleucides et qu’elle a une revanche à prendre, dans la mesure où, lors de la « cinquième guerre de Syrie » (201-198), elle a perdu la précieuse Coelé-Syrie. Mais le moment est sans doute mal choisi et, surtout, la préparation militaire insuffisante. Enfin, le pouvoir est encore fragilisé par le fait que le roi est mineur. Pour pallier ce problème, les régents non seulement décident de proclamer Ptolémée VI majeur, bien qu’il n’ait que quatorze ou seize ans, mais ils lui associent comme corégents sa soeur-épouse, Cléopâtre Il, et son frère cadet Ptolémée, surnommé Physcon, le « Bouffi », en raison d’un fort embonpoint.

Mais ces mesures ne suffisent pas à préparer l’Egypte à un conflit contre les forces beaucoup mieux organisées d’Antiochos IV, à qui il suffit d’une bataille pour faire sauter le verrou égyptien de Péluse. La route de l’Egypte est ouverte. Face à la catastrophe, Eulaios et Lènaios laissent la place à deux nouveaux régents, sans doute leurs adversaires politiques, qui s’empressent d’entamer des négociations avec le vainqueur.

Celles-ci aboutissent de fait à une véritable mise sous tutellе de la monarchie lagide, dont Ptolémée VI - qui, par ailleurs est le neveu d’Antiochos IV - devient le seul représentant. Mais les Alexandrins refusent ces conditions et proclament seul roi Ptolémée Physcon. Antiochos IV, qui ne réussit pas à prendre la ville et que d’autres affaires appellent, abandonne le pays à la fin de l’année 169, en gardant toutefois Péluse.

Temple romain de Ras el-Soda

Réconciliation égyptienne et reprise du conflit

A lors qu’Antiochos IV compte sur le pourrissement de la situation intérieure de l’Egypte, un rebondissement inattendu vient tout remettre en question. En 170, en effet, les frères et soeurs ennemis se réconcilient et restaurent la triple corégence. Si cette mesure sonne l’arrêt de la guerre civile, elle signifie la reprise imminente des hostilités avec le Séleucide, qui peut considérer que son protégé, Ptolémée VI, l’a trahi dans des conditions aussi défavorables que l’année précédente.

Effectivement, Antiochos IV, bien décidé cette fois à s’emparer au moins de Chypre et de la région de la bouche pélusiaque, marche sur l’Egypte dès le début de 168. Après avoir pris Chypre, il entre en
Egypte, où il fait une véritable promenade militaire, non sans se livrer au pillage, en passant par Memphis, jusqu’aux murs d’Alexandrie. Le siège qui finira par lui livrer le pays peut commencer.

L’intervention de Rome : la « journée d’Eleusis »

Toutefois, Rome en décide autrement. Dès leur réconciliation, les Lagides ont cherché l’appui de Rome, la puissance montante de l’époque, pour cet affrontement qu’ils redoutent. Mais le Sénat n’a semblé qu’y prêter une attention relative. Certes, il a consenti à envoyer une mission diplomatique, mais celle-ci, dirigée par С. Popilius Laenas, un ami personnel d’Antiochos IV, lequel avait toujours été en outre un allié fidèle de Rome, semble s’être perdue en route !

La forteresse de Péluse

Quelle n’est donc pas la surprise du souverain séleucide quand, à Éleusis - un faubourg d’Alexandrie -, il voit arriver au-devant de lui un Popilius Laenas manifestement décidé à soutenir la monarchie lagide. La petite histoire a gardé de cette rencontre l’anecdote du cercle que traça l’ambassadeur romain sur le sol, signe qu’il exigeait sans délai qu’Antiochos IV se plie aux exigences romaines,
lesquelles étaient bien lourdes puisqu’elles comportaient le retrait pur et simple d’Egypte du Séleucide, pourtant vainqueur par les armes, et ce sans aucune compensation. Antiochos IV, qui ne voulait pas - et ne pouvait pas - risquer une guerre avec Rome, dut s’incliner. L’Égypte était sauvée, mais à quel prix.

La suite de son histoire prouve que, même si les Lagides conservent le pouvoir, ils sont désormais sous la coupe de Rome, et encore tant que сеllе-сі voudra bien tolérer leur indépendance politique.