Taousert
Article mis en ligne le 13 août 2012
dernière modification le 19 août 2012

4em femme couronné pharaon de l’histoire égyptienne. Théophile Gautier emprunta son nom de Taôser, d’après la traduction de Champollion, pour l’attribuer à l’héroïne de son roman de la momie. Elle fut la dernière manifestation du pharaon-femme, avant la conquête de l’Egypte par Alexandre le Grand et le règne des Ptolémées qui devait s’achever avec Cléopâtre VII, la fameuse pharaonne Alexandrine.

Taousert, dont l’image sculptée contre un montant de porte du temple nubien d’Amada apparaît frêle et gracieuse, dut connaître une existence difficile à la fin de la XIXe dynastie, marquée par les règnes de Séthi Ier et surtout de son fils, le grand Ramsès II. La famille royale, dont les héritiers semblaient épuisés et démunis, s’accrochait à un trône convoité par un certain Amenmès, arrière-petit-fils supposé de Ramsès II, dont on ne sait exactement où placer la courte durée du règne. Un apparent et puissant soutien de la couronne, le grand chancelier Baÿ, paraît, durant cette période, avoir joué un rôle décisif auprès de la reine. Enfin un Syrien, Iarsou, prit le pouvoir en pleine anarchie et régna en tyran ; mais il fut finalement chassé par Sethnakht, fondateur de la XXe dynastie. Au centre de cet échiquier, contractant semble-t-il des alliances successives et connaissant des fortunes diverses : trois principaux acteurs sur l’ordre de succession desquels des controverses existent encore : Sethi II, Taousert, Siptah [D’après sir A. Gardiner, il n’y a pas eu deux rois portant le nom de >Siptah, comme certains ont pu le penser, mais un seul]. Les monuments qui en subsistent et principalement leurs tombes - dans la Vallée des Rois - laissent supposer des luttes intestines, des rivalités qui se traduisirent par les noms de souverains martelés, puis remplacés par d’autres, voire supprimés définitivement.

Bracelets en argent représentant
Taousert et Sethi II - Vallée des Rois



A la mort de Mineptah (treizième fils et successeur de Ramsès II), sans doute un de ses héritiers, Séthi, deuxième du nom, lui succéda : il aurait pour renforcer encore sa légitimité, épousé la princesse royale Taousert. Séthi II ne régna que six ans et sa Grande Épouse Royale fut Taousert que l’on voit, sur un de ses propres bracelets d’argent [Conservé au musée du Caire], versant du vin dans un gobelet que tend le roi. A la mort du pharaon, son fils Siptah devait pouvoir lui succéder. On ne sait qui était sa mère, certainement pas Taousert. Alors dut surgir, éternel prétendant, le parent royal Amenmès, lequel occupa peut-être le trône pendant un court moment. Le grand chancelier "de la terre entière", Baÿ, veillait, semble-t-il, et d’après ses propres termes "établit le roi sur le trône de son père". Sa Majesté Siptah était certainement encore un enfant. Taousert, sans l’aide du chancelier, n’aurait sans doute pas pu, seule, arriver à cette solution, d’autant que la succession était contestée. Baÿ appuya le parti au pouvoir : la reine a-t-elle dû s’incliner devant les manœuvres de Baÿ ou fut-elle son alliée ? Quoi qu’il en soit, elle assura la régence pendant les six années connues du règne de Siptah, mort prématurément et enterré dans la Vallée des Rois, puis Taousert monta sur le trône et se fit couronner sous le nom de "fille du soleil"[Ce qualificatif est ici compris comme un nom propre. Il correspond à l’égyptien Sar-Rê, et avait été porté comme nom de naissance par la première reine de la dynastie, épouse de Ramsès Ier]. Elle avait tenu, durant sa régence, à ce que soit construite pour elle, comme pour un souverain de plein droit, une tombe dans la Vallée des Rois, aussi la voit-on figurée, sur les reliefs couvrant les murs, aux côtés de Siptah. Puis, devenue reine, elle voulut rappeler dans syringe le souvenir de son époux Séthi II. C’est pourquoi dans la scène où, à coté de Siptah, elle fait offrande à Geb, elle supprima les noms du jeune roi pour les remplacer par ceux de Séthi II ; c’est ce que l’on peut supposer. Mais on connaît encore trop peu de chose pour savoir ce qui est vraiment survenu.


Détail de la tombe de Taousert



La dernière année mentionné du règne de Taousert est l’an 8 [Manéthon cote dans l’ordre des pharaons, à la place qu’elle avait pu occuper, un toi Thuoris qui aurait régné sept ans]. Est-elle resté au pouvoir durant toute cette période ? Si oui, y avait-elle introduit ses six années de régence ? Si cette hypothèse est juste, elle n’aurait résisté que deux ans devant les ambitions du Syrien Iarsou. Sa tombe (n°14 de la Vallée des Rois), témoin des attaques que la souveraine eut à subir, devait être complétée par un temple, ébauché seulement, au sud du Ramesséum, et son palais dut exister à Pi-Ramsès, où elle utilisa peut-être celui de son ancêtre Ramsès II. La Nubie et le Sinaï ont gardé des traces de son activité royale et pacifique. Comment disparut-elle ? Nul ne peut le dire, mais la possibilité d’une mort violente durant cette période d’anarchie ne peut être écartée. Une certitude relative est que sans doute Iarsou ne s’ingénia pas à soigner sa mémoire, et que Sethnahk prit possession de sa tombe et fit très probablement détruire sa momie. Cependant, les "fidèles" veillaient ; ils purent soustraire quelques bijoux du trésor de la reine défunte et les cachèrent dans une sépulture anonyme, resserre discrète où ils furent retrouvés [Ce qui subsiste des bijoux est conservé au musée du Caire.], dans cette même Vallée des Rois. De cet ensemble, proviennent les deux bracelets d’argent où la voit, encore Grande Epouse Royale, gracieuse et attentive devant Séthi II. D’autres bijoux côtoyant ceux de la reine sont aux noms de son premier époux : boucles d’oreilles en or, volumineuses mais très légères, décorées d’élégantes et longues pampilles en forme de grenade, et que seuls portaient les princes en bas âge et les princesses.



Dans une autre "cachette" d’orfèvrerie du Delta oriental, située à Zagzig, au milieu de prestigieux bijoux ramessides, dont le "pot à la chevrette" et les deux bracelets "aux canards" de Ramsès II, se trouvait également une coupe en or en forme de lotus au nom de Taousert. Celle ci est le seul exemple connu d’un calice utilisé par les souverains. On peut le retrouver dans les scènes figurées, évoquant la vie intime au palais et rappelant l’épisode où Taousert sert le vin de l’ivresse à Séthi II, son pharaon, celui qu’elle avait peut-être aimé.