La période des royautés multiples (2300-2050)
Article mis en ligne le 9 février 2018
dernière modification le 4 février 2018

La fin de l’Ancien Empire se traduit par un émiettement du pouvoir royal. Les VIIe et VIIIe dynasties sont extrêmement falotes. Les lacunes du papyrus royal de Turin et les contradictions des abréviateurs de Manéthon ne permettent guère de reconstruire leur histoire, qu’éclairent à peine de rares documents contemporains. De ce chaos de royautés multiples émergent deux dynasties qui tentent de refaire l’unité à leur profit. L’une, la IXe héracléopolitaine, fondée par Akhthoès Ier autour de 2200, à laquelle il faut joindre la Xe dyanstie, règne à Héracléopolis, l’actuelle Ehnasyah, un peu au sud de l’entrée du Fayoum. L’autre, la XIe, règne à Thèbes, l’actuelle Louxor, après avoir été fondée par Antef Ier autour de 2180. Elles furent donc en grande partie contemporaines.

Les Héracléopolitains, héritiers plus directs des Memphites, plus imbus de la haute civilisation et de la spiritualité de l’Ancien Empire finissant, ont tenté de tirer la leçon des événements. Certains rois rédigèrent des Enseignements destinés à éclairer la conduite de leur successeur. Celui qui avait été destiné à l’un des derniers représentants de la Xe dynastie, Mérikarê, nous est parvenu. C’est un très beau document, à la fois d’analyse politique et de considérations métaphysiques et morales. La force ne saurait se suffire à elle-même ; la justice seule dure. Dans le culte, l’intention droite est plus importante que l’offrande elle-même. Ces idées, que reprendront un millénaire plus tard les prophètes d’Israël, se retrouvent dans le Conte de l’Oasien : un habitant du ouadi Natroun, dépossédé de son bien par un fonctionnaire prévaricateur, expose en neuf discours d’un style fort relevé la primauté de la justice sur la force

Les rois d’Héracléopolis étaient maîtres du pays depuis le nome thinite jusqu’à la mer. Il est vrai qu’ils devaient compter avec de grands vassaux, tels les nomarques d’Assiout, à demi indépendants mais apparemment fidèles jusqu’au bout à leur souverain légitime. L’est du Delta cependant leur échappait, toujours plus ou moins occupé par les Asiatiques. Sans doute moins guerriers que penseurs, ils furent les continuateurs des Memphites par leur art délicat et classique. Au contraire, les nomarques thébains dans leur lointaine résidence provinciale avaient la lourdeur et parfois même la grossièreté des gens incultes, quand on compare leur attitude sociale et leurs réalisations artistiques à la fine urbanité des Héracléopolitains. Mais cette rudesse avait du caractère. Dès que leurs sculpteurs et leurs peintres apprennent le métier, ils savent infuser à l’art poli, mais un peu exsangue et académique du Nord, une vigueur prometteuse de nouveaux chefs-d’œuvre. Leurs armées, bien entraînées, ne cessent d’attaquer, autour d’Abydos, les forces du pharaon légitime. Elles arrivent à Assiout, qui cède en dépit de la valeur de ses chefs, et finissent, au temps de Mentouhotep Nebhepetrê, peu avant le IIe millénaire, par renverser Héracléopolis et ses nomarques esthètes et philosophes, et même par reconquérir tout le Delta.